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Délai d’action en cas d’implantation illégale d’un pylône sur un terrain privé

Le 04 juin 2024
Délai d’action en cas d’implantation illégale d’un pylône sur un terrain privé
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La société ENEDIS implante un pylône irrégulièrement sur le terrain d’un couple.

Par un courrier du 22 juin 2017, les propriétaires de ce terrain sur laquelle se trouve une maison d'habitation située sur le territoire de la commune de Villers-en-Arthies, ont demandé à la société Enedis de procéder à la dépose d'un pylône implanté sur leur terrain et de leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment subir.

Devant son refus, ils saisissent le tribunal administratif qui rejette leur demande.

La cour administrative d'appel de Versailles annule le jugement en tant qu'il rejette les conclusions à fin d'injonction, enjoint à la société Enedis de procéder à la dépose du pylône irrégulièrement implanté sur leur propriété et au déplacement ou à l'enfouissement de la ligne électrique dans un délai de six mois à compter de la notification de son arrêt et rejeté le surplus de leurs conclusions.

Un pourvoi est formé devant le Conseil d’état par ENEDIS.  

Le Conseil d‘état va rappeler des principes.

Lorsque le juge administratif est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.

Aux termes de l'article 2227 du code civil : " (...) les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".

Compte tenu des spécificités, rappelées au point précédent, de l'action en démolition d'un ouvrage public empiétant irrégulièrement sur une propriété privée, ni ces dispositions ni aucune autre disposition ni aucun principe prévoyant un délai de prescription ne sont applicables à une telle action.

L'invocation de ces dispositions du code civil au soutien de l'exception de prescription trentenaire opposée par la société Enedis était donc inopérante.

Ce motif devant être substitué au motif par lequel l'arrêt attaqué juge non fondée cette exception, il y a lieu, par suite, d'écarter les moyens de cassation dirigés contre le motif retenu par la cour administrative d'appel de Versailles.

L’intérêt de cet arrêt est de préciser le rôle du juge de plein contentieux qui a la charge de terminer en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l’ouvrage a été irrégulièrement implanté.

Si la réponse est affirmative, il faut dans ce cas vérifier si une régularisation est possible. Si ce n’est pas le cas il doit en tenant compte de l’écoulement du temps prendre en considération les inconvénients que l’ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics et privés, notamment pour le propriétaire du terrain d’assiette de l’ouvrage, et si la démolition n’entraîne pas une atteinte excessive à l’intérêt général.

Le second intérêt est d’affirmer l’imprescriptibilité apparente des actions en suppression d’un ouvrage public irrégulièrement implanté sur un terrain privé.

Toutefois cette solution ne va pas permettre la suppression au motif que le conseil d’État va toutefois relever les conséquences de l’écoulement du temps puisque la demande présentée par les propriétaires était la conséquence d’une politique d’enfouissement de certaines lignes électriques par la commune.

La suppression porterait une atteinte excessive à l’intérêt général.

Par conséquent l’inaction des propriétaires pendant toutes ces années est jugée fautive car l’engagement de l’action devant une juridiction admirative n’est pas la conséquence de l’implantation du pylône mais l’engagement de la politique tendant à enfouir les lignes électriques.

Le conseil d’État relevant que les propriétaires connaissaient l’existence du pylône et de la ligne électrique au moment de l’acquisition du terrain, refuse l’indemnisation pour ce motif.

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CE 27 sept 2023 n°466321

 https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-09-27/466321

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