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Télétravail & titres-restaurant : la Cassation impose l’égalité

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Télétravail & titres-restaurant : la Cassation impose l’égalité
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1. Résumé succinct

Parties : Société Yamaha Music Europe GmbH (demanderesse au pourvoi) c/ M. [E] [G] (défendeur)

Juridiction: Cour de cassation, Chambre sociale, formation de section, 8 octobre 2025, n° 24-12.373, Arrêt n° 919 FS-B, 

Nature du litige : Rappel de contribution patronale sur titres-restaurant au bénéfice d’un salarié en télétravail (période 16/03/2020 → 30/03/2022).

Effet direct sur la pratique : Interdiction pour l’employeur de refuser les titres-restaurant au seul motif du télétravail ; le droit dépend uniquement de l’existence d’un repas compris dans l’horaire journalier. Confirmation par la Haute juridiction de la parité de droits (art. L.1222-9 III C. trav.). 

2. Analyse détaillée

Les faits 

4 janvier 1988 : Embauche de M. G. par Yamaha (attaché de direction, devenu directeur commercial division audio).

16 mars 2020 → 30 mars 2022 : Activité exercée en télétravail (périodes covid et post-covid). L’employeur n’attribue pas de titres-restaurant pour ces jours.

1er juillet 2022 : Saisine du conseil de prud’hommes de Meaux pour obtenir un rappel correspondant à la contribution patronale sur titres-restaurant.

La procédure

1re instance : CPH Meaux, 25 janvier 2024 (RG 22/00460) : condamnation de l’employeur à payer un rappel (erreur matérielle sur le montant relevée ensuite).

Cassation : Pourvoi par Yamaha (un moyen, trois branches). Audience du 9 sept. 2025 ; rejet du pourvoi. Rectification d’erreur matérielle du jugement (1 788,88 € → 1 700,88 €). 

Contenu de la décision

Arguments des parties 

Discrimination : l’employeur soutenait que la différence de traitement (présentiel vs télétravail) ne reposait pas sur un motif prohibé (art. L.1132-1 C. trav.).

Égalité de traitement : il invoquait l’absence de situation identique entre salariés en présentiel et télétravail au regard de l’avantage « titres-restaurant ».

Ultra petita : grief de décision au-delà des demandes (1700,88 € demandés / 1 788,88 € alloués).

Raisonnement de la Cour

Visa des textes :

Art. L.1222-9 III C. trav. : « Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. » 

Art. L.3262-1 C. trav. : définition du titre-restaurant comme titre spécial de paiement remis par l’employeur pour le repas. 

Art. R.3262-7 C. trav. : un titre-restaurant par repas compris dans l’horaire journalier ; c’est la seule condition d’attribution retenue par la Cour. 

Combinaison L.1222-9 III + L.3262-1 + R.3262-7 ⇒ l’employeur ne peut refuser l’octroi des titres-restaurant au seul motif que l’activité est en télétravail. 

Application : le CPH ayant constaté que l’avantage « titres-restaurant » était accordé aux salariés, il ne pouvait être supprimé pour les télétravailleurs ; la décision est légalement justifiée.

Sur l’ultra petita : la Cour constate une erreur matérielle réparable sur le fondement de l’art. 462 CPC et rectifie elle-même le dispositif (1 700,88 €). 

Solution retenue

Pourvoi rejeté ; rectification du jugement (montant) ; condamnation de l’employeur aux dépens et 3 000 € au titre de l’art. 700 CPC. 

3. Références juridiques 

3.1 Jurisprudence (avec 5 éléments + lien officiel)

Cass. soc., 8 oct. 2025, n° 24-12.373, FS-B, Rejet — Chambre sociale — Publié au Bulletin — ECLI:FR:CCASS:2025:SO00919. 

CE, 7 juill. 2022, n° 444809, 1re-4e ch. réunies — Fonction publique : refus de titres-restaurant en télétravail annulé (principe transposable quant à la logique du droit au repas). 

CA Caen, 5 déc. 2024, n° 23/01069 — Ordonne l’attribution de titres-restaurant à l’ensemble des salariés, y compris en télétravail (pré-contentieux privé). 

Cass. soc., 4 juin 2025, n° 23-21.051 — Contentieux CSE lié à la privation de titres-restaurant pendant le télétravail : la Cour valide la démarche de régularisation ordonnée (intérêt procédural). 

Cass. soc., 4 juin 2025, n° 23-22.856 — Appréciations relatives aux frais de restauration et télétravail dans le cadre d’accords collectifs (utilité pour le périmètre de négociation). 

Cass. soc., 24 avr. 2024, n° 22-13.365 (ex. Enedis — indemnité de cantine fermée Covid) : même si l’objet diffère (indemnité vs tickets), la Cour rappelle l’exigence de cohérence des avantages restauration. 

3.2 Textes légaux 

C. trav., art. L.1222-9, III : « Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise. » — Version en vigueur en 2025. 

C. trav., art. L.3262-1 : « Le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas… » — Version en vigueur depuis 01/01/2018. 

C. trav., art. R.3262-7 : « Un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier. » — Version en vigueur depuis 02/04/2014 (rubrique réglementaire maintenue).

4.  Analyse juridique approfondie

Décryptage du raisonnement

La Cour articule trois normes : le principe d’égalité de droits du télétravailleur (L.1222-9 III), la finalité du titre-restaurant (L.3262-1) et la condition d’octroi (R.3262-7 : présence d’un repas dans l’horaire journalier). Ainsi, dès lors qu’un salarié travaille sur une journée comportant un repas inclus dans son horaire, il ouvre droit à un titre-restaurant, quelle que soit la localisation (site / domicile). Le motif unique « télétravail » est juridiquement inopérant pour refuser l’avantage. 

Comparaison avec l’antériorité

Avant 2025, la matière était évolutive :

Secteur public : le CE (7 juill. 2022) a consacré l’accès aux titres-restaurant en télétravail (analyse transposable par analogie fonctionnelle : droit au repas lié à l’horaire, non au lieu). Légifrance

Juridictions du fond & contentieux collectifs (2023-2025) : plusieurs décisions (CA, Cass. soc.) ont préfiguré la solution, en censurant des privations généralisées en télétravail ou en validant des mesures de régularisation via CSE / accords. 

Apport de l’arrêt du 8 oct. 2025 : il stabilise la règle au niveau de principe en Chambre sociale, formation de section, publié au Bulletin : l’égalité de droits pour le télétravailleur interdit le retrait de titres-restaurant par principe, la seule clef restant l’horaire journalier. C’est un jalon structurant pour la pratique RH et la négociation collective. Légifrance

Effets pratiques

Employeurs : mettre à jour chartes télétravail / accords ; aligner les règles d’attribution des titres-restaurant sur un critère objectif (repas dans l’horaire), sans discrimination de lieu. Exemples d’accords déjà conformes (clauses égalité télétravail/présentiel). 
Paie / URSSAF : conserver les contrôles usuels (plafonds, conditions d’utilisation, valeur libératoire) sans introduire de restriction “télétravail”. (Pour mémoire : cadre réglementaire R.3262-1 s. et évolutions connexes comme le plafond d’utilisation). 

5. Critique de la décision

Analyse : l’arrêt clarifie une controverse née pendant et après le Covid (pratiques hétérogènes d’entreprises). La hiérarchie des normes retient le code et l’égalité de droits, reléguant les restrictions internes.

Synthèse : critère-clé = repas dans l’horaire journalier, indifférent au lieu d’exécution.

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