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1. Résumé succinct
Parties :
Société Helkios (SCI, demanderesse au pourvoi) c/ société DHE Consulting (SAS, défenderesse à la cassation).
Juridiction : Cour de cassation, chambre commerciale, 10 septembre 2025, n° 24-16.453, arrêt n° 420 F-B (cassation, renvoi TJ Marseille).
Nature du litige : demande en paiement du montant de deux chèques (4 500 €) émis par Helkios et frappés d’opposition ; l’action n’était pas fondée sur le droit cambiaire, mais sur le rapport fondamental (contrat de maîtrise d’œuvre).
Portée immédiate : la Cour rappelle la charge de la preuve : lorsque le paiement est poursuivi sur le rapport fondamental (et non cambiaire), il appartient au demandeur de prouver l’obligation (art. 1353 C. civ. combiné à l’art. L. 131-35 CMF). Cassation du jugement qui s’était borné à déduire la créance de la seule remise de chèques et de l’absence de motif d’opposition recevable.
2. Analyse détaillée
Les faits
20 septembre 2022 : Helkios remet à DHE Consulting deux chèques (1 500 € et 3 000 €) « en paiement de prestations » d’un contrat de maîtrise d’œuvre pour un immeuble.
2 octobre 2022 : rejet des chèques, en raison de l’opposition d’Helkios.
14 octobre 2022 : point de départ des intérêts légaux retenu par le premier juge (élément mentionné par le moyen).
11 avril 2024 : tribunal judiciaire de Toulon (dernier ressort) condamne Helkios à payer 4 500 € + intérêts + 900 € (art. 700).
Pourvoi d’Helkios (n° E 24-16.453).
10 septembre 2025 : Cassation totale et renvoi devant le TJ Marseille.
La procédure
1ʳᵉ instance (TJ Toulon, 11 avr. 2024) : DHE Consulting assigne Helkios en paiement de 4 500 €. Le TJ retient que l’opposition au sens de l’art. L. 131-35 CMF n’est pas justifiée (fraude non prouvée) et que la remise de deux chèques « contredit » l’allégation d’absence de créance, « tout paiement supposant une dette ». Condamnation d’Helkios.
Cassation : Helkios forme pourvoi (moyen pris notamment de l’art. 1353 C. civ.), soutenant que la cour ne peut présumer la dette de la simple remise de chèques.
Arrêt du 10 sept. 2025 : Cassation intégrale, renvoi devant le TJ Marseille.
Le contenu de la décision
Arguments des parties
Helkios (demanderesse au pourvoi) : conformément à l’art. 1353 C. civ., « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » ; la seule remise de chèques frappés d’opposition ne suffit pas à caractériser l’existence de la dette au titre des prestations alléguées.
DHE Consulting (défenderesse) : s’appuyait sur la remise des chèques et l’absence de motif d’opposition recevable (L. 131-35 CMF) pour obtenir paiement.
Raisonnement de la Cour de cassation
Visa : art. 1353 C. civ. (charge de la preuve) et art. L. 131-35 CMF (cas d’opposition au paiement par chèque).
Principe dégagé : « Il résulte de la combinaison de ces textes que, lorsque la demande en paiement d’une somme figurant sur un chèque n’est pas fondée sur le droit cambiaire mais sur le rapport fondamental, il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation dont il réclame l’exécution. »
Censure : le TJ a violé ces textes en inversant la charge de la preuve : il ne suffit pas de constater que l’opposition n’est pas recevable au regard de L. 131-35 CMF et que des chèques ont été remis ; encore faut-il que DHE Consulting prouve la réalité des prestations et de la dette née du contrat de maîtrise d’œuvre.
Solution
Cassation totale, renvoi TJ Marseille, dépens à la charge de DHE Consulting, rejet des demandes au titre de l’art. 700 CPC.
3.Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. com., 10 sept. 2025, n° 24-16.453, n° 420 F-B – Publié au Bulletin
Cass. com., 21 oct. 1997, n° 95-15.816 (sur la portée probatoire de la remise d’un chèque ; la remise ne vaut pas reconnaissance de dette ; la créance doit être prouvée sur le fond)
(Rapprochement mentionné dans l’arrêt : « 1re Civ., 11 février 1997, pourvoi n° 95-10.238 » : ce numéro précis n’est pas localisé sur Légifrance sous 95-10.238 au moment de la rédaction ; en revanche, plusieurs arrêts du 11 févr. 1997 existent, mais sur d’autres numéros et matières. Nous n’intégrons pas cette référence faute de lien officiel correspondant au n° exact ; la référence rapprochée la plus pertinente et officiellement accessible est l’arrêt Cass. com., 21 oct. 1997, n° 95-15.816 ci-dessus.)
3.2 Textes légaux
Code civil – art. 1353 (« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver… »).
Code monétaire et financier – art. L. 131-35 (cas limitatifs d’opposition au paiement par chèque).
4. Analyse juridique approfondie
Clé de lecture : L’arrêt recalibre la frontière entre régime cambiaire (chèque) et rapport fondamental (contrat). Lorsque le porteur choisit d’agir sur le contrat (ici, maîtrise d’œuvre), il perd les facilités cambiaires et retombe dans le droit commun de la preuve : à lui de démontrer l’existence, la liquidité et l’exigibilité de la dette (art. 1353 C. civ.). Le simple fait matériel d’avoir reçu des chèques (même sans motif d’opposition recevable au sens de L. 131-35 CMF) ne suffit pas à prouver la créance contractuelle.
Alignement jurisprudentiel :
La chambre commerciale s’inscrit dans une ligne constante : la remise ou l’existence d’un chèque ne vaut pas reconnaissance autonome de dette ; la créance doit être prouvée (v. Cass. com., 21 oct. 1997, n° 95-15.816). Légifrance
L’arrêt 2025 corrige la motivation du premier juge qui confondait irrecevabilité de l’opposition (L. 131-35 CMF) et preuve du fond de la créance : même si l’opposition n’entre pas dans les cas légaux, cela n’inverse pas la charge de la preuve du créancier sur le rapport fondamental.
Conséquences pratiques :
Bénéficiaire d’un chèque qui agit sur le contrat : préparer un dossier probatoire complet (bons de commande, devis, factures, PV de réception, courriels, livrables) ; ne pas compter sur la seule remise du chèque.
Tireur : peut contester la dette au fond sans être neutralisé par la seule existence du chèque ; la non-recevabilité de l’opposition n’emporte pas ipso facto condamnation au principal.
Banques : le régime probatoire diffère selon le rôle (tiré, présentateur) ; cf. illustration 2012 sur la preuve du rejet incombant au présentateur.
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Sécuriser vos stratégies contentieuses en matière de chèques : choix entre voies cambiaires et action au fond, régime probatoire, et stratégie d’opposition (L. 131-35 CMF).
Auditer vos preuves (maîtrise d’œuvre, prestations de service) avant toute action.
Former vos équipes à la constitution de la preuve (art. 1353 C. civ.) et à la gestion des incidents de paiement.
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