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Honoraires d’avocat : la Cour de cassation sécurise la demande reconventionnelle

Le 26 novembre 2025
Honoraires d’avocat : la Cour de cassation sécurise la demande reconventionnelle
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1. Résumé de la décision

Parties

Demandeur au pourvoi : M. [E] [J], domicilié en Andorre, ancien client.

Défendeur au pourvoi : Me [M] [S] [B], avocat, ancien conseil de M. [J].

Juridiction  :Cour de cassation, deuxième chambre civile, arrêt du 6 novembre 2025
N° de pourvoi : 24-10.381, solution : rejet, arrêt n° 1108 F-B, publié au Bulletin

Décision attaquée : ordonnance du premier président de la cour d’appel de Paris, 6 septembre 2023, n° 21/00164
Nature du litige

Contestation d’honoraires d’avocat en l’absence de convention d’honoraires écrite.

Question centrale : le client peut-il faire échec à la demande reconventionnelle de l’avocat en paiement d’honoraires en invoquant l’absence de présentation préalable des factures, alors même que c’est lui qui a saisi le bâtonnier pour fixation et restitution d’un prétendu trop-perçu ?

Effet direct de la décision

La Cour de cassation consacre une distinction nette :

Les exigences de présentation préalable des honoraires et de « difficulté subséquente » s’appliquent à la saisine initiale du bâtonnier, mais pas à la demande reconventionnelle de l’avocat formée dans une procédure déjà engagée par le client devant le bâtonnier.


Conséquence pratique :

Un client qui saisit le bâtonnier ouvre la porte, dans cette même instance, à une demande reconventionnelle de l’avocat en paiement de ses honoraires, même si les factures ont été émises (ou communiquées) à l’occasion de cette procédure.

2. Analyse détaillée : faits, procédure, décision

2.1. Les faits : relation avocat / client et naissance du litige

Relation contractuelle

M. [J] confie la défense de ses intérêts à Me [B] dans plusieurs démarches et procédures (contenu non précisé par l’arrêt).
Aucune convention d’honoraires n’est signée. Les honoraires restent donc soumis à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 (critères : usage, fortune du client, difficulté, frais, notoriété, diligences).

Facturation et contestation des honoraires

L’avocat établit des factures détaillant ses diligences, avec un taux horaire de 330 € HT et un temps total qu’il revendique initialement comme supérieur à 30 heures.

L’ordonnance relève que le temps consacré à l’étude du dossier et de la jurisprudence (14h) ainsi que celui dédié à l’instruction des preuves (9h) paraît « très exagéré » au regard des pièces.

Situation financière entre les parties

M. [J] a déjà versé à son avocat une provision de 5 550 €.

Saisine du bâtonnier

Le même jour que la date des factures (7 juillet 2020), M. [J] saisit le bâtonnier de l’ordre des avocats au barreau de Paris d’une demande en fixation des honoraires et en restitution d’un trop-perçu.

L’arrêt ne détaille pas le contenu de la décision du bâtonnier, mais il ressort du contexte qu’une décision est intervenue et qu’elle a donné lieu à un recours devant le premier président.

2.2. La procédure : bâtonnier, premier président, Cour de cassation

Phase devant le bâtonnier

M. [J], demandeur initial, sollicite la fixation des honoraires et la restitution d’un trop-perçu.

L’avocat, dans le cadre de cette procédure, formule une demande reconventionnelle en paiement de ses honoraires au titre du mandat confié (qualification expressément visée dans les « Titres et sommaires » de l’arrêt).

Recours devant le premier président de la cour d’appel de Paris

Le contentieux est porté devant le premier président de la cour d’appel de Paris, qui rend une ordonnance le 6 septembre 2023 (n° 21/00164).

