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Legs et indivision : l’usufruit entier peut être imposé aux héritiers (Cass. 2025)

Le 18 décembre 2025
Legs et indivision : l’usufruit entier peut être imposé aux héritiers (Cass. 2025)
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La SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat inscrite au barreau de Saint-Nazaire, reçoit sur rendez-vous au 2 rue du Corps de Garde, 44600 Saint-Nazaire et intervient notamment en droit de la famille (successions / divorce) et en droit immobilier. 


1) Résumé de l’arrêt

Parties : une veuve (seconde épouse) (demanderesse au pourvoi) contre les deux enfants du défunt issus d’une première union (défendeurs).

Juridiction : Cour de cassation, 1re chambre civile, 19 novembre 2025, n° 23-23.677 (inédit).

Nature du litige : règlement successoral, avec une question très pratique : la veuve doit-elle une indemnité d’occupation si elle occupe un bien que le défunt n’avait qu’en indivision (bien relevant d’une communauté antérieure non liquidée) ?

Solution / portée immédiate : la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel, en rappelant que l’article 1021 du code civil n’est pas d’ordre public et que le testateur peut imposer à ses héritiers la charge de procurer l’usufruit entier d’un bien, même s’il n’en possédait qu’une quote-part indivise.

2) Analyse détaillée

2.1. Les faits 

26 décembre 2015 : décès de la première épouse ; la communauté ayant existé avec le défunt (et la succession de la première épouse) n’ont pas été liquidées.

5 janvier 2017 : testament authentique : le défunt prive sa seconde épouse de tout droit dans sa succession, sauf un droit d’usufruit sur des biens (immobiliers et mobiliers) situés à une adresse déterminée, dépendant de la communauté antérieure.

1er août 2017 : testament olographe confirmatif, ajoutant une clause : si les enfants ne respectent pas les dispositions, une rente de 1 200 € / mois doit être versée à l’épouse.

19 février 2019 : décès du testateur ; il laisse pour lui succéder ses deux enfants.

Des difficultés naissent lors du règlement de la succession (occupation du bien, rente, etc.).

2.2. La procédure

Cour d’appel de Lyon, 17 octobre 2023 : la veuve est condamnée à payer 27 657 € d’indemnité d’occupation pour la période 20 février 2019 – 29 août 2022.

Cour de cassation, 19 novembre 2025 : cassation totale et renvoi devant la cour d’appel de Grenoble.

2.3. Contenu de la décision

a) Arguments des parties 

Argument central de la veuve : même si le défunt n’était propriétaire que d’une moitié indivise, il pouvait, par testament, imposer aux héritiers la charge de lui procurer l’usufruit sur la totalité du bien ; l’indemnité d’occupation ne pouvait donc pas être mise à sa charge sur cette base.

b) Raisonnement de la Cour de cassation

La Cour vise l’article 1021 du code civil (legs de la chose d’autrui).
Elle pose un principe décisif : ce texte n’étant pas d’ordre public, le testateur peut imposer à ses héritiers la charge de procurer l’usufruit entier au légataire, même s’il n’avait qu’un droit indivis sur le bien.

Dès lors, la cour d’appel ne pouvait se contenter d’affirmer : “le défunt n’avait que la moitié, donc l’usufruit légué ne porte que sur la moitié”, sans tirer les conséquences juridiques de la possibilité d’une charge imposée aux héritiers.

c) Solution retenue et conséquences

La cassation du chef “indemnité d’occupation (27 657 €)” entraîne, par dépendance nécessaire, la cassation du chef rejetant la demande reconventionnelle de rente (1 200 €/mois ; somme arrêtée à 55 200 € au 31 décembre 2022).
Renvoi devant la CA Grenoble.

3) Références juridiques vérifiées

3.1. Jurisprudence 
Cass. 1re civ., 19 nov. 2025, n° 23-23.677 (inédit)

Cass. 1re civ., 28 mars 2006, n° 04-10.596 (publié au Bulletin)

Cass. 1re civ., 9 oct. 1961, n° 59-12.833 (publié au Bulletin)

Cass. 1re civ., 8 oct. 2014, n° 13-19.399 (inédit)

Cass. 1re civ., 15 mai 2018, n° 14-11.123 (publié au Bulletin)

Cass. 1re civ., 6 mars 2024, n° 22-13.766 (inédit)

Cass. 1re civ., 19 déc. 1989, n° 88-11.660

3.2. Textes légaux 

Code civil – article 1021 (version en vigueur) :
« Lorsque le testateur aura légué la chose d'autrui, le legs sera nul, soit que le testateur ait connu ou non qu'elle ne lui appartenait pas. 

Code de procédure civile – article 624 (version en vigueur) :

Code de procédure civile – article 700 (version en vigueur) :


4) Analyse juridique approfondie : ce que l’arrêt change “en vrai”

Idée clé

L’arrêt du 19 novembre 2025 s’inscrit dans une ligne constante : l’article 1021 n’est pas d’ordre public. Déjà affirmé en 1961 Légifrance et rappelé notamment en 2006 Légifrance, le principe est ici appliqué à un point très concret : l’usufruit entier peut être dû au légataire si le testament révèle une volonté d’imposer une charge aux héritiers, même lorsque le défunt ne détenait qu’une quote-part indivise. 

Ce qu’il faut retenir pour les dossiers de succession
Ne pas confondre :

Le legs d’un bien réellement “d’autrui” (nul : ex. bien appartenant à une société, 2018). 

Le legs portant sur un bien indivis (la chose indivise n’est pas la chose d’autrui : 2024). 

Et la charge imposée aux héritiers (possible puisque 1021 non d’ordre public : 1961, 2006, 2025). 

En pratique, sur l’indemnité d’occupation : si la veuve est censée bénéficier d’un usufruit entier “obtenu” par charge imposée aux héritiers, la logique d’une indemnité d’occupation au profit des nus-propriétaires peut être profondément remise en cause (ce sera l’enjeu du renvoi). 

5) Critique 

l’arrêt 2025 n’invente pas une règle : il réactive une technique (la charge) et sanctionne la cour d’appel pour une lecture trop “arithmétique” des droits indivis. 

le juge du renvoi devra rechercher, dans l’économie des testaments, si le défunt a voulu contraindre ses héritiers à “compléter” l’usufruit.

6) Accompagnement (droit de la famille / succession)

Vous êtes conjoint survivant ou héritier et le conflit porte sur :

l’occupation d’un bien (indemnité d’occupation),

l’interprétation d’un testament,

ou la liquidation d’une communauté non réglée,

la SELARL PHILIPPE GONET (Saint-Nazaire) peut vous assister pour sécuriser la stratégie (demandes, preuves, chiffrage, calendrier procédural) et défendre vos intérêts. 

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