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Secret de la défense : rejet du pourvoi sur la saisie d’un téléphone hors perquisition

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Secret de la défense : rejet du pourvoi sur la saisie d’un téléphone hors perquisition
secret professionnel de la défense – saisie téléphone avocat – perquisition domicile – article 56-1-1 CPP – jurisprudence Cour de cassation 2025 – Chambre criminelle – droits de la défense – procédure pénale – téléphone saisi – bâtonnier de Paris – remise

1. Résumé succinct

Contexte :

Dans une affaire d’abus de biens sociaux, banqueroute et blanchiment, le bâtonnier de Paris conteste une ordonnance refusant le versement à la procédure d’un téléphone saisi, au motif que son contenu relèverait du secret professionnel de la défense.
Juridiction : Cour de cassation, chambre criminelle.
Décision : La Cour rejette le pourvoi, écartant l’application de l’article 56-1-1 du CPP en l’absence de perquisition et de document caractérisé.

Impact principal :

Clarification de la non-applicabilité de l’article 56-1-1 CPP à une remise volontaire d’un téléphone et rappel que cet article protège uniquement les documents, non les supports matériels non exploités.


2. Analyse détaillée

Les faits

Le 23 janvier 2024, une perquisition est menée au domicile de M. [N], en son absence. Trois jours plus tard, convoqué par les enquêteurs, il remet plusieurs appareils électroniques, sauf un téléphone, au motif qu’il contiendrait des éléments couverts par le secret professionnel de la défense. Le téléphone est néanmoins saisi et placé sous scellé.

La procédure

5 février 2024 : Le JLD déclare la requête du procureur de la République irrecevable, refusant le versement du scellé à la procédure.
Appel : Le bâtonnier, M. [N] et le parquet font appel.
9 février 2024 : La présidente de la chambre de l’instruction confirme l’irrecevabilité et ordonne la transmission du scellé au procureur.
Pourvoi : Le bâtonnier se pourvoit en cassation.


Contenu de la décision

Arguments du pourvoi
Le moyen soutenait que :

L’article 56-1-1 CPP devait s’appliquer, car l’opposition à la saisie visait un téléphone contenant des données relevant des droits de la défense.
Le juge devait se prononcer sur la protection des données ou ordonner une expertise.
Le refus d’analyse constituait une violation des droits garantis par les articles 6 et 8 CEDH.

Réponse de la Cour
L’article 56-1-1 CPP ne s’applique qu’en cas de perquisition.
La remise du téléphone ne s’inscrit pas dans une perquisition, mais résulte d’une remise volontaire postérieure.
Le téléphone n’est pas un "document" au sens de l’article 56-1 CPP.
Il n’existait aucune exploitation du téléphone au moment de la contestation.
Il ne suffit pas d’alléguer l’existence de données protégées pour déclencher la procédure de protection.

Solution retenue
La Cour rejette le pourvoi. L’analyse de la présidente de la chambre de l’instruction était conforme à la loi.


3. Références et articles juridiques

Référence de la décision
Cass. crim., 11 mars 2025, n° 24-80.926

Textes juridiques cités
Article 56-1-1 CPP :

« Lorsque, à l'occasion d'une perquisition, il est découvert un document relevant de l'exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel [...], la personne chez qui la perquisition a lieu peut s'opposer à la saisie. »


Article 56-1 al. 2 CPP :

« Cette protection concerne exclusivement les documents, quel qu’en soit le support, qui sont identifiés comme relevant de l’exercice des droits de la défense. »
Article préliminaire III CPP :

« La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties. »

Article 6, §3, c) CEDH :

« Tout accusé a droit à se défendre lui-même ou avec l’assistance d’un défenseur de son choix. »

Article 8 CEDH :

« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement de la Cour

La chambre criminelle opère une lecture stricte du texte de l’article 56-1-1 CPP, qu’elle limite aux cas de perquisition. Elle refuse une interprétation extensive incluant des remises volontaires. Le téléphone étant un support et non un document identifié, il ne peut pas bénéficier du régime protecteur.

Conséquences juridiques

Clarification : Les avocats ou personnes poursuivies ne peuvent pas invoquer le secret de la défense pour un support matériel remis hors perquisition sans analyse préalable.

Pratique judiciaire : Les juridictions devront veiller à ce que l’article 56-1-1 ne soit pas instrumentalisé pour bloquer des saisies sur la base d’allégations non vérifiées.

Doctrine : Le critère de « découverte » d’un document est central. Le secret ne protège pas a priori, mais à condition qu’un contenu soit identifié comme tel.

5. Critique  de la décision

L’arrêt confirme la nécessité de respecter la distinction support/document et la condition procédurale de perquisition. La décision se montre protectrice de l’enquête, sans sacrifier les droits fondamentaux, mais avec un formalisme strict.

Seule une saisie intervenant au cours d’une perquisition permet d’invoquer la procédure spéciale du secret professionnel prévue à l’article 56-1-1 CPP. En dehors de ce cadre, les remises volontaires ne peuvent pas déclencher ces garanties.


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