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Secret professionnel : quand la perquisition chez l’avocat devient licite

Le 26 mars 2025
Secret professionnel : quand la perquisition chez l’avocat devient licite
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Perquisition chez un avocat : quelles limites au secret professionnel ?

Cour de cassation, chambre criminelle, 11 mars 2025, n° 23-86.260, publié au Bulletin


1. Résumé succinct

Contexte

Le bâtonnier de Paris contestait l’ordonnance du président de la chambre de l’instruction ayant validé la saisie de documents effectuée lors d’une perquisition au sein d’un cabinet d’avocats. L’affaire portait sur des faits complexes mêlant une personnalité qatarie, un protocole transactionnel, et des échanges entre avocats.

Impact principal

La Cour de cassation confirme que des documents couverts par le secret professionnel peuvent être saisis s’ils ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense, notamment dans un cadre de conseil ou de négociation, et non de représentation judiciaire.

2. Analyse détaillée

Les faits
En janvier 2020, un ressortissant français est arrêté au Qatar après avoir été en possession de documents compromettants visant une personnalité gouvernementale qatarie. À la suite de son incarcération, des avocats français interviennent pour négocier un protocole de libération impliquant la restitution de pièces sensibles.

Des plaintes avec constitution de partie civile sont ensuite déposées en France (août 2022) pour séquestration, torture, extorsion en bande organisée et intimidation. Le juge des libertés et de la détention autorise la perquisition du cabinet d’avocats ayant participé à la négociation.

Plusieurs documents sont saisis lors de cette opération, donnant lieu à une opposition du bâtonnier.

La procédure

Décision contestée : ordonnance du président de la chambre de l’instruction (31 oct. 2023) validant la saisie de documents.
Recours : pourvoi en cassation du bâtonnier.
Décision rendue : 11 mars 2025, rejet du pourvoi.

Contenu de la décision
Arguments du pourvoi

La défense soutenait que les documents saisis relevaient du secret professionnel et des droits de la défense, notamment :

échanges d’e-mails d’avocats,
projets de protocole d’accord,
détails de prestations et notes d’honoraires,
documents d’enquête déontologique interne.

Raisonnement de la Cour
La Cour rappelle que :

L’article 56-1 du CPP interdit la saisie de documents relevant du secret professionnel de la défense et du conseil, sauf si l’avocat est personnellement mis en cause.

Mais les documents couverts par le secret du conseil restent saisissables s’ils ne relèvent pas de l’exercice des droits de la défense.

Le secret professionnel ne s’étend ni aux négociations amiables, ni aux protocoles transactionnels, ni aux documents déontologiques internes sans lien avec une procédure disciplinaire effective.

Solution retenue
La chambre criminelle rejette le pourvoi, validant la saisie des documents litigieux comme étant utiles à la manifestation de la vérité et ne relevant pas des droits de la défense.


3. Références et articles juridiques

Décision analysée :

Cass. crim., 11 mars 2025, n° 23-86.260

Textes juridiques cités :

Article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client […] sont couvertes par le secret professionnel. »

Article 56-1 du Code de procédure pénale
« La perquisition dans un cabinet d’avocat ne peut avoir lieu qu’avec l’assistance du bâtonnier ou de son délégué […] ; aucun document ne peut être saisi s’il relève de l’exercice des droits de la défense. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour opère une distinction claire entre :

Secret professionnel du conseil (saisissable dans certaines conditions),

Secret de la défense (insaisissable, sauf si l’avocat est mis en cause personnellement).

Elle juge que les avocats en cause agissaient comme intermédiaires transactionnels, et non comme défenseurs judiciaires. Les documents relatifs à des protocoles ou à des négociations internationales ne relèvent donc pas de la sphère protégée du droit de la défense.

Conséquences juridiques

Sur la jurisprudence :
Les avocats doivent renforcer leur vigilance sur la qualification de leurs interventions dans des dossiers à fort enjeu pénal ou politique :

Le secret n’est pas absolu.
La nature du lien avec les droits de la défense est désormais centrale pour apprécier la légalité d’une saisie.

5. Accompagnement juridique
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