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Annulation pour dol : la Cour de cassation clarifie l’indemnité d’occupation et le préjudice immobilier

Le 13 avril 2025
Annulation pour dol : la Cour de cassation clarifie l’indemnité d’occupation et le préjudice immobilier
annulation de vente immobilière – dol vendeur – réticence dolosive – indemnité d’occupation – préjudice hausse du marché – Cassation civile 3e – jurisprudence décembre 2024 – restitution post-annulation – Code civil article 1352-3 – avocat immobilier

1. Résumé succinct

Contexte :
L’affaire oppose des acquéreurs, M. [M] et Mme [Z], à leurs vendeurs, M. [K] et Mme [F], après l’annulation d’une vente immobilière en raison d’un dol (réticence dolosive). L’acte authentique de vente avait été signé en 2017 pour un prix de 390 000 €, mais un dégât des eaux est survenu peu après. La cour d’appel de Versailles a reconnu le dol et indemnisé les acheteurs pour la hausse du marché immobilier.

Impact principal :
La Cour de cassation précise qu’en cas d’annulation de la vente pour dol, la restitution de l’indemnité d’occupation due par les acquéreurs ne dépend pas de l’absence de faute des vendeurs, conformément à l’article 1352-3 du Code civil. Elle consacre aussi l’indemnisation d’un préjudice lié à l’augmentation du marché immobilier à condition qu’il soit direct et certain.


2. Analyse détaillée

Les faits
Le 15 septembre 2017, M. [M] et Mme [Z] acquièrent une maison d’habitation auprès de M. [K] et Mme [F] pour 390 000 €. En juin 2018, un important dégât des eaux survient. Invoquant un dol (omission volontaire d’information), les acquéreurs saisissent la justice pour obtenir l’annulation de la vente.

La procédure
1ère instance : non précisée dans l’arrêt.
Cour d’appel de Versailles (30 mars 2023) : annulation de la vente pour dol. Refus d’octroyer une indemnité d’occupation aux vendeurs, mais condamnation de ces derniers à indemniser les acheteurs pour la hausse du marché (21,50 %) à hauteur de 20 000 €.
Pourvoi en cassation par les vendeurs.

Contenu de la décision
Arguments des parties

Vendeurs :

Demande d’une indemnité d’occupation pour la période d’occupation postérieure à l’annulation.
Contestation de l’indemnisation du préjudice lié à la hausse du marché, estimé incertain.

Acquéreurs :

Reproche une réticence dolosive.
Demandent réparation du préjudice lié à la hausse immobilière.

Raisonnement juridique de la Cour de cassation

Sur l’indemnité d’occupation :

La restitution inclut la jouissance du bien, même si le vendeur est fautif (article 1352-3 C. civ.).
La bonne foi de l’acquéreur conditionne le point de départ de la dette, mais non le droit du vendeur à l’indemnité, même en cas de dol.
La Cour d’appel a ajouté une condition non prévue par la loi en subordonnant le droit à l’absence de faute.

Sur le préjudice lié à la hausse du marché :

La hausse de 21,5 % est constatée comme un fait objectif.
Les acheteurs doivent racheter un bien équivalent : le préjudice est donc certain et direct.

Solution retenue
Cassation partielle : rejet de la motivation de la cour d’appel sur l’indemnité d’occupation.
Maintien de l’indemnisation du préjudice lié à l’augmentation du marché immobilier.

3. Références et articles juridiques
Décision analysée
Référence officielle : Cass. civ. 3e, 5 déc. 2024, n° 23-16.270

Textes juridiques cités

Code civil – Article 1352-3 :

« Le débiteur d’une restitution est tenu des fruits qu’il a perçus depuis qu’il est en demeure ou qu’il a connaissance de son obligation de restituer. Il doit aussi la valeur de la jouissance qu’il a retirée de la chose. »

Code civil – Article 1352-7 :

« Lorsque la restitution est impossible ou présente un inconvénient majeur pour le créancier, celui-ci peut demander une restitution en valeur, évaluée à la date du paiement. »

Code civil – Article 1240 :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour de cassation procède à une lecture stricte des articles 1352-3 et 1352-7 du Code civil. Elle rappelle que :

La créance de restitution du vendeur, consécutive à l’annulation de la vente, comprend la valeur de jouissance du bien.
Cette créance n’est pas subordonnée à l’absence de faute du vendeur, y compris en cas de dol.
L’indemnité d’occupation peut donc être réclamée même par un vendeur fautif, sauf mauvaise foi manifeste ou disposition contraire expresse.
Cette solution met fin à une incertitude doctrinale et jurisprudentielle latente sur l’articulation entre réticence dolosive et droit au retour des fruits et jouissance après annulation.

Sur la hausse du marché immobilier, la Cour valide la reconnaissance d’un préjudice patrimonial distinct, dès lors que l’annulation impose une nouvelle acquisition et que la variation de prix est prouvée de façon objective. Le critère déterminant n’est donc ni la réalisation d’un nouvel achat, ni la perte de chance, mais l’augmentation constatée du marché dans le même segment.

Conséquences juridiques
Cet arrêt sécurise la position du vendeur annulé : il conserve son droit à indemnisation de l’occupation, sauf preuve de mauvaise foi.
Il permet aux acquéreurs, en cas d’annulation, d’obtenir réparation de la hausse immobilière dès lors que celle-ci est objectivée, même sans projet d’achat concret avorté.
Il sera désormais plus difficile pour les cours d’appel de refuser une indemnité d’occupation sur le fondement moral ou fautif, sauf preuve manifeste d’intention frauduleuse.

5. Critique de la décision

Confirmation du caractère impératif de l’article 1352-3 C. civ.
Application claire du principe de restitution indépendante de la faute.
Volonté de la Cour de cassation de prévenir une justice réparatrice conditionnelle ou moralisatrice, au profit d’une logique contractuelle rigoureuse.

Synthèse :

Droit au remboursement de l’occupation maintenu même si le vendeur a commis un dol.
Préjudice lié à la hausse immobilière reconnu comme un dommage indemnisable.
Décision équilibrée, renforçant la cohérence du régime de l’annulation pour dol.

6. Accompagnement juridique
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L’indemnisation des préjudices patrimoniaux consécutifs à l’annulation (jouissance, hausse du marché, travaux).