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Résumé succinct
Parties : Société Enter Air (requérante) / Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) / Premier ministre (observations).
Juridiction & date : Conseil constitutionnel, QPC, 10 octobre 2025, n° 2025-1171 QPC.
Nature du litige : conformité à la Constitution de l’article L. 6361-14 du code des transports (version loi n° 2018-699 du 3 août 2018) en ce qu’il n’imposait pas d’information sur le droit de se taire dans la procédure de sanction ACNUSA.
Effet direct : censure des mots
– « et l’invite à présenter ses observations écrites » (5ᵉ alinéa),
– « et, le cas échéant, la personne concernée ou son représentant » (8ᵉ alinéa).
Abrogation différée au 1ᵉʳ octobre 2026 + obligation immédiate d’informer du droit de se taire dans les procédures ACNUSA en cours et à venir ; invocabilité dans les instances introduites à la date de la publication et non jugées définitivement.
Analyse détaillée
Les faits
9 mai 2023 : ACNUSA inflige quatre amendes (76 000 €) à Enter Air (procédure ACNUSA fondée sur L. 6361-12 et L. 6361-14).
29 avr. 2025 : le TA de Paris transmet au CE plusieurs QPC (art. 23-2 ord. 1958).
10 juil. 2025 : Conseil d’État, n° 503940, renvoie au Conseil constitutionnel la QPC sur L. 6361-14 (information préalable du droit de se taire).
30 sept. 2025 : audience publique au Conseil constitutionnel.
10 oct. 2025 : décision n° 2025-1171 QPC publiée (JORF 11 oct. 2025).
La procédure
Instance au fond : recours Enter Air devant TA Paris contre sanctions ACNUSA. QPC soulevée devant le TA.
Renvoi CE : décision CE, 10 juill. 2025, n° 503940 (renvoi de la 1ʳᵉ QPC sur L. 6361-14).
QPC : enregistrement sous n° 2025-1171 QPC – observations des parties et du Premier ministre – audience du 30 sept. 2025 – décision du 10 oct. 2025.
Contenu de la décision
Arguments
Société Enter Air : absence d’information sur le droit de se taire alors que les observations écrites et déclarations devant le collège peuvent être utilisées à charge ⇒ méconnaissance de l’article 9 DDHC (présomption d’innocence / nemo tenetur).
ACNUSA / Premier ministre : (positions débattues à l’audience) – rappel du cadre légal, du caractère contradictoire ; contestation du grief (dossier).
Raisonnement
Le principe « nul n’est tenu de s’accuser » et le droit de se taire découlent de l’article 9 DDHC et s’appliquent à toute sanction ayant le caractère d’une punition, y compris devant une AAI.
Le dispositif ACNUSA (L. 6361-14) prévoit l’invitation à présenter des observations écrites et l’audition devant le collège, sans information du droit de se taire. Cette lacune est de nature à faire croire à la personne qu’elle doit répondre et à permettre que ses déclarations soient retenues à charge. ⇒ Inconstitutionnalité.
Effets (art. 62 C°) :
Abrogation différée au 1ᵉʳ octobre 2026 pour éviter de priver la personne de la possibilité d’être entendue/présenter des observations.
Mesure transitoire immédiate : obligation d’informer du droit de se taire dès la publication de la décision, jusqu’à intervention de la loi nouvelle ou jusqu’à l’abrogation.
Invocabilité dans les instances introduites à la date de publication et non définitivement jugées.
Solution
Censure des segments du 5ᵉ et 8ᵉ alinéas de L. 6361-14 (dans la version loi n° 2018-699). Report d’abrogation + injonction procédurale immédiate (notification du droit de se taire).
Références juridiques
Textes visés / applicables
Code des transports, art. L. 6361-14 – version 6 août 2018 (loi n° 2018-699) (disposition censurée)
Code des transports, art. L. 6361-9 (pouvoir de sanction ACNUSA).
Loi n° 2018-699 du 3 août 2018 (modification de L. 6361-14).
Décision commentée : Cons. const., 10 oct. 2025, n° 2025-1171 QPC .
Décision de renvoi : CE, 10 juill. 2025, n° 503940 (renvoi QPC).