Le magistrat délégué :

rappelle l’absence de convention d’honoraires ;
applique les critères de l’article 10 de la loi de 1971 (fortune, difficulté, frais, notoriété, diligences) ;
estime excessif le temps revendiqué, mais considère que le taux horaire de 330 € HT est raisonnable compte tenu de l’ancienneté et de la spécialisation de l’avocat ;
ramène le temps passé à 30 heures, soit 9 900 € HT (11 880 € TTC) ;
condamne M. [J] à payer à son avocat cette somme, déduction faite de la provision de 5 550 € déjà versée.

Le pourvoi de M. [J]

M. [J] forme un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du premier président.
Il invoque un moyen unique, articulé en plusieurs branches.
Les quatre dernières branches sont écartées sans motivation détaillée, sur le fondement de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile (griefs « manifestement pas de nature à entraîner la cassation »).
Griefs principaux (1re et 2e branches) : irrecevabilité de la demande de l’avocat

M. [J] soutient, en substance, que :

la saisine du bâtonnier suppose que l’avocat ait préablement présenté ses honoraires au client et qu’une difficulté subséquente soit née (principe issu de la jurisprudence de 2010) ;

en constatant que les factures dataient du 7 juillet 2020 et que la saisine de la juridiction du bâtonnier était intervenue le même jour, le premier président aurait dû juger que la demande de l’avocat était irrecevable faute de présentation préalable ;

en ne procédant pas à cette recherche, l’ordonnance aurait violé l’article 10 de la loi du 31 décembre 1971 ainsi que les articles 174 et 175 du décret du 27 novembre 1991.

Arrêt de la Cour de cassation (6 novembre 2025) : rejet du pourvoi

La Cour :

rappelle successivement les articles 174 et 175 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 ;

en déduit un principe interprétatif nouveau : les exigences liées à la saisine du bâtonnier par l’avocat ne s’appliquent pas aux demandes reconventionnelles de ce dernier lorsque le client a lui-même saisi le bâtonnier ;

considère que le moyen de M. [J] n’est « pas fondé » et rejette le pourvoi ;

condamne M. [J] aux dépens et le déboute de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, le condamnant au contraire à payer 3 000 € à son avocat sur ce fondement.

3. Références juridiques 

3.1. Textes légaux et réglementaires appliqués

Article 174 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat

Dans la formulation reprise par la Cour : les contestations concernant le montant et le recouvrement des honoraires des avocats doivent suivre la procédure des articles suivants.

Lien Légifrance – article 174 : Article 174 – Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat (lien vérifié via la recherche, non reproduit ici pour éviter toute approximation technique).

Article 175 du même décret

Repris intégralement par l’arrêt : l’article organise la forme de la réclamation (lettre recommandée ou remise contre récépissé), la notification de la décision du bâtonnier, le délai de quatre mois, puis la possibilité de saisir le premier président dans un délai d’un mois, et rappelle qu’« l’avocat peut de même saisir le bâtonnier de toute difficulté ».
Article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971

Vise la rémunération de l’avocat, déterminée selon l’accord avec le client et, à défaut, selon des critères tels que les usages, la situation de fortune du client, la difficulté de l’affaire, les frais exposés, la notoriété, les diligences.
Le texte est expressément visé tant dans le moyen que dans les motifs de plusieurs arrêts sur les honoraires.

Article 700 du code de procédure civile

Base de la condamnation de M. [J] au paiement de 3 000 € au titre des frais irrépétibles.
Article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile

Permet de ne pas motiver spécialement le rejet de certains moyens lorsque ceux-ci ne sont « manifestement pas de nature à entraîner la cassation ».

3.2. Jurisprudence antérieure pertinente

Fondement du « préalable de présentation » : Cass. civ. 2e, 7 oct. 2010, n° 09-69.054

Faits : un avocat avait saisi le bâtonnier pour fixation de ses honoraires avant même que son client n’ait concrètement contesté la facture.

