Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Décision de principe (formation de section, publiée au Bulletin) : lorsqu’une discrimination syndicale est caractérisée, l’indemnisation s’impose sans que le salarié ait à démontrer un préjudice distinct : « le seul constat de l’existence d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation ». Cour de cassation
1.Résumé succinct
Parties : M. [K] [G], salarié, c/ SASU Kuehne + Nagel Insitu.
Juridiction : Cour de cassation, chambre sociale, formation de section – arrêt n° 787 FS-B, publié.
Date / n° : 10 septembre 2025, pourvoi n° 23-21.124, ECLI: FR:CCASS:2025:SO00787.
Nature : Discrimination syndicale – indemnisation.
Effet direct : Cassation partielle de l’arrêt CA Dijon (6 juill. 2023, n° 21/00815) pour avoir refusé des dommages-intérêts au salarié alors que la discrimination syndicale était retenue ; renvoi devant la CA Besançon.
2. Analyse détaillée
Les faits
01.10.1995 : embauche de M. [G] comme cariste par la SASU Kuehne + Nagel Insitu.
Depuis 2013 : délégué du personnel.
06.05.2019 : inaptitude à son poste déclarée.
25.06.2019 → 12.11.2019 : l’employeur sollicite l’autorisation de licencier auprès de l’inspection du travail ; refus le 12.11.2019.
16.06.2020 : après expiration de la période de protection, l’employeur licencie M. [G] pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
02.07.2020 : saisine prud’homale : nullité du licenciement & dommages-intérêts pour discrimination syndicale.
La procédure
CA Dijon, 6 juill. 2023 (n° 21/00815) :
Retient la discrimination syndicale,
mais déboute le salarié de sa demande de dommages-intérêts, considérant qu’il n’apporte pas la preuve d’un préjudice et que la constatation de la discrimination suffirait à le réparer.
Cassation :
Casse partiellement l’arrêt en ce qu’il déboute M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale ;
Renvoie devant CA Besançon ;
Condamne l’employeur aux dépens et à 3 000 € (art. 700 CPC).
Contenu de la décision
Arguments des parties (au pourvoi)
Le salarié soutenait que le seul constat d’une discrimination syndicale doit ouvrir droit à réparation, fût-elle morale, et reprochait à la cour d’appel d’avoir refusé toute indemnisation malgré la discrimination caractérisée.
Raisonnement de la Cour de cassation
Vise L.1134-5 (réparation intégrale du préjudice résultant d’une discrimination), L.2141-5 (interdiction de toute mesure fondée sur l’appartenance/activité syndicale) et L.2141-8 (ordre public + dommages-intérêts).
Énonce la règle de principe : « Il en résulte que le seul constat de l’existence d’une discrimination syndicale ouvre droit à réparation ».
En déboutant le salarié faute de preuve d’un préjudice et en estimant que le jugement de la discrimination « suffisait » à réparer, la CA a violé les textes visés.
Solution retenue
Cassation partielle (uniquement sur les dommages-intérêts pour discrimination syndicale) ;
Renvoi CA Besançon pour fixer l’indemnisation.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence citée
Cass. soc., 10 sept. 2025, n° 23-21.124 (FS-B),
CA Dijon, 6 juill. 2023, n° 21/00815 (décision attaquée)
Jurisprudences antérieures utiles (construction jurisprudentielle)
Cass. soc., 28 mars 2012, n° 10-26.176 — discrimination syndicale ; débat sur la réparation (omission de statuer relevée).
Cass. soc., 21 nov. 2018, n° 17-17.198 — repositionnement/réparation intégrale possible après discrimination.
Cass. soc., 14 juin 2023, n° 22-11.601 — repositionnement comme modalité de réparation de la discrimination syndicale.
Cass. soc., 22 sept. 2021, n° 20-13.572 — point de départ de la prescription (art. L.1134-5 : révélation de la discrimination).
Cass. soc., 9 oct. 2024, n° 23-19.063 — conséquences indemnitaires de la discrimination syndicale (préjudices distincts).
3.2 Textes légaux
C. trav., art. L.1134-5 (version en vigueur depuis le 01.01.2017) :
« L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination. Ce délai n’est pas susceptible d’aménagement conventionnel. Les dommages et intérêts réparent l’entier préjudice résultant de la discrimination, pendant toute sa durée. »
C. trav., art. L.2141-5 (version en vigueur depuis le 01.01.2020) :
« Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail. »
C. trav., art. L.2141-8 (version en vigueur depuis le 01.05.2008) :
« Les dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-7 sont d’ordre public. Toute mesure prise par l’employeur contrairement à ces dispositions est considérée comme abusive et donne lieu à dommages et intérêts. »
4. Analyse juridique approfondie
Portée de principe
En articulant L.1134-5 (réparation intégrale) avec L.2141-5 et L.2141-8 (interdiction d’ordre public et dommages-intérêts), la Cour consacre une présomption de préjudice réparable : dès lors que la discrimination syndicale est constatée, une indemnité doit être allouée. Le juge du fond ne peut se borner à dire que le constat de la discrimination « suffit » à réparer.
Cohérence avec l’antérieur
La solution s’inscrit dans une série d’arrêts exigeant une réparation intégrale (y compris reclassement/repositionnement) lorsque la discrimination syndicale est établie (2014, 2018, 2023).
Elle clarifie la pratique : pas d’exigence d’une preuve supplémentaire d’un préjudice distinct une fois la discrimination caractérisée — la réparation est de droit, son quantum restant à l’appréciation des juges du fond.
En parallèle, la Cour maintient sa ligne sur la prescription (L.1134-5) : le délai court à la “révélation” de la discrimination (arrêt 2021).
Conséquences pratiques
Les Cours d’appel devront motiver le montant (préjudices matériel/moral, éventuellement reclassement/repositionnement salarial) et non refuser l’indemnisation au motif que le préjudice n’est pas prouvé au-delà du constat.
Pour les employeurs : exposition accrue au risque indemnitaire dès qu’un faisceau d’indices fait supposer une discrimination, faute de justifications objectives et étrangères à toute discrimination (schéma probatoire L.1134-1 non cité mais sous-jacent).
Pour les salariés : stratégie contentieuse centrée sur la preuve de la discrimination (accès aux comparaisons, mesures d’instruction), l’ouverture du droit à réparation étant automatique une fois le constat posé.
5. Accompagnement personnalisé
Vous souhaitez sécuriser vos contentieux discrimination syndicale (évaluation des préjudices, repositionnement/rappels de salaires, prescription articulée à la révélation) ?
La SELARL Philippe GONET, avocat à Saint-Nazaire, peut auditer vos dossiers, bâtir la preuve (mesures d’instruction), calibrer la réparation intégrale et plaider devant les juridictions prud’homales et d’appel.
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit du travail