Jurisprudence antérieure pertinente (construction du « droit de se taire » hors pénal)
Cons. const., 8 déc. 2023, n° 2023-1074 QPC (discipline notariale – consécration inédite du droit de se taire pour les procédures disciplinaires à caractère punitif).
Cons. const., 26 juin 2024, n° 2024-1097 QPC (magistrats – information du droit de se taire lors des auditions).
Cons. const., 4 oct. 2024, n° 2024-1105 QPC (agents publics – extension confirmée).
Cons. const., 18 oct. 2024, n° 2024-1108 QPC (magistrats / CSM – défaut d’information du droit de se taire déclaré inconstitutionnel).
Antériorité ACNUSA : Cons. const., 24 nov. 2017, n° 2017-675 QPC (Société Queen Air) – censure partielle de L. 6361-14 pour atteinte au principe d’impartialité de la procédure de sanction (séparation poursuite/jugement).
Analyse juridique approfondie
1) Portée de la décision Enter Air (2025-1171 QPC)
La décision généralise aux procédures ACNUSA l’exigence, désormais constante, d’information explicite du droit de se taire à deux moments clés :
(i) après notification du dossier d’instruction (observations écrites),
(ii) lors de la comparution devant le collège.
Cette exigence s’appuie sur l’article 9 DDHC et la qualification de sanction ayant le caractère d’une punition (constante depuis 2023). Elle sécurise la loyauté du contradictoire en empêchant l’auto-incrimination involontaire.
2) Articulation avec la jurisprudence antérieure
2023-1074 QPC : point de départ – le droit de se taire, jusque-là cantonné au pénal, devient une garantie constitutionnelle pour toute procédure répressive, y compris disciplinaire.
2024-1097 / 1105 / 1108 QPC : stabilisation de la règle – obligation d’information à l’audition et lors de la comparution devant l’organe disciplinaire (magistrats, agents publics).
2017-675 QPC (ACNUSA) : cette affaire traitait l’impartialité structurelle d’ACNUSA (séparation poursuite/jugement), aboutissant déjà à une réécriture de L. 6361-14 (abrogation différée au 30 juin 2018). Enter Air 2025 complète cet édifice en ajoutant la garantie du droit de se taire au cœur de la procédure ACNUSA.
3) Effets pratiques et gouvernance des AAI
Transitoire immédiat : toute convocation / notification ACNUSA doit mentionner clairement le droit de se taire (modèle d’avertissement à insérer). Les auditions doivent commencer par ce rappel.
Compliance : mise à jour des modèles de PV, courriers de rapporteurs permanents, convocations au collège, et Règlement intérieur d’ACNUSA (et par analogie, vigilance pour les autres AAI à pouvoir de sanction).
Contentieux : invocabilité pour les instances introduites à la date de publication et non jugées définitivement ; attention à l’abrogation différée au 1ᵉʳ oct. 2026.
Critique de la décision
Recherche juridique : textes applicables (C. transp. L. 6361-14, L. 6361-9), loi 2018-699 ; décision CE de renvoi (n° 503940) ; décision CC 2025-1171 ; antériorités CC 2017-675, 2023-1074, 2024-1097, 1105, 1108.
Analyse : cohérence d’ensemble – le Conseil constitutionnel unifie le régime du droit de se taire devant les AAI ; pour ACNUSA, il parachève la mise en conformité ouverte en 2017 (impartialité) par l’ajout d’une garantie procédurale essentielle.
Documentation : tous les liens fournis sont officiels (Conseil constitutionnel / Légifrance). Les contenus doctrinaux éventuels n’ont pas été utilisés comme preuves, seulement pour contexte (exclus du présent relevé).
Éventuelles limites : en l’absence de texte législatif immédiat, la mesure transitoire repose sur une obligation jurisprudentielle ; une révision législative avant le 1ᵉʳ oct. 2026 est souhaitable pour sécuriser définitivement la procédure.
Décision commentée : Cons. const., 10 oct. 2025, n° 2025-1171 QPC
Renvoi : CE, 10 juill. 2025, n° 503940
Texte codifié visé