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Interdiction de TikTok en Nouvelle-Calédonie annulée pour atteinte disproportionnée

Le 14 avril 2025
Interdiction de TikTok en Nouvelle-Calédonie annulée pour atteinte disproportionnée
Conseil d’État – TikTok – Nouvelle-Calédonie – blocage administratif – état d’urgence – liberté d’expression – droits fondamentaux – jurisprudence administrative – article 11 DDHC – loi du 3 avril 1955 – mesures exceptionnelles – excès de pouvoir

1. Résumé succinct

Contexte :
La Ligue des droits de l’homme, La Quadrature du Net et plusieurs particuliers ont saisi le Conseil d’État pour contester la décision révélée du Premier ministre ordonnant, le 14 mai 2024, le blocage du service TikTok en Nouvelle-Calédonie dans un contexte d’émeutes liées à une réforme constitutionnelle.

Impact principal :
Le Conseil d’État annule cette décision pour atteinte disproportionnée à la liberté d’expression et rappelle les conditions strictes encadrant toute suspension d’un service de communication en ligne sur le fondement de circonstances exceptionnelles.

2. Analyse détaillée

Les faits :
En mai 2024, à la suite de violentes émeutes en Nouvelle-Calédonie, le Premier ministre a décidé de bloquer l’accès à TikTok. Cette plateforme était, selon lui, utilisée pour inciter à la violence. La mesure a été mise en œuvre à partir du 15 mai 2024, en parallèle à la déclaration de l’état d’urgence (décret n° 2024-436).

La procédure :
Trois requêtes ont été formées devant le Conseil d’État :

n° 494511 (Ligue des droits de l’homme),
n° 494583 (La Quadrature du Net),
n° 495174 (particuliers C., B., A.).
Ces requêtes ont été jointes par l’Assemblée du Conseil d’État.

Contenu de la décision :

Arguments des parties : Les requérants soutenaient que la décision de blocage était illégale, disproportionnée et prise sans fondement légal suffisant, notamment en dehors des cas expressément prévus par la loi du 3 avril 1955 sur l’état d’urgence.

Raisonnement du Conseil d’État :

Rappel du cadre juridique applicable :

Pouvoir exceptionnel en cas de circonstances exceptionnelles (CE, 1918, Heyriès et Dame Dol et Laurent).

Liberté d’expression protégée par l’article 11 DDHC, la CEDH (art. 10) et le Pacte ONU (art. 19).
La décision de blocage n’était ni proportionnée, ni limitée dans le temps, ni subordonnée à l'absence de moyens alternatifs techniques.

L’autorité administrative ne peut interrompre un service de communication qu’en cas de nécessité absolue, provisoirement, et si aucune autre mesure moins attentatoire aux droits n’est envisageable.

Solution retenue :

La décision du 14 mai 2024 est annulée pour excès de pouvoir.
L’État est condamné à verser 3 000 € à chacun des trois requérants principaux au titre des frais de procédure (art. L. 761-1 CJA).

3. Références et articles juridiques

Décision :
Conseil d’État, Assemblée, 1er avril 2025, n° 494511, ECLI:FR:CEASS:2025:494511.20250401

???? Textes juridiques cités :
Article 11 DDHC (1789) :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme… »
Article 1er loi du 3 avril 1955 (état d'urgence) :
« L’état d’urgence peut être déclaré… en cas de péril imminent… »
Article 11, II de la même loi :
« Le ministre de l’intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication… »
Article L. 761-1 CJA :
« Le juge peut condamner la partie perdante à verser à l'autre partie la somme qu’il détermine… »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique :

Le Conseil d’État réaffirme un triple encadrement :

Cadre constitutionnel et international des libertés fondamentales.
Encadrement strict de l’état d’urgence par la loi de 1955.

Recours exceptionnel possible hors cadre légal uniquement si :

Circonstances exceptionnelles.
Nécessité impérieuse.
Mesure proportionnée, provisoire et subsidiaire.
Il consacre l’accès aux plateformes en ligne comme une composante de la liberté d’expression.

Conséquences juridiques :
Création d’un contrôle strict de proportionnalité sur les mesures de blocage administratif.
Encadrement jurisprudentiel clair pour l’usage du pouvoir exceptionnel.
Influence sur les futures régulations numériques (désinformation, réseaux sociaux en temps de crise).

5. Critique de la décision

Jurisprudence renforçant le principe de proportionnalité.
Le Conseil d’État crée un filtre en trois temps : urgence – nécessité – proportion.
Le Conseil d’État invalide la suspension de TikTok en Nouvelle-Calédonie, jugeant la mesure disproportionnée au regard des droits fondamentaux.

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