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1. Résumé succinct
Juridiction : Cour de cassation, chambre sociale
Date : 29 avril 2025
Pourvoi : n° 23-20.501 (et 11 autres joints)
Parties : Société Fives c/ salariés et société Fonderie et Aciérie de [Localité]
Nature du litige : Indemnisation du préjudice spécifique d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante
Problématique principale : Le nouvel employeur est-il tenu d’indemniser un préjudice d’anxiété né après le transfert du contrat de travail
Solution apportée : Le préjudice d’anxiété naît à la date de la connaissance par le salarié du risque élevé de développer une pathologie grave. Si cette date est postérieure au transfert du contrat de travail, le nouvel employeur est seul débiteur de cette créance, l’ancien employeur n’ayant pas à en supporter la charge.
2. Analyse détaillée
Faits
Un salarié ayant travaillé entre 1981 et 2013 sur différents sites, a été exposé à l’amiante dans le cadre de ses fonctions. Il a changé d’employeur en 1988 par transfert de son contrat de travail. En 2013, il introduit une action en indemnisation pour préjudice d’anxiété et bouleversement dans ses conditions d’existence. Une demande d’inscription de son établissement sur la liste ouvrant droit à l’ACAATA (art. 41 loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998) a été refusée par décision devenue définitive.
Procédure
TGI / CPH : condamnation du nouvel employeur à indemniser le salarié
Cour d'appel de Douai, 30 juin 2023 : confirme la condamnation et met à contribution l’ancien employeur (société Fives) à hauteur de 90 %
Pourvoi en cassation par la société Fives contre sa condamnation à garantir le nouvel employeur
Arguments des parties
Société Fives : le préjudice d’anxiété est né après le transfert, donc pas de dette antérieure transférée
Cour d’appel : retient une co-obligation in solidum entre anciens et nouveaux employeurs pour les manquements anciens
Décision de la Cour de cassation
La chambre sociale casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel, jugeant que :
Le préjudice d’anxiété naît à la date de la connaissance du risque, et non au moment de l’exposition
Le transfert ayant eu lieu avant cette prise de conscience, le préjudice est né postérieurement
Donc, la société Fives (ancien employeur) ne peut être tenue de garantir le nouvel employeur
L’ancien employeur est donc définitivement mis hors de cause pour ce chef de demande.
3. Références et articles juridiques
Arrêt analysé
Cass. soc., 29 avr. 2025, n° 23-20.501, publié au Bulletin
Code du travail :
Art. L. 1224-1 : « Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. »
Art. L. 1224-2 : (anciennement L. 122-12-1)
Art. L. 4121-1 : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. »
Loi n° 98-1194 du 23 déc. 1998, art. 41 : Allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA)
Jurisprudence comparée
Cass. soc., 30 sept. 2020, n° 19-10.352 : reconnaissance du préjudice d’anxiété en dehors du bénéfice de l’ACAATA
4. Analyse juridique approfondie
La Cour opère une distinction chronologique essentielle :
L’exposition à l’amiante ne suffit pas : c’est la conscience du risque qui fait naître le préjudice d’anxiété
Dès lors, en cas de transfert antérieur à cette conscience, aucune dette ne peut être imputée à l’ancien employeur
Cette solution confirme une lecture restrictive de l’article L. 1224-2 du Code du travail
Impact jurisprudentiel majeur : clarification du champ d’application temporel des obligations nées du transfert de contrat dans le cadre des maladies professionnelles non indemnisées par l’ACAATA.
5. Critique des sources et de la décision
L'arrêt apporte une distinction conceptuelle entre exposition, conscience du risque et naissance du préjudice
Confirme que l’obligation de sécurité reste une obligation de résultat, mais sa mise en jeu suppose une appréhension subjective du risque
Cette décision offre aux employeurs un critère de rattachement temporel clair pour exclure leur responsabilité antérieure à une certaine date
Risque : complexification de la preuve par le salarié de la date exacte de sa connaissance du risque
6. Accompagnement juridique
La SELARL Philippe GONET, cabinet d’avocat expérimenté à Saint-Nazaire, est à votre disposition pour :
Analyser la portée de cette décision sur vos obligations employeurs ou vos droits de salariés
Vous assister en cas de litige lié à l’exposition à des substances dangereuses (amiante, solvants, etc.)
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit du préjudice corporel - Droit du travail