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1. Résumé succinct
Parties : Mokgadi Caster Semenya (requérante) c/ Confédération suisse.
Juridiction / formation : Cour EDH (Grande Chambre), 10 juillet 2025 (arrêt définitif). N° 10934/21.
Nature du litige : Contestation d’un règlement sportif non étatique (World Athletics – « règlement DDS ») imposant une réduction du taux de testostérone pour concourir en catégorie féminine ; contrôle effectué par le TAS puis par le Tribunal fédéral suisse.
Effet direct sur la jurisprudence/pratiques :
Article 6 §1 (civil) CEDH : violation – le Tribunal fédéral n’a pas exercé un examen particulièrement rigoureux d’une sentence du TAS obligatoire et exclusive touchant à des droits civils fondamentaux (intégrité, identité, dignité, activité professionnelle)
Articles 8, 13 et 14 : incompétence (absence de lien juridictionnel avec la Suisse), sauf lien juridictionnel exceptionnel par ricochet uniquement pour le grief tiré de l’article 6 via le recours civil devant le Tribunal fédéral.
2. Analyse détaillée
2.1. Les faits
2009 : examens intrusifs (vérification du sexe) lors des Mondiaux de Berlin ; injonction d’abaisser la testostérone < 10 nmol/L. Traitement hormonal avec effets secondaires.
1er mai 2011 : 1er règlement IAAF « hyperandrogénie » (<10 nmol/L ou insensibilité aux androgènes) avec procédure de vérification en trois temps.
24 juill. 2015 : TAS Dutee Chand – suspension temporaire du règlement (insuffisance des preuves scientifiques).
2016–2017 : titres olympiques et mondiaux de M. Semenya sans traitement.
23 avr. 2018 : nouveau règlement DDS (« règlement régissant la qualification dans la catégorie féminine (athlètes présentant des DDS) »).
2019–2020 : TAS (sentence du 30 avr. 2019) puis Tribunal fédéral (25 août 2020) – rejet des recours de la requérante.
18 févr. 2021 : requête CEDH (art. 3, 6, 8+14, 13).
11 juill. 2023 : Chambre CEDH – avait retenu des violations (8+14 et 13) ; renvoi en Grande Chambre (6 nov. 2023).
Audience et délibéré : adoption de l’arrêt 2 avr. 2025 ; prononcé 10 juill. 2025.
2.2. La procédure (1re instance, appel, cassation / contrôle)
TAS (juridiction arbitrale « imposée » par la gouvernance du sport) : débat scientifique et juridique étendu (testostérone, DHT, 5-ARD, « sexe sportif », étude BG17).
Tribunal fédéral suisse : contrôle limité à l’ordre public matériel (art. 190 LDIP), incluant les droits de la personnalité (santé, intégrité corporelle, dignité, activité sportive).
CEDH :
Compétence non retenue pour 8, 13, 14 (absence de lien juridictionnel territorial) ;
Compétence retenue pour l’article 6 via le recours civil devant le TF.
2.3. Contenu de la décision
Arguments – Requérante : ingérences massives (intégrité physique, vie privée), discrimination (sexe/intersexuation), déséquilibre structurel vis-à-vis de World Athletics ; contrôle excessivement limité du TF ; demande d’un vrai examen au fond des griefs CEDH.
Arguments – Gouvernement suisse : absence de juridiction pour 8, 13, 14 ; respect des standards de contrôle en arbitrage international ; rôle du TF compatible avec la CEDH.
Raisonnement – Grande Chambre
Juridiction (art. 1) : pas de lien territorial pour 8, 13, 14 ; lien juridictionnel existant uniquement par l’action civile devant le TF pour le grief de l’article 6.
Article 6 §1 (civil) – applicabilité : la contestation devant le TF portait sur des droits de caractère civil (intégrité, identité, dignité, activité sportive), déterminants pour la carrière de la requérante.
Standard de contrôle requis : lorsqu’un arbitrage est obligatoire et exclusif (TAS) et que sont en jeu des droits fondamentaux, l’État doit garantir un examen particulièrement rigoureux par le juge de recours.