Solution : la Cour casse l’ordonnance du premier président pour violation des articles 174 et 175 :

la saisine du bâtonnier d’une réclamation relative au montant ou au recouvrement des honoraires suppose une présentation préalable des honoraires au client et une difficulté subséquente. Légifrance

Référence complète :

Cass. civ. 2e, 7 oct. 2010, n° 09-69.054, cassation partielle, non publié au Bulletin

Recevabilité des demandes reconventionnelles en matière d’honoraires : Cass. civ. 2e, 10 oct. 2024, n° 23-12.720

Faits : un client, défendeur à l’action de son avocat devant le premier président, forme en cause d’appel une demande reconventionnelle en remboursement d’honoraires. Légifrance

Solution : la Cour affirme que, par application de l’article 277 du décret de 1991 et des articles 70 et 567 du CPC, les demandes reconventionnelles dans le cadre du recours contre la décision du bâtonnier sont recevables dès lors qu’elles se rattachent par un lien suffisant aux prétentions originaires. 

Référence complète :

Cass. civ. 2e, 10 oct. 2024, n° 23-12.720, publié au Bulletin

Décision commentée

Cass. civ. 2e, 6 nov. 2025, n° 24-10.381, publié au Bulletin

4. Analyse juridique approfondie : l’apport de l’arrêt du 6 novembre 2025

4.1. Le cœur du raisonnement : distinguer saisine initiale et demande reconventionnelle

La Cour de cassation procède en deux temps :

Rappel de la règle issue de 2010

De la lecture combinée des articles 174 et 175, la jurisprudence de 2010 avait tiré une exigence :

la saisine du bâtonnier par l’avocat suppose :

une présentation préalable des honoraires au client,
puis la naissance d’une difficulté subséquente.

Précision de 2025 : champ limité de cette exigence

L’arrêt de 2025 précise que ce mécanisme concerne la réclamation qui initie la procédure devant le bâtonnier.

Lorsque le client lui-même saisit le bâtonnier, la situation est différente :

l’avocat n’est pas demandeur initial,
il intervient par demande reconventionnelle en paiement de ses honoraires dans un débat déjà ouvert.

La Cour en déduit que les exigences de présentation préalable ne s’appliquent pas aux demandes reconventionnelles de l’avocat, dès lors que :

le client a saisi le bâtonnier d’une demande de fixation ;
cette demande porte sur la restitution d’un trop-perçu ;
la demande de l’avocat est en lien direct avec le même mandat et les mêmes honoraires.

4.2. Articulation avec la jurisprudence de 2010 : continuité, non revirement

L’arrêt de 2010 posait une limite à la saisine unilatérale du bâtonnier par l’avocat : pas de saisine « offensive » sans avoir au préalable présenté clairement les honoraires au client. 

L’arrêt de 2025 ne revient pas sur cette exigence. Il la cantonne :

Oui, la présentation préalable reste une condition lorsque l’avocat prend l’initiative de la procédure.

Non, cette condition ne peut pas être opposée à l’avocat lorsque c’est le client lui-même qui fait naître le litige devant le bâtonnier : il serait paradoxal de priver l’avocat du droit de défendre ses honoraires dans la procédure que le client a ouverte.

On est donc face à une clarification et non un revirement :

La jurisprudence de 2010 (saisine initiale par l’avocat) est maintenue.
L’arrêt 2025 précise son domaine, en sécurisant les demandes reconventionnelles de l’avocat.

4.3. Articulation avec l’arrêt du 10 octobre 2024 (23-12.720)

L’arrêt du 10 octobre 2024 portait déjà sur la recevabilité d’une demande reconventionnelle, cette fois formée par le client en cause d’appel, et consacrait l’application des articles 70 et 567 CPC au recours contre la décision du bâtonnier. 

En 2025, la Cour prolonge le mouvement :

2024 : reconnaissance de la souplesse du recours en matière d’honoraires – les demandes reconventionnelles sont possibles si elles se rattachent par un lien suffisant à la prétention initiale.

2025 : application de cette logique au côté de l’avocat défendeur, en neutralisant l’argument « procédural » de l’absence de présentation préalable lorsque c’est le client qui a pris l’initiative de saisir le bâtonnier.

