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1. Résumé succinct
Parties.
Commune de Berck-sur-Mer (requérante en cassation) c/ Société du Grand Casino de Dinant (défenderesse) – Interventions : sociétés Jean Metz (titulaire sortant) et Groupe Partouche.
Juridiction : Conseil d’État, 7ᵉ–2ᵉ chambres réunies, 17 juillet 2025, n° 503317, publié au Recueil Lebon.
Nature du litige.
Référé précontractuel (art. L. 551-1 CJA) contre une procédure de concession de service public pour l’exploitation du casino communal ; contestation d’une clause du RC imposant, à la date limite d’offres, un titre de propriété ou d’occupation du bâtiment + pièces ERP/sécurité. Question centrale : égalité de traitement et régime des biens de retour quand l’immeuble appartient à une société tierce liée au concessionnaire.
Effet direct sur la pratique / jurisprudence.
Confirmation que l’exploitation d’un casino, intégrée à des obligations d’intérêt général et financements, releve d’un service public concédé ; précision majeure : biens de retour possibles même si le bien est la propriété d’un tiers au contrat lorsqu’il existe des liens de contrôle étroits et que le bien est exclusivement affecté à la concession ; rappel du principe d’égalité : une clause de détention de titre immobilier/ERP à J-offre, en deux mois, favorise indûment le sortant.
2. Analyse détaillée
Les faits
1997 : cession par la commune de l’ancienne gare routière au Groupe Partouche pour aménager un bâtiment destiné au futur casino.
2004 : le Groupe Partouche devient l’unique actionnaire de Jean Metz (titulaire/exploitant). Bail commercial stipulant l’activité « casino et services associés ».
30 sept. 2005 : renouvellement de la concession au profit de Jean Metz.
9 déc. 2024 : avis d’appel à concurrence pour un nouveau renouvellement.
RC art. 6.2 : obligation, à la date de remise des offres (délai : 2 mois), d’un titre de propriété du bâtiment ou contrat d’occupation, + documents ERP/sécurité.
25 mars 2025 : le juge des référés TA Lille annule la procédure ; Grand Casino de Dinant avait saisi sur le fondement de L. 551-1 CJA.
9 & 18 avr. 2025 : pourvoi sommaire et mémoire complémentaire de la commune devant le CE.
17 juil. 2025 : CE (7-2 CR) rejette le pourvoi de la commune.
Procédure
1ʳᵉ instance : TA Lille (référé précontractuel) – annulation de la procédure (ord. n° 2502084, 25/03/2025).
Cassation : CE saisi par la commune ; interventions de Jean Metz et Groupe Partouche : recevables.
Contenu de la décision
Arguments des parties.
La commune conteste l’ordonnance, soutient que la clause RC n’atteint pas l’égalité ; invoque la propriété privée du bâtiment (Groupe Partouche) pour exclure tout retour à la commune ; invoque, en cassation, Charte UE art. 17 et CEDH P1-1 art. 1.
Jean Metz (sortant) plaide l’erreur de droit du juge des référés sur la qualification « biens de retour ».
Grand Casino de Dinant dénonce une clause pratiquement impossible à satisfaire pour de nouveaux entrants.
Raisonnement du CE.
Service public concédé : même si les jeux ne sont pas en eux-mêmes un SP, la convention qui impose financement d’infrastructures/missions d’intérêt général et où la rémunération vient substantiellement des résultats d’exploitation confie un SP → les biens nécessaires sont des biens de retour.
Régime des biens de retour (rappel/extension) :
En DSP, les biens nécessaires appartiennent par principe à la personne publique (sauf clauses de propriété/droits réels limités avec garanties de continuité). Retour gratuit en fin de concession, avec indemnité plafonnée si non-amortis.
Extension déterminante : lorsque l’immeuble appartient à un tiers lié (liens d’influence décisive / contrôle commun) et est exclusivement destiné à l’exécution du contrat et mis à disposition du concessionnaire, le propriétaire tiers est réputé consentir à l’affectation SP et au transfert dans le patrimoine public selon les mêmes principes (→ biens de retour).
Application au cas : le bâtiment (propriété Groupe Partouche) est loué à Jean Metz (capital 100 % Partouche) pour l’activité exclusive de casino ; le juge des référés n’a pas méconnu le droit en estimant que le bâtiment fait retour à la commune.
Égalité de traitement : clause du RC exigeant titre de propriété/occupation + ERP en 2 mois procure un avantage indu au sortant (déjà en place) → manquement susceptible d’avoir lésé Dinant (dissuasion à candidater) ; les moyens fondés sur Charte art. 17 / CEDH P1-1 sont nouveaux en cassation → inopérants.
Solution
Interventions Jean Metz / Groupe Partouche admises.
Pourvoi rejeté ; 3 000 € à verser à Grand Casino de Dinant (art. L. 761-1 CJA).
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
CE, 7ᵉ–2ᵉ CR, 17 juil. 2025, n° 503317 (Commune de Berck-sur-Mer – Casino) – Publié au Rec.
CE, Ass., 21 déc. 2012, n° 342788, Commune de Douai (régime des biens de retour/biens de reprise en DSP) – Publié au Rec.
CE, Sect., 6 avr. 2007, n° 284736, Commune d’Aix-en-Provence (qualification de service public confié / gestion par organisme lié) – Publié.
3.2 Textes légaux
Code de justice administrative, art. L. 551-1 (« Le président du tribunal administratif… peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence… »).
Code de la commande publique, art. L3 (principes : liberté d’accès, égalité de traitement, transparence – applicables aux autorités concédantes).
4. Analyse juridique approfondie
(a) Qualification de service public.
Le CE réaffirme la grille Aix-en-Provence : une activité a-priori « privée » (les jeux) peut relever d’un service public concédé si la convention impose des missions d’intérêt général (développement économique, culturel, touristique) et organise une rémunération substantielle par l’exploitation. Conséquence : les biens nécessaires à ce SP sont biens de retour. Légifrance+1
(b) Apport majeur – Tiers propriétaire & biens de retour.
L’arrêt 2025 étend l’économie Douai : si le propriétaire du bien est tiers au contrat mais qu’il existe des liens de contrôle/influence décisive avec le concessionnaire et que le bien est exclusivement affecté à la concession et mis à disposition, on présume son consentement au régime de l’affectation → transfert au patrimoine public selon les principes de biens de retour (avec jeu des indemnités plafonnées en cas de non-amortissement). C’est un tournant pratique pour les montages où le sortant (ou sa mère) détient l’immobilier.
(c) Égalité de traitement – clauses verrou.
Exiger à J-offre un titre immobilier/occupation + ERP en 2 mois dans une petite commune ferme l’accès aux entrants ; le CE valide l’analyse du juge des référés : avantage disproportionné au sortant, dissuasion d’un candidat (Dinant) → manquement. Les moyens CEDH/Charte apparus seulement en cassation sont inopérants.
(d) Portée opérationnelle.
Rédaction de RC : bannir les exigences de maîtrise foncière et certifications ERP avant l’attribution ; préférer des engagements + délais d’obtention après notification.
Structuration immobilière : si l’immeuble est détenu par une holding/sœur du concessionnaire et affecté exclusivement au SP, anticiper un retour gratuit en fin de concession (prévoir équilibre économique et indemnités conformes à Douai)
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos DCE/RC pour neutraliser toute clause verrou (égalité de traitement).
Structurer les montages immobiliers DSP (biens de retour / droits réels / indemnités type Douai).
Sécuriser les référés (L. 551-1 CJA) en demande/défense et former vos équipes achats.
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