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1. Résumé succinct
Parties impliquées :
Requérant : M. Azizbek K. (représenté par Me Samy Djemaoun)
Intervenants : Conseil national des barreaux, association Ligue des droits de l’homme, syndicat des avocats de France, Premier ministre
Juridiction : Conseil constitutionnel
Date : 11 juillet 2025
Numéro de QPC : 2025-1147 QPC
Nature du litige : Question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité au droit constitutionnel du paragraphe II de l’article L. 773-11 du code de justice administrative (rédaction issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024) qui permet une procédure dérogatoire d’exclusion du contradictoire pour certaines informations dans le contentieux administratif relevant de la sûreté de l’État.
Effet direct : Le Conseil constitutionnel déclare ce paragraphe II contraire à la Constitution, notamment parce qu’il porte atteinte aux droits de la défense, au contradictoire, à l’égalité des armes, et au droit à un recours juridictionnel effectif. La disposition est abrogée à compter de la publication de la décision (11 juillet 2025).
2.Analyse détaillée
Les faits
La loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, relative au contrôle de l’immigration et à l’amélioration de l’intégration, a modifié le code de justice administrative (CJA), notamment l’article L. 773-11, introduisant une procédure dérogatoire dans le contentieux de certains actes administratifs liés à la sûreté de l’État (notamment en matière de terrorisme).
Cette procédure permet à l’administration de transmettre au juge des éléments soustraits au débat contradictoire lorsque leur divulgation risquerait de compromettre des opérations de renseignement ou de révéler des méthodes opérationnelles, sans que le justiciable en soit informé ni puisse contester ces éléments.
M. Azizbek K. a contesté cette procédure devant le Conseil constitutionnel par une QPC, dénonçant un défaut de garantie procédurale et une atteinte aux droits fondamentaux.
La procédure
Saisine du Conseil constitutionnel le 18 avril 2025 par le Conseil d’État.
Dépôt des observations par les parties, dont le requérant, le Premier ministre, et plusieurs intervenants (CNB, LDH, Syndicat des avocats).
Audience publique tenue le 1er juillet 2025 avec interventions des avocats et du représentant du Premier ministre.
Rapporteur entendu.
Décision rendue le 11 juillet 2025.
Contenu de la décision
Arguments du requérant et intervenants :
La procédure dérogatoire permet à l’administration de produire devant le juge des éléments dont le justiciable ignore l’existence et le contenu.
Cela porte atteinte aux principes constitutionnels du contradictoire, de l’égalité des armes, des droits de la défense, et du droit à un recours effectif.
Cette procédure est d’autant plus critiquable qu’elle s’applique à des mesures de police administrative affectant des libertés fondamentales (liberté d’association, liberté d’aller et venir, liberté de conscience, droit au respect de la vie privée, droit d’asile, etc.).
De plus, elle introduit une complexité inutile, en doublant une procédure déjà existante dans le contentieux des techniques de renseignement, ce qui nuit à la clarté et à l’intelligibilité de la loi.
Raisonnement du Conseil constitutionnel :
Rappel des principes constitutionnels : droit à un procès équitable, droits de la défense, principe du contradictoire (art. 16 DDHC 1789).
Ces principes impliquent que chaque partie doit avoir accès à l’ensemble des pièces du dossier pour pouvoir contester les arguments adverses.
En principe, un juge ne peut fonder sa décision que sur des éléments soumis au débat contradictoire.
Or, le paragraphe II de l’article L. 773-11 CJA autorise l’administration à transmettre des éléments au juge sans les communiquer à la partie adverse ni même en révéler l’existence dans la décision judiciaire.
Cette situation fait que la personne concernée peut être privée de toute connaissance des motifs réels de la décision et ne peut exercer utilement ses voies de recours.
Le Conseil conclut que cette dérogation au contradictoire ne concilie pas suffisamment les exigences constitutionnelles et la protection de la sûreté de l’État.
Par conséquent, le paragraphe II de l’article L. 773-11 est déclaré inconstitutionnel.
Conséquences :
L’abrogation de cette disposition prend effet à compter de la publication de la décision (11 juillet 2025).
Les décisions rendues avant cette date au fondement de cette disposition ne peuvent être contestées pour inconstitutionnalité.
3.Références juridiques
Décision principale :
Conseil constitutionnel, n° 2025-1147 QPC, 11 juillet 2025
Textes applicables :
Article L. 773-11 du code de justice administrative (version issue de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024)
Loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration
Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789
Article 61-1 et 62 de la Constitution française (1958)
4.Analyse juridique approfondie
Le Conseil constitutionnel insiste sur le caractère fondamental des principes contradictoire, égalité des armes et droit à un recours effectif, qui ne peuvent être levés même dans des hypothèses sensibles relevant de la sûreté de l’État sans garanties suffisantes.
En autorisant l’administration à fournir au juge des éléments sans en informer le justiciable ni permettre un débat contradictoire, la procédure instaure un déséquilibre manifestement inconstitutionnel.
Comparaison avec la jurisprudence antérieure :
La décision s’inscrit dans la continuité des arrêts qui protègent rigoureusement le contradictoire et les droits de la défense, notamment en contentieux administratif.
Par exemple, les jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de cassation reconnaissent des dérogations limitées au contradictoire en matière de secret de la défense nationale, mais toujours encadrées par des garanties procédurales.
Ici, le Conseil constitutionnel reproche l’absence de transparence et de contrepoids suffisants.
Évolution des pratiques :
Cette décision marque une inflexion nette dans le contrôle des procédures administratives dérogatoires : le législateur devra revoir la rédaction de l’article L. 773-11 pour garantir un meilleur équilibre entre la protection des intérêts fondamentaux de la Nation et les droits constitutionnels des justiciables.
Construction jurisprudentielle cohérente :
Le Conseil rappelle la primauté du contradictoire et du droit à un procès équitable, posant une limite claire à la portée des mesures exceptionnelles en matière de lutte contre le terrorisme ou de sûreté de l’État.
5. Critique de la décision
Le raisonnement est clair, bien motivé et conforme aux principes fondamentaux du droit constitutionnel français.
La décision a un impact fort sur la procédure administrative sensible, imposant au législateur de réviser la norme.
La décision Conseil constitutionnel n° 2025-1147 QPC du 11 juillet 2025 censure le paragraphe II de l’article L. 773-11 du code de justice administrative dans sa rédaction issue de la loi du 26 janvier 2024, car il porte atteinte aux droits fondamentaux à un procès équitable, au contradictoire, à l’égalité des armes et au droit à un recours juridictionnel effectif dans le contentieux de certains actes administratifs liés à la sûreté de l’État. Le Conseil impose ainsi une stricte exigence de transparence et de respect des garanties procédurales, même dans un contexte sensible. Cette décision est un repère jurisprudentiel majeur pour les contentieux administratifs relatifs à la sécurité nationale et appelle le législateur à revoir les modalités procédurales en la matière.
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