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1. Résumé succinct
Parties : M. [Y] (acquéreur) c. Volkswagen Group France (vendeur) & Volkswagen Bank GmbH – VW Bank (bailleur-LOA).
Juridiction : Cour de cassation, 1re civ., 24 septembre 2025, n° 23-23.869, formation de section, cassation partielle
Nature du litige : résolution de la vente (et caducité de la LOA) pour manquement à l’obligation de délivrance conforme d’un véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation (logiciel “dieselgate”) ; à titre subsidiaire nullité pour erreur et demandes indemnitaires.
Effet direct sur la pratique :
Point de départ de la prescription quinquennale (C. civ., art. 2224) de l’action fondée sur la délivrance conforme = jour de la connaissance du défaut (et non la livraison).
La présence d’un dispositif d’invalidation (art. 5 du règl. (CE) n° 715/2007) caractérise un défaut de conformité justifiant la résolution (C. civ., art. 1604 et 1184 anc.), interprétés à la lumière des art. 1er et 2 de la Charte de l’environnement.
2.Analyse détaillée
Les faits
17 fév. 2010 : VW Bank acquiert un véhicule fourni par Volkswagen Group France et consent une LOA à M. [Y]. Livraison : 22 avr. 2010. Levée d’option : 1er avr. 2014.
16 nov. 2015, 29 avr. et 12 sept. 2016 : informations par le constructeur sur une enquête “anti-pollution” et la mise à jour logicielle du véhicule.
19–20 déc. 2016 : assignations de VW France et VW Bank en résolution pour délivrance non conforme, subsidiairement nullité pour erreur et pratiques commerciales trompeuses + indemnisation.
La procédure
1re instance : non reproduite intégralement dans l’arrêt ; le litige a connu des rebondissements.
Appel (Bordeaux, 2e ch. civ.) : 9 nov. 2023 – Action jugée recevable (sur la délivrance conforme) mais rejetée au fond (défaut de preuve du défaut de conformité ; rappel constructeur possible).
Antécédent cassation : affaire sur renvoi après cassation d’un premier arrêt (1re civ., 7 déc. 2022, n° 21-19.345).
Cassation (24 sept. 2025) : cassation partielle, renvoi devant CA Toulouse ; confirmation de la recevabilité des actions (délivrance conforme & erreur), mais censure du rejet au fond (défaut caractérisé + droit à résolution).
Contenu de la décision
Arguments des parties (tels que repris)
VW France / VW Bank (pourvoi incident) : prescription à compter de la livraison (délai “d’épreuve”), non reportable par l’art. 2224 C. civ. → irrecevabilité.
M. [Y] (pourvoi principal) :
Défaut de délivrance conforme : véhicule équipé d’un dispositif d’invalidation prohibé par l’art. 5 du règlt 715/2007 → défaut de conformité (jurisprudence CJUE) ;
Erreur sur la qualité substantielle (présence d’un dispositif interdit) ;
Résolution du contrat (gravité du manquement).
Raisonnement de la Cour de cassation
Prescription (rejet du moyen incident des sociétés)
Combinaison C. civ., art. 1603–1604, 2224 et C. com., art. L.110-4 : l’action fondée sur la délivrance conforme se prescrit par 5 ans à compter de la connaissance du défaut par l’acquéreur. Ici, au plus tôt le 16 nov. 2015 (courriers du constructeur) → assignations déc. 2016 = dans le délai.
Défaut de conformité (censure de l’arrêt d’appel)
L’implantation d’un logiciel détectant des paramètres d’homologation et réduisant l’efficacité du système de contrôle des émissions = “dispositif d’invalidation” (règl. 715/2007, art. 3 pt 10, art. 5 §1-2) → interdit ;
Un véhicule équipé d’un tel dispositif est non conforme (directive 1999/44, reprise par la CJUE) ; la CA avait constaté la présence du logiciel → elle devait retenir le défaut de conformité.
Sanction – Résolution
C. civ., art. 1604 + 1184 (ancienne rédaction) interprétés à la lumière des art. 1er et 2 de la Charte de l’environnement : manquement grave justifiant la résolution quand le bien délivré est équipé d’un dispositif d’invalidation interdit. Le rappel constructeur n’y fait pas obstacle.