On observe ainsi la construction progressive d’un régime cohérent des demandes reconventionnelles dans le contentieux des honoraires :

Principe : symétrie des droits entre avocat et client dans la procédure d’honoraires.

Limite : l’avocat ne peut pas contourner l’exigence de présentation préalable lorsqu’il agit à l’initiative devant le bâtonnier (jurisprudence 2010).

4.4. Effets pratiques : que change l’arrêt pour les clients et les avocats ?

Pour les clients :

On ne peut plus espérer faire déclarer irrecevable la demande de l’avocat au seul motif que les factures ont été communiquées à l’occasion de la procédure devant le bâtonnier, lorsqu’on est à l’origine de cette saisine.

Le débat se recentre sur :

la proportionnalité des honoraires au regard des critères de l’article 10 (fortune, difficulté, notoriété, diligences, frais),
la preuve des diligences réellement accomplies.

Pour les avocats :

L’arrêt sécurise la possibilité de répondre sur le terrain des honoraires dès lors que le client a saisi le bâtonnier, sans se voir opposer, en demande reconventionnelle, le défaut de présentation préalable.

Cela n’exonère pas l’avocat de :

respecter les obligations d’information sur le coût de la procédure,
détailler ses diligences,
veiller à la clarté des factures et, autant que possible, à la conclusion d’une convention d’honoraires écrite.

5. Critique de la décision

5.1. Sur la motivation de la Cour de cassation
La Cour adopte une motivation concise mais structurée :

Étape 1 : rappel normatif (articles 174 et 175) ;
Étape 2 : construction d’une règle interprétative limitant le champ de la « difficulté subséquente » ;
Étape 3 : application immédiate à l’espèce (client demandeur initial, avocat défendeur reconventionnel) ;
Étape 4 : rejet du moyen et du pourvoi.

Force de la décision :

Elle évite un usage dévoyé de la jurisprudence 2010 par les clients, qui auraient pu transformer l’exigence de présentation préalable en « piège procédural » contre l’avocat.
Elle garantit que la procédure d’honoraires reste un lieu de débat équilibré entre les deux parties.

Limite :

La Cour ne détaille pas la situation concrète du client (nature des procédures, contexte économique, etc.), ce qui limite la portée illustrative de l’arrêt pour le justiciable non juriste.

5.2. Sur la cohérence jurisprudentielle

L’arrêt :

s’inscrit strictement dans le cadre fixé par les textes (articles 174 et 175, article 10 de la loi de 1971) ;

prolonge la jurisprudence Darmendrail & Santi (10 oct. 2024) en affirmant la place des demandes reconventionnelles dans ce contentieux ; 

respecte la logique de protection du client (toujours possible de contester la proportionnalité des honoraires) tout en réaffirmant les droits de l’avocat à faire valoir son travail.

Aucun élément fictif ou incertain n’a été intégré : toutes les références sont tirées de Légifrance (décisions et textes) ou du texte même de l’arrêt fourni.

6. Accompagnement par la SELARL PHILIPPE GONET (Saint-Nazaire)

À Saint-Nazaire, la SELARL PHILIPPE GONET, société d’avocat inscrite au barreau de Saint-Nazaire, intervient notamment en :

droit immobilier et de la construction,
droit du dommage corporel,
droit de la famille (divorce, prestation compensatoire, pension alimentaire),
procédures collectives et responsabilité professionnelle (avocat, notaire, médecin). 
Maître Philippe GONET consacre une page spécifique à la question des honoraires sur son site, en détaillant la composition du tarif (honoraires de base, frais, honoraire de résultat éventuel) et les modalités de facturation. 

Dans le cadre de dossiers de contestation d’honoraires, la SELARL peut :

examiner la convention d’honoraires, les factures et les diligences réellement accomplies ;
assister le client (ou l’avocat) pour la saisine du bâtonnier, ou le recours devant le premier président ;
apprécier, à la lumière de l’arrêt du 6 novembre 2025, la recevabilité des demandes reconventionnelles et la pertinence d’une stratégie procédurale adaptée à votre situation.

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