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1. Résumé succinct
Parties : M. [C] [M] (salarié, chef monteur) c/ France Télévisions (SA) et Centreville (SAS).
Juridiction : Cour de cassation, chambre sociale – formation de section, 8 octobre 2025, n° 24-16.500 (principal) et pourvoi incident FTV ; arrêt n° 936 FS-B ; Publié au Bulletin ;
Nature du litige : requalification de CDD d’usage en CDI, ancienneté, effets d’une transaction signée en 2009 sur la portée temporelle de la requalification ; prescription des demandes contre Centreville.
Effet direct sur la pratique/jurisprudence : confirmation qu’une transaction “mettant fin à tout litige né ou à naître” peut limiter dans le temps les effets rétroactifs de la requalification : l’ancienneté issue de la requalification ne remonte pas au-delà du premier CDD conclu après la transaction, lorsque le salarié n’a pas travaillé pour l’employeur entre la transaction et la reprise des CDD.
2. Analyse détaillée
Les faits
01.12.2000 : Début de collaborations en CDD d’usage comme chef monteur avec Centreville et France Télévisions.
10.07.2009 : Transaction signée entre le salarié et France Télévisions ; objet : “mettre fin à tout litige né ou à naître” ; les parties se déclarent remplies de l’intégralité de leurs droits à cette date. Aucune prestation pour FTV entre juil. 2009 et févr. 2014.
11.09.2016 : Terme du dernier CDD avec Centreville. 17.08.2017 : Terme du dernier CDD avec FTV.
11.09.2018 : Saisine prud’homale : requalification des CDD (contre les deux sociétés), rappels et indemnités (exécution/rupture).
La procédure
CA Paris (Pôle 6 ch. 3), 24.05.2023 (RG 20/01174) :
Centreville : les demandes liées à la requalification et ses conséquences jugées prescrites ; omission de statuer dans le dispositif relevée par la Cour de cassation (réparable via CPC art. 463).
FTV : requalification en CDI à temps partiel à compter du 17.02.2014 (1er CDD post-transaction du 10.07.2009) ; salaires/indemnités fixés en conséquence.
Cassation (08.10.2025) :
Pourvoi incident FTV : non spécialement motivé (CPC art. 1014, al. 2).
Pourvoi principal (salarié) :
Moyen 1 (Centreville) : irrecevable (l’attaque vise une omission de statuer réparable par CPC art. 463, non une violation de loi).
Moyen 2 (FTV) : rejeté ; la transaction de 2009 limite les effets de la requalification : l’ancienneté ne remonte qu’au 17.02.2014, date du premier CDD après transaction, compte tenu de l’absence totale de travail entre 2009 et 2014.
Contenu de la décision
Arguments
Salarié : la requalification doit, par principe, faire remonter l’ancienneté au premier CDD irrégulier (art. L.1245-1 ancien ; L.1242-1 ; 2044 s. C. civ.), une transaction ne pouvant priver de cet effet.
FTV : la transaction (10.07.2009) a soldé tout litige né ou à naître ; absence de travail 2009-2014 ; l’effet rétroactif est cantonné au premier CDD post-transaction.
Raisonnement de la Cour
Constatant (i) l’objet de fin de tout litige du protocole, (ii) la déclaration de droits intégralement soldés à la date de la transaction, et (iii) l’absence de prestations entre 2009 et 2014,
la Cour approuve la CA : les effets de la requalification contre FTV ne remontent pas avant le 17.02.2014.
Sur Centreville : le grief du salarié vise en réalité une omission de statuer (à réparer selon CPC art. 463), de sorte que le moyen est irrecevable devant la Cour de cassation.
Solution
Rejet des pourvois principal et incident ; dépens laissés à chaque partie ; art. 700 CPC rejeté.
3. Références juridiques
Décision commentée :
Cass. soc., 8 oct. 2025, n° 24-16.500, FS-B (France Télévisions / Centreville) – Publié au Bulletin.
Principe de rétroactivité “au premier CDD irrégulier” (rappel) :
Cass. soc., 25 mai 2022, n° 20-16.554 – L.1245-1 : la requalification remonte à la date du 1er CDD irrégulier (règle de principe).
Prescription requalification (point de départ) :
Cass. soc., 29 janv. 2020, n° 18-15.359, Publié au Bulletin – le délai court au terme du CDD (ou du dernier en cas de succession) quand le moyen vise le motif du recours ; l’ancienneté remonte au premier CDD irrégulier si la requalification est reconnue.
CDD d’usage / France Télévisions – temps partiel :
Cass. soc., 7 sept. 2017, n° 16-16.643, Publié au Bulletin – articulation requalification CDD→CDI et temps partiel/temps plein.
Transaction en droit du travail (contexte, portée – illustration)** :
Ex. sur l’effet et la validité des transactions (autres espèces) : Cass. soc., 3 nov. 2016, n° 14-26.079 (portée d’une transaction ;
3.2 Textes légaux
C. trav., art. L.1245-1 (anc.) – Effets de la requalification (“le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un CDD irrégulier”).
C. trav., art. L.1242-1 – CDD ne peut pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente.
C. trav., art. L.1471-1 – Prescription biennale des actions portant sur l’exécution/rupture. L
CPC, art. 1014, al. 2 – Rejet non spécialement motivé. Lien (repris dans l’arrêt 2025)
CPC, art. 463 – Omission de statuer (réparation par la juridiction qui a rendu la décision).
4. Analyse juridique approfondie
Clé de voûte
Règle-principe (jurisprudence constante) : la requalification CDD→CDI produit effet depuis le 1er CDD irrégulier (ancienneté, indemnités).
Tempérament dégagé par l’arrêt 2025 : lorsqu’une transaction antérieure a soldé tout litige et que le salarié n’a exécuté aucune prestation entre la transaction et la reprise des CDD, l’effet rétroactif est borné : l’ancienneté attachée au CDI débute au 1er CDD post-transaction.
Cohérence avec l’édifice antérieur
La Cour ne renie pas le principe (L.1245-1) ; elle opère une conciliation entre l’autorité de la transaction (art. 2044 s. C. civ.) et l’effet rétroactif de la requalification.
Conditions pratiques à réunir pour ce tempérament : (i) une transaction valide au sens du code civil, (ii) un objet clair (“tout litige né ou à naître”), (iii) aucune exécution de travail entre la transaction et la reprise de relation, (iv) requalification prononcée pour une période postérieure à la transaction. Ici, ces éléments sont caractérisés.
Incidences opérationnelles
Employeurs (notamment médias/audiovisuel/CDDU) : sécuriser les transactions par une formule large et un apurement des droits, veiller à l’absence de prestations ultérieures jusqu’à un nouveau cycle contractuel.
Salariés : l’argument “ancienneté depuis le 1er CDD irrégulier” reste opérant hors présence d’une transaction intercalée répondant aux critères ci-dessus. En présence d’une transaction, viser l’invalidité (ex. vice du consentement, objet illicite) pour espérer recouvrer l’effet rétroactif intégral. (Pour la validité/portée de transactions dans d’autres contextes : v. Cass. soc., 3 nov. 2016).
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos pratiques CDD/CDDU et vos transactions (formules, périmètre, risques).
Sécuriser vos contentieux en cours (arguments de validité/invalidité de transaction, ancienneté, indemnités calculées post-transaction).
Former vos équipes RH à la prescription en matière de requalification et à la gestion des périodes interstitielles (temps partiel/temps plein).
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