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Preuve du harcèlement moral : admission de l’enregistrement clandestin

Le 24 septembre 2024
Preuve du harcèlement moral  : admission de l’enregistrement clandestin
harcèlement moral - illicéité ou déloyauté dans l'obtention de la preuve - production d'un moyen de preuve – enregistrement pendant l’entretien - administration de la preuve - atteinte au respect de la vie personnelle de l'employeur - proportionnalité

Une jeune femme est engagée, le 1er avril 2010, en qualité de secrétaire, puis à compter du 17 mai 2010, en qualité de secrétaire comptable.

 A la suite d'un accident du travail survenu le 14 juin 2013, elle reprend son poste de travail à temps partiel thérapeutique le 1er octobre 2014.

Le 4 juin 2015, la salariée est licenciée pour cause réelle et sérieuse.

Soutenant avoir subi un harcèlement moral, la salariée  saisit, le 5 octobre 2015, la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement moral et licenciement abusif.

En cause d'appel elle demande que son licenciement soit jugé nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.

 

Au visa des articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code de procédure civile, L. 1152-1 et L. 1154-1, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, la Cour de Cassation va se prononcer sur l'illicéité ou la déloyauté dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve.

Elle rappelle que le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.

Ainsi, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi

Dans le cas d’espèce, la Cour d’appel avait débouté la salariée de ses demandes au titre du harcèlement moral et du licenciement, dans la mesure où, contrairement à ce que soutient la salariée, elle avait d'autres choix que d'enregistrer l'entretien du 1er décembre 2014 avec son employeur pour prouver la réalité du harcèlement subi depuis plusieurs mois, cet enregistrement clandestin, contraire au principe de la loyauté dans l'administration de la preuve, doit être écarté des débats, l'atteinte portée aux principes protégés en l'espèce n'étant pas strictement proportionnée au but poursuivi.

Pour la Cour de Cassation, il appartenait à la Cour de vérifier si la production de l'enregistrement de l'entretien du 1er décembre 2014, effectué à l'insu de l'employeur, était indispensable à l'exercice du droit à la preuve du harcèlement moral allégué, au soutien duquel la salariée invoquait, au titre des éléments permettant de présumer l'existence de ce harcèlement, les pressions exercées par l'employeur pour qu'elle accepte une rupture conventionnelle, et, dans l'affirmative, si l'atteinte au respect de la vie personnelle de l'employeur n'était pas strictement proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Par ailleurs, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Dans le cas d’espèce, la Cour de cassation va s’appliquer à définir une méthode à laquelle le juge doit s’astreindre pour apprécier le harcèlement.  

Il incombe au juge d’examiner les éléments de fait invoqués par la salariée, au titre des éléments permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral, notamment le défaut de formation sur son nouveau poste de travail et le fait qu'elle avait été sanctionnée à plusieurs reprises, pour apprécier si ceux-ci, pris dans leur ensemble avec les autres éléments dont les éléments médicaux, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, si l'employeur démontrait que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement.

Ceci est fondamental dans la conduite d’un procès. Dans sa motivation à l’appui de son pourvoi, la salariée déclarait que la preuve du harcèlement moral ne pesait pas sur le salarié.

Un tel raisonnement était absurde car c’était la voie ouverte à des accusations gratuites qui conduisent nécessairement à des abus.

Désormais, la Cour de cassation rappelle qu’il incombe que le salarié victime de harcèlement en rapporte des éléments constitutifs à charge à l’employeur de démontrer que les mesures en cause, présentées comme des éléments de harcèlement, étaient étrangères à tout harcèlement

Cass soc 10 juillet 2024 n°23-14.900

https://www.courdecassation.fr/decision/668e2438fcf93851fdd644e3?search_api_fulltext=Cass%20soc%2010%20juillet%202024%20n%C2%B023-14.900&op

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