Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
Du lundi au vendredi de 9h30 à 18h.
Uniquement sur rendez-vous.
1. Résumé succinct
Parties : Mme [Y] [S] (salariée) c/ SAS Nalco France (employeur).
Juridiction : Cour de cassation, chambre sociale (formation de section), 27 mai 2025, n° 23-23.549, cassation partielle (publication au Bulletin).
Nature du litige : licenciement d’une salariée enceinte – application de l’article L. 1225-4 du code du travail (protection maternité) – impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse – obligation de sécurité / RPS (risques psychosociaux).
Effet direct :
Confirme qu’un risque psychosocial avéré, combiné à un refus par la salariée d’un poste équivalent, peut caractériser l’impossibilité de maintenir le contrat au sens de L. 1225-4 (donc licenciement non nul, hors périodes de suspension).
Casse partiellement l’arrêt d’appel pour avoir rejeté la demande de dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité, pour dénaturation d’une pièce (courrier de 2012) et contradiction de motifs au regard de l’article 455 CPC. Légifrance
2. Analyse détaillée
Les faits
11 déc. 2005 : embauche de Mme [S] comme ingénieur (Nalco France).
Arrêts maladie / deux congés maternité / congé parental.
1er juil. 2016 : reprise ; 6 juil.–7 oct. 2016 : nouvel arrêt maladie.
À la reprise : « apte » mais dispensée d’activité dans l’attente du rapport CHSCT saisi en juin 2016 par neuf salariés de l’équipe (dégradation des conditions de travail / RPS liés au retour de Mme [S]).
16 nov. 2016 : rapport CHSCT concluant à des RPS graves en cas de maintien de Mme [S] à son poste (pour l’équipe et pour elle-même).
28 déc. 2016 : inspection du travail : forte inquiétude de l’équipe ; improbable retour sur l’ancien poste ; danger pour l’intéressée ; invitation à proposer une affectation préservant sa santé.
24 févr. 2017 : proposition d’un poste équivalent dans un autre établissement ; refus par la salariée le 9 mars 2017.
17 mars 2017 : convocation à entretien préalable (28 mars) ; information de grossesse donnée à l’employeur pendant l’entretien.
24 avr. 2017 : licenciement pour impossibilité de maintenir le contrat.
La procédure
CA Aix-en-Provence, 20 oct. 2023 (ch. 4-2) : valide le licenciement (pas de nullité) et déboute la salariée de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.
Pourvoi de Mme [S].
Cass. soc., 27 mai 2025 : cassation partielle (sur l’obligation de sécurité et dépens/700 CPC) ; rejet pour le surplus (nullité de licenciement). Renvoi devant CA Aix-en-Provence autrement composée.
Contenu de la décision
Arguments des parties (extraits du moyen)
Salariée : en période de protection (grossesse), hors faute grave, l’employeur ne peut invoquer l’« impossibilité de maintenir » que par des circonstances indépendantes de son comportement ; le « blocage d’équipe » et le refus de mutation ne suffisent pas.
Employeur : obligation de sécurité et de prévention des RPS ; maintien sur le poste dangereux pour l’équipe et pour la salariée ; une solution équivalente a été proposée et refusée.
Raisonnement de la Cour
Sur la nullité du licenciement (L. 1225-4 C. trav.)
Rappel du texte : l’employeur peut rompre le contrat d’une salariée enceinte s’il justifie soit d’une faute grave non liée à l’état de grossesse, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse/accouchement.
Constatations souveraines de la CA : RPS graves en cas de maintien au poste ; proposition d’un poste équivalent refusée ; décision de licencier non liée à la grossesse.
Solution : pas de nullité – la CA a exactement décidé que l’employeur était dans l’impossibilité de maintenir le contrat.
Sur l’obligation de sécurité
Dénaturation : la CA a omis une lettre du 23 juil. 2012 de l’employeur répondant à un signalement des délégués du personnel, alors versée aux débats ; violation de l’obligation de ne pas dénaturer un écrit soumis au juge.
Contradiction de motifs (art. 455 CPC) : la CA constate que les reprises ont dégradé l’état de santé de la salariée (arrêts, inaptitudes), tout en niant tout lien entre santé et conditions de travail/RPS ; contradiction équivalant à défaut de motifs.
