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Perte de nationalité française : la discrimination entre hommes et femmes censurée (QPC 2025-1135)

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Perte de nationalité française : la discrimination entre hommes et femmes censurée (QPC 2025-1135)
nationalité française – acquisition nationalité étrangère – perte de nationalité – égalité femmes hommes – QPC – Conseil constitutionnel – ordonnance 1945 – article 9 – discrimination sexuelle – droits fondamentaux – nationalité et Constitution

1. Résumé succinct

Juridiction : Conseil constitutionnel
Date : 24 avril 2025 (publiée le 25 avril 2025)
Numéro : 2025-1135 QPC
Parties : Consorts S. (Victoria S., Marc S., Charlotte S., Adam S.)
Texte contesté : Article 9 de l’ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945, dans sa rédaction initiale.

Objet : Les requérants contestaient la constitutionnalité de la disposition réservant aux seuls hommes le droit de conserver la nationalité française lors de l’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère, entre 1945 et 1951.

Impact principal : Le Conseil constitutionnel a censuré cette discrimination fondée sur le sexe, en reconnaissant l’inconstitutionnalité de la formulation « du sexe masculin ». Il limite toutefois les effets rétroactifs de cette décision aux femmes directement concernées et à leurs descendants dans les affaires non définitivement jugées.


2. Analyse détaillée

A. Les faits

Les consorts S. ont introduit une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), contestant l’article 9 de l’ordonnance du 19 octobre 1945. Celui-ci subordonnait, jusqu’en 1951, la perte de nationalité à une autorisation du Gouvernement… pour les seuls hommes de moins de 50 ans. Les femmes, elles, perdaient automatiquement leur nationalité en cas d’acquisition volontaire d’une nationalité étrangère.

B. La procédure

QPC transmise par : Cour de cassation, 1re chambre civile, arrêt n° 152 du 29 janvier 2025.
Requérants : représentés par la SCP Lyon-Caen & Thiriez.
Intervention volontaire : Ligue des droits de l’homme, représentée par la SCP Spinosi.
Audience : 8 avril 2025.
Décision : 24 avril 2025 (publiée le 25 avril 2025).

C. Contenu de la décision

i. Arguments des parties
Requérants : atteinte au principe d’égalité devant la loi (article 6 DDHC) et au principe d’égalité femmes-hommes (Préambule de 1946).
Premier ministre : justifie la mesure par des raisons militaires (éviter la désertion masculine).
Ligue des droits de l’homme : appuie la thèse d’une discrimination inconstitutionnelle.

ii. Raisonnement juridique du Conseil
Objectif légitime reconnu : empêcher la désertion masculine via l’acquisition de nationalités étrangères.
Mais : la distinction opérée entre hommes et femmes n’est pas en rapport direct avec cet objectif.
Résultat : inconstitutionnalité de la mention « du sexe masculin » (violation de l’article 6 DDHC et du 3e alinéa du Préambule de 1946).

iii. Solution retenue
Censure de la mention « du sexe masculin » à l’article 9 de l’ordonnance de 1945, uniquement applicable entre le 20 octobre 1945 et le 1er juin 1951.

3. Références et articles juridiques

Décision commentée :
Conseil constitutionnel, déc. n° 2025-1135 QPC, 24 avril 2025

Texte censuré :
« Jusqu’à une date qui sera fixée par décret, et au plus tard à l’expiration du délai de cinq ans suivant la date de la cessation légale des hostilités, l’acquisition d’une nationalité étrangère par un Français du sexe masculin, âgé de moins de 50 ans, ne lui fait perdre la nationalité française qu’avec l’autorisation du Gouvernement français. »
(art. 9, ord. n° 45-2441 du 19 oct. 1945, rédaction initiale).


Articles invoqués :

Article 6 DDHC (1789) : « La loi doit être la même pour tous… »
Préambule de 1946, al. 3 : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme. »
Article 62 Constitution : effets de l’inconstitutionnalité.

4. Analyse juridique approfondie

A. Raisonnement du Conseil
L’inconstitutionnalité est fondée non sur l’objectif, mais sur le manque de proportionnalité et d’adéquation de la distinction hommes/femmes pour l’atteindre.
Le Conseil rappelle sa jurisprudence constante : toute dérogation au principe d’égalité doit avoir un lien direct avec l’objet de la loi.

B. Conséquences juridiques
Immédiates : reconnaissance de l’inconstitutionnalité.
Rétroactivité limitée : uniquement aux femmes ayant perdu leur nationalité entre 1945 et 1951 et à leurs descendants, dans les instances non jugées définitivement.
Pas d’ouverture générale à des demandes réparatrices par les générations suivantes.

5. Critique de la décision

cohérence avec la jurisprudence constitutionnelle en matière d’égalité (cf. n° 2010-39 QPC ; n° 2012-272 QPC).

limitation prudente des effets rétroactifs (comme pour les décisions sur l’état civil ou la filiation, ex. n° 2018-768 QPC).

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