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Arrêté de péril & bail commercial : pas de suspension légale des loyers

Le 08 octobre 2025
Arrêté de péril & bail commercial : pas de suspension légale des loyers
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1)  Résumé succinct

Parties : MM. [F] et [Y] [E] (bailleurs) c/ SARL Clafouty (locataire – boutique).

Juridiction : Cour de cassation, 3e civ., 3 juillet 2025, n° 23-20.553, cassation, publié au Bulletin ; renvoi CA Toulouse. 

Nature du litige : demande de suspension des loyers en raison d’un arrêté de péril grave et imminent.

Effet direct : la 3e chambre civile censure l’arrêt d’appel qui avait appliqué l’art. L. 521-2 CCH à un bail commercial. En sa rédaction issue de l’ord. n° 2020-1144, ce texte suspend uniquement les loyers d’occupation d’un logement (et non d’un local commercial), sauf à prouver que les locaux loués comprennent un logement. 

2) Analyse détaillée

a) Les faits

18 févr. 2021 : arrêté de péril grave et imminent enjoignant des mesures (maintien des ouvertures en souffrance, tunnel piétons). 

1er juill. 2020 (point de départ contractuel) – 15 juin 2021 : conclusion d’un nouveau bail commercial de 9 ans sur les mêmes locaux (usage de boutique). 

Après févr. 2021 : la locataire assigne en référé pour provision et suspension des loyers à compter du 18 févr. 2021 jusqu’à exécution des travaux administratifs. 

b) La procédure

Référé TJ 

CA Montpellier, 17 mai 2023 (2e ch. civ.) : ordonne la suspension des loyers à compter du 1er mars 2021 jusqu’à la mainlevée de l’arrêté, en se fondant sur L. 521-2 CCH. Cour de Cassation

Pourvoi des bailleurs : contestent l’application de L. 521-2 CCH aux baux commerciaux (moyen 1, 2e branche). 

Cassation : totale, renvoi CA Toulouse. 


c) Contenu de la décision de cassation

Textes visés :

CPC, art. 834 (référé – urgence, absence de contestation sérieuse / existence d’un différend). Version 2021. 

CCH, art. L. 521-2, I, al. 2-3 dans sa rédaction issue de l’ord. n° 2020-1144 du 16 sept. 2020 (régime « habitat indigne » : suspension automatique du loyer « en contrepartie de l’occupation du logement » entre la notification de l’arrêté et sa mainlevée). 

Arguments des parties  :

Bailleurs : L. 521-2 CCH (réd. 2020) n’est pas applicable aux baux commerciaux ; la cour d’appel a violé CPC 834 et CCH L. 521-1 / L. 521-2. 

Locataire : se prévaut du mécanisme légal de suspension automatique des loyers (L. 521-2 CCH). 


Raisonnement :

La cour d’appel a appliqué L. 521-2 CCH à un local commercial.

Or la rédaction 2020 du texte vise l’occupation d’un “logement”. La cour d’appel n’a pas constaté que les locaux loués comprenaient un logement.

Défaut de base légale → cassation. 

Solution : Cassation en toutes ses dispositions ; renvoi Toulouse ; dépens contre la société Clafouty ; 700 CPC rejeté. 


3)  Références juridiques

3.1 Jurisprudence

Cass. civ. 3e, 3 juill. 2025, n° 23-20.553 — Cassation (publié) — Arrêté de péril et L. 521-2 CCH (réd. 2020) réservé au logement. 

CA Montpellier, 17 mai 2023 (référé) — suspension des loyers (décision attaquée). Extrait publi. Cassation (export) 

Cass. civ. 3e, 30 juin 2022 (série « loyers Covid ») — refus d’assimiler les fermetures admin. à une perte de la chose (C. civ., art. 1722) :


Cass. civ. 3e, 7 mai 2025, n° 24-10.097 — loyers Covid & art. 1722 confirmés (pas de perte de la chose)

Remarque : aucune décision antérieure publiée n’avait, à notre connaissance, tranché expressément la portée de L. 521-2 CCH (réd. 2020) au regard des baux commerciaux. L’arrêt du 3 juill. 2025 apparaît ainsi directeur sur ce point.

3.2 Textes légaux 

CCH, art. L. 521-2 — Version en vigueur au 01.01.2021 (suite à ord. n° 2020-1144 du 16 sept. 2020).

Ord. n° 2020-1144 du 16 sept. 2020 (réforme « habitat indigne »). 

CPC, art. 834 — version 2020–2021 (référé TJ).

Évolution ultérieure (contexte pratique) : depuis la loi n° 2024-1039 du 19 nov. 2024 (version en vigueur depuis le 21 nov. 2024), L. 521-2 CCH vise désormais aussi les locaux “à usage… professionnel ou commercial” → extension postérieure aux faits de 2021. 

4)  Analyse juridique approfondie

Principe dégagé : sous l’empire de la rédaction 2020 de L. 521-2 CCH, la suspension automatique des loyers entre l’arrêté et sa mainlevée est réservée aux logements.

Charge probatoire : il appartenait à la locataire de caractériser que les locaux loués comprenaient un logement (ce que l’arrêt d’appel n’a pas constaté). La cassation est donc prononcée pour défaut de base légale. 

Cohérence d’ensemble : la 3e civ. confirme une ligne protectrice de la lettre des textes déjà observée en matière de loyers Covid : pas d’extension automatique des régimes spéciaux (ex. 1722 C. civ.) en l’absence de conditions strictes (perte de la chose / texte clair). 

Évolution législative : la réforme 2024 élargit expressément le champ aux locaux professionnels et commerciaux : changement de droit postérieur aux faits → inapplicable au litige (2021). Légifrance

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