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Exception à l’immunité fonctionnelle : Cass. ass. plén., 25 juil. 2025

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Exception à l’immunité fonctionnelle : Cass. ass. plén., 25 juil. 2025
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1. Résumé succinct

Parties impliquées

M. [Y] [K], ancien gouverneur de la Banque centrale de Syrie (2011–2016), ensuite ministre de l’économie.
Ministère public, parties civiles (identifiées comme [2] et [1]).

Juridiction :Cour de cassation, assemblée plénière, arrêt du 25 juillet 2025, pourvoi n° 24‑84.071 

Nature du litige

Contestation de mise en examen pour complicité de crimes de guerre, crimes contre l’humanité, blanchiment, et association de malfaiteurs. L’agent d’État syrien invoquait l’immunité fonctionnelle ; la chambre de l’instruction l’avait écartée.

Effet direct de la décision

La Cour reconnaît pour la première fois en France une exception à l’immunité fonctionnelle des agents de l’État pour les crimes les plus graves (génocide, crimes de guerre et crimes contre l’humanité), confirmant ainsi la compétence des juridictions françaises même en l’absence de dispositions internationales contraires.

2. Analyse détaillée

Faits et chronologie

M. K., double nationalité française et syrienne, gouverneur de la Banque centrale de Syrie (2011–2016), puis ministre.
Mise en examen le 20 décembre 2022 pour complicité de crimes contre l’humanité et de guerre, blanchiment, etc.
Requête en nullité déposée le 20 juin 2023 contestée devant la chambre de l’instruction (CA Paris, 5 juin 2024) puis devant la

Procédure
Chambre criminelle a rejeté la requête (CA, 5 juin 2024).
Pourvoi immédiat et renvoi en assemblée plénière (ordonnances du 30 septembre 2024 et 5 mars 2025).

Contenu de la décision

Arguments du moyen
L’immunité fonctionnelle des agents de l’État s’impose, sauf disposition internationale contraire ; or, aucune exception n’existe pour crimes de guerre ou crimes contre l’humanité.

Raisonnement de l’assemblée plénière

Compétence française possible pour la complicité commise à l’étranger par un Français (articles 689 CPP, 113‑6 et 121‑6 CP).

Immunité fonctionnelle est principe coutumier mais peut évoluer. Plusieurs sources montrent une évolution coutumière favorable à exclure cette immunité pour crimes internationaux : décision du TPIY (1997), CIJ (2012) réserve la question sur agents, jurisprudences suisse (2012), allemande (2024), législations espagnole, autrichienne, allemande, rapport de la CDI et projet d’article 7 (2016, provisoirement adopté en mai 2025).

Solution retenue
L’immunité fonctionnelle ne peut être opposée pour les chefs de génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. La mise en examen est valide. Le pourvoi est rejeté.

3. Références juridiques 

Décision analysée

Cass. ass. plén., 25 juill. 2025, n° 24‑84.071

Jurisprudence antérieure citée dans l’arrêt

Crim., 23 nov. 2004, pourvoi n° 04‑84.265 (agents d’État et immunité).
Crim., 19 janv. 2010, pourvoi n° 09‑84.818 (idem).
Crim., 13 janv. 2021, pourvoi n° 20‑80.511 (tortures, immunité non écartée).
Trib. pénal int. ex-Yougoslavie, chambre d’appel, 29 oct. 1997 (Blaskic).
CIJ, 3 fév. 2012, Immunités juridictionnelles de l’État (Allemagne c. Italie).
Tribunal fédéral suisse, 25 juillet 2012, BB.2011.140.
Cour féd. de justice allemande, ord. 21 fév. 2024, AK 4/24.

4. Analyse juridique approfondie

Cette décision marque un tournant jurisprudentiel majeur en reconnaissant une exception coutumière à l’immunité fonctionnelle pour les crimes les plus graves. Elle rejoint la tendance européenne et internationale et inscrit la France dans une dynamique de lutte renforcée contre l’impunité.

En comparaison, la jurisprudence antérieure (par ex. tortures) n’avait pas permis cette lecture. Ici, la Cour démontre un alignement pragmatique avec la pratique étrangère et les efforts de codification internationaux (Commission du droit international).


5. Critique de la décision

Forces : rigoureuse argumentation, appui sur multiples sources internationales, cohérence avec l’évolution du droit international.

Limites : recours à une exception d’immunité fondée sur la coutume, sans texte international explicite ; dépendance aux développements des législations étrangères.

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