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Délais en matière de construction : éclaircissements et incertitudes

Le 11 avril 2023
Délais en matière de construction : éclaircissements et incertitudes
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Depuis un certain nombre d’années, la Cour de cassation, dans une succession de décisions, en particulier en matière de construction, a entendu qualifier des délais de délais de forclusion alors qu’ils étaient considérés comme des délais de prescription.

Tout d’abord il convient de bien faire la différence entre le délai de prescription et le délai de forclusion.

Il y a 30 ans, la différence était claire.

Le délai de forclusion était insusceptible de suspension et d’interruption.

Il est d’ordre public c’est-à-dire qu’il doit être soulevé d’office par le juge. Appelé aussi délai préfix, il a une fonction punitive en particulier, s’étant illustré dans le délai biennal pour sanctionner le secteur bancaire en matière de prêts à la consommation.

L’article 1676 du Code civil relatif à l’action en rescision de deux ans comme d’ailleurs les délais de recours sont des délais de forclusion.

Tout au contraire, le délai de prescription n’a pas ce sens de punition.

Traditionnellement, il a trois fonctions.

Une fonction probatoire qui dispense le débiteur d’apporter la preuve de sa libération en interdisant les actions tardives.

Une fonction sécuritaire en permettant de consolider les situations de fait.

Une fonction morale en sanctionnant le créancier négligent.

C’est en se fondant sur ce caractère punitif la Cour de cassation a qualifié des délais.

Ainsi, les délais pour agir du maître d’ouvrage (garantie de parfait achèvement, garantie biennale, garantie décennale articles 1792 à 1792-4 du code civil mais aussi la garantie de responsabilité de droit commun de 10 ans article 1792-4-3) sont qualifiés de délais de forclusion.

Selon l’article 2220 du code civil les délais de forclusion ne sont pas, sauf dispositions contraires prévues par la loi, régis par les articles 2219 à 2254 du code civil relatifs à la prescription acquisitive.

En matière d’interruption et de suspension des délais, il convient de se reporter aux articles 2240 à 2244 du Code civil

 Article 2240 La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Article 2241 La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Article 2242 L'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance

Article 2243 L'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée

Article 2244 Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée.

Ces textes doivent être lus avec beaucoup d’attention. Ainsi la reconnaissance par un débiteur d’un droit, visé par l’article 2240 du code civil, n’a pas d’effet interruptif en matière de délai de forclusion sauf hypothèse visée dans un arrêt de la Cour de cassation de 2002 relatif à l’engagement du constructeur de payer la réparation des désordres

Par conséquent, le délai de forclusion peut être interrompu soit par une assignation en justice par la voie du référé, soit par une mesure conservatoire ou un acte d’exécution forcée.

En aucune façon le délai de forclusion ne peut être suspendu par les opérations d’expertise courant depuis la désignation de l’expert par ordonnance jusqu’au dépôt du rapport d’expertise comme en matière de prescription.

Du fait de la qualification des délais en matière de garantie des constructeurs à l’égard du maître d’ouvrage en délai de forclusion, il apparaît évident que la qualification des désordres est déterminant pour ne pas se voir opposer une fin de non-recevoir.

On ne saurait trop conseiller dans le cas de garantie de parfait achèvement ou biennal d’engager concomitamment à l’action en référé une action devant le juge du fond habilité à trancher le litige.

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