Erreur (vice du consentement)
Censure pour défaut de base légale : la CA devait rechercher si l’acquéreur avait contracté en ignorant l’existence d’un dispositif interdit, ce qui pouvait constituer une erreur déterminante (anciens art. 1109–1110 C. civ.)
Solution retenue
Cassation partielle ; renvoi Toulouse ; VW France & VW Bank aux dépens ; 3 000 € au titre de l’art. 700 CPC alloués à M. [Y].
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. 1re civ., 24 sept. 2025, n° 23-23.869 (FS-B), ECLI:FR:CCASS:2025:C100649
Décision attaquée (CA Bordeaux, 9 nov. 2023, n° 22/05651)
Cass. 1re civ., 7 déc. 2022, n° 21-19.345 (renvoi après cassation)
(Remarque : l’arrêt se fonde également sur la jurisprudence CJUE CLCV, 17 déc. 2020, C-693/18 et Porsche/VW, 14 juill. 2022, C-145/20, rappelées par la Cour ; lien non fourni ici car hors des trois bases nationales autorisées par votre protocole, mais la référence figure dans l’arrêt lui-même.)
3.2 Textes légaux
C. civ., art. 1604 : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur. »
C. civ., art. 1603 (obligation de délivrer et garantir) – renvoi dans l’arrêt. ???? Légifrance (code – section) :
C. civ., art. 2224 (version 19 juin 2008) : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu… »
C. com., art. L.110-4 : prescription commerciale (10 ans avant 2008 ; 5 ans depuis la réforme) – versions 2000–2008 et postérieures
C. civ., art. 1184 (ancienne rédaction, jusqu’au 1er oct. 2016) : condition résolutoire toujours sous-entendue ; choix exécution ou résolution.
C. civ., art. 1109 (ancienne réd.) & 1110 (ancienne réd.) – erreur sur la substance.
Règlement (CE) n° 715/2007, art. 3 pt 10 & 5 §1-2 (dispositif d’invalidation interdit) – visés par la
Cour ; référence reprise dans l’arrêt (texte UE non hébergé sur Légifrance). Lien non fourni par exigence de base officielle nationale ; référence vérifiable dans l’arrêt.
4. Analyse juridique approfondie
A. Décryptage du raisonnement
Prescription : la 1re civ. écarte la thèse du “délai d’épreuve” courant dès la livraison. En matière de délivrance conforme, elle aligne le régime sur le droit commun de l’art. 2224 C. civ. → point de départ subjectif (connaissance du défaut). Portée pratique : sécurise les actions post-“dieselgate” déclenchées après 2015 pour des véhicules livrés bien avant.
Défaut de conformité : la Cour transpose le standard de la CJUE : tout logiciel visant à tromper l’homologation = dispositif d’invalidation → non-conformité ; l’arrêt d’appel devait en tirer la conséquence juridique sans exiger plus (homologation Euro 5 inopérante si viciée par un dispositif interdit).
Sanction – Résolution : combinaison 1604 + 1184 anc. interprétée au prisme de la Charte de l’environnement (art. 1 & 2) : la délivrance d’un bien structurellement non conforme et en cause d’atteintes à l’environnement/santé = manquement grave → résolution ouverte nonobstant un rappel constructeur. C’est une intégration explicite des exigences environnementales dans le contenu de l’obligation de délivrance.
B. Comparaison avec la jurisprudence antérieure (nationale)
Avant 2025 :
contentieux civil “dieselgate” épars ; l’antécédent cité par la Cour (Cass. 1re civ., 7 déc. 2022, n° 21-19.345) avait surtout censuré et renvoyé (problèmes de motifs/qualification), sans poser nettement le standard de non-conformité/charte environnement.
Apport 2025 :
Point de départ prescription clairement subjectif pour la délivrance conforme (2224) ;
Automatisation du constat de non-conformité dès qu’un dispositif d’invalidation est avéré ;
Charte de l’environnement comme boussole interprétative des sanctions contractuelles (résolution).
C. Évolutions pratiques
Vendeurs / réseaux : risque accru de résolutions judiciaires (restitutions réciproques) pour véhicules concernés, même des années après la livraison, si la connaissance est postérieure.
Financement (LOA) : la caducité suit la résolution du contrat de vente initial ; vigilance sur le circuit contractuel (vendeur/fournisseur – bailleur).
Preuve : la preuve de la présence du dispositif (rapports, rappels, communications officielles) suffit ; inutile d’établir un dépassement d’émissions en usage courant.
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