Constat de violation : le Tribunal fédéral, cantonné à l’« ordre public matériel » interprété restrictivement, n’a pas fourni cet examen rigoureux → violation de l’article 6 §1.
Portée : la Grande Chambre ne statue pas sur la question de savoir si le TAS est un « tribunal établi par la loi, indépendant et impartial » (question hors objet tel que saisi), point discuté dans les opinions séparées.
Dispositif :
Compétence : Suisse compétente pour l’art. 6 (via le TF) ; incompétence pour 8, 13, 14.
Fond : violation de l’article 6 §1 (civil).
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
CEDH, Gde Ch., 10 juill. 2025, Semenya c. Suisse, n° 10934/21 —
CEDH, 2 oct. 2018, Mutu et Pechstein c. Suisse, nos 40575/10 et 67474/10 — utilisé par la Cour sur arbitrage et art. 6.
CEDH, déc., 11 févr. 2020, Platini c. Suisse, n° 526/18 — contrôle CEDH et arbitrage sportif.
CEDH, 28 janv. 2020, Ali Rıza et autres c. Turquie, n° 30226/10 — arbitrage et garanties de l’art. 6.
CEDH, 18 janv. 2018, FNASS et autres c. France, nos 48151/11 et 77769/13 — sport, contrôle et Convention.
3.2 Textes légaux
Convention EDH – Article 6 §1 : Droit à un procès équitable (extrait cité par la Cour) — version consolidée CEDH.
Articles 8, 13, 14 CEDH — mêmes observations (publication et protocoles sur Légifrance ; texte intégral disponible sur le site du Conseil de l’Europe).
4. Analyse juridique approfondie
4.1 Décryptage du raisonnement
La clé tient à la combinaison arbitrage imposé + droits fondamentaux civils : si la première instance (TAS) n’est pas un tribunal étatique, l’État doit compenser en offrant, au stade du recours, un contrôle juridictionnel substantiel et rigoureux — à défaut, art. 6 §1 est violé.
La Suisse n’est pas compétente pour 8, 13, 14 car aucun lien territorial n’unit l’État à l’adoption et l’application du règlement DDS (organisation privée monégasque) ; seul le recours civil devant le TF crée la prise juridictionnelle sur art. 6.
Sur l’applicabilité d’art. 6 (civil), la Cour souligne l’enjeu professionnel et personnel (intégrité, identité, dignité) de la décision arbitrale → il s’agit bien de droits de caractère civil.
4.2 Comparaison avec la jurisprudence antérieure
Mutu & Pechstein : la CEDH adm et l’intérêt d’un tribunal arbitral unique et spécialisé pour les litiges sportifs internationaux, à condition qu’un recours effectif existe devant un tribunal étatique (même de portée limitée). Ici, limitation excessive au seul « ordre public matériel » → insuffisant eu égard à la gravité des droits en jeu.
Platini, Ali Rıza, FNASS : la Cour affine les exigences procédurales applicables au sport ; Semenya renforce le niveau d’intensité du contrôle requis lorsqu’un arbitrage est imposé et que sont visés des droits fondamentaux.
4.3 Évolutions de pratique
Pour les États sièges du TAS (ici : Suisse), et plus largement pour les États sièges d’un arbitrage sportif obligatoire, l’obligation positive consiste à assurer un contrôle réel et approfondi en recours lorsque la sentence affecte des droits civils fondamentaux (intégrité, dignité, carrière). Standard : examen « particulièrement rigoureux ».
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos contentieux sportifs ou arbitrage (contrôle en recours, standard d’intensité « examen particulièrement rigoureux »).
Construire des moyens fondés sur l’article 6 CEDH quand la sentence arbitrale imposée affecte des droits civils fondamentaux (intégrité, dignité, vie professionnelle).
Sécuriser vos stratégies en référé et au fond face aux règlements sportifs non étatiques impactant la vie privée et la santé.
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