Dispositif : cassation partielle ; renvoi pour réexaminer la demande de dommages-intérêts au titre de l’obligation de sécurité.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Cass. soc., 27 mai 2025, n° 23-23.549 (FS-B) – Impossibilité de maintenir le contrat (RPS) + cassation partielle sur sécurité/455 CPC
Cass. soc., 12 févr. 2025, n° 23-22.310 (FS-B) – Protection maternité (autorité signataire / nullité)
Cass. soc., 4 oct. 2023, n° 21-21.059 – Protection de la salariée enceinte / portée de L. 1225-4
Cass. soc., 3 nov. 2016, n° 15-15.333 (Bull.) – Nullité du licenciement si la lettre ne vise pas un motif limitatif de L. 1225-4 –
Cass. soc., 8 juil. 2015, n° 14-15.979 (Bull.) – Articulation avec congés payés immédiatement après maternité – Lien Légifrance :
Cass. soc., 6 oct. 2010, n° 08-70.109 – Rappel des conditions strictes de rupture pendant la protection
Cass. soc., 1er déc. 2021, n° 19-25.715 – Obligation de sécurité et impossibilité de réintégration (salarié protégé) : raisonnement transposable sur la prévention des RPS
3.2 Textes légaux
Code du travail, art. L. 1225-4 (version applicable au 24 avril 2017, date du licenciement) :
« Aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté […] Toutefois, l'employeur peut rompre le contrat s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l'accouchement. »
Code de procédure civile, art. 455 (motivation – contradiction de motifs) :
« Le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. […] Il doit être motivé. »
4. Analyse juridique approfondie
Portée de l’arrêt 27 mai 2025 (n° 23-23.549)
Protection maternité : la Cour ne restreint pas la protection ; elle applique strictement L. 1225-4 : hors suspension et hors faute grave, il faut un motif étranger et une véritable impossibilité de maintenir le contrat. Ici, l’impossibilité est objectivée par un rapport CHSCT, un avis de l’inspection du travail et la proposition d’un poste équivalent refusée.
Obligation de sécurité – RPS : l’arrêt érige les RPS en critère déterminant quand ils rendent dangereux le maintien au poste pour l’équipe et la salariée. Cette lecture s’inscrit dans la jurisprudence sécurité-santé (exigence accrue de prévention) et rappelle la ligne Soc. 1er déc. 2021 sur l’impossibilité de réintégration face à des risques sérieux dénoncés par les équipes.
Méthode de contrôle : la Cour valide in concreto le raisonnement de la CA pour la nullité, mais censure le volet sécurité pour vice de motivation (art. 455) et dénaturation :
– omission d’une pièce déterminante (lettre du 23.07.2012) ;
– contradiction entre des constatations de dégradation de santé liée aux reprises et la négation d’un lien avec le travail.
Comparaison avec la jurisprudence antérieure
Soc., 3 nov. 2016, n° 15-15.333 : la lettre de licenciement doit viser un des deux motifs limitatifs de L. 1225-4, à défaut nullité. L’arrêt 2025 confirme l’exigence, mais admet la preuve d’une impossibilité fondée sur les RPS.
Soc., 8 juil. 2015, n° 14-15.979 : précision du champ temporel de protection (congés payés accolés). 2025 s’inscrit dans la chronologie de protection, mais statue hors suspension.
Soc., 6 oct. 2010, n° 08-70.109 & décisions 2010–2017 : rappellent le caractère d’exception de l’impossibilité. 2025 élargit les situations factuelles admises (RPS documentés), sans affaiblir l’exigence probatoire.
Soc., 12 févr. 2025, n° 23-22.310 : l’arrêt récent renforce aussi la rigueur procédurale (autorité signataire / nullité). Ensemble, 2025 (févr. & mai) composent un diptyque : rigueur procédurale + appréciation concrète de l’impossibilité.
Sécurité/RPS : la cohérence avec Soc., 1er déc. 2021, n° 19-25.715 (sécurité, impossibilité de réintégration) est manifeste : la prévention des risques prime quand le collectif est exposé.
Conclusion de portée : l’arrêt 2025 authentifie la prévention des RPS comme fondement légitime de l’« impossibilité de maintenir » au sens de L. 1225-4, à condition d’être prouvée (enquêtes, autorités, tentatives raisonnables d’aménagement / mutation équivalente).
5. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut vous assister pour :
Auditer vos procédures internes de prévention des RPS et votre documentation (enquêtes, traçabilité CHSCT/CSE, consultations médecine du travail).
Sécuriser les décisions de mutation/reclassement (équivalence, périmètre contractuel) et la rédaction des lettres de licenciement au regard de L. 1225-4.
Plaider vos dossiers (prud’hommes / appel / cassation) sur nullité, impossibilité de maintien, manquement à l’obligation de sécurité et motivation (art. 455 CPC).
Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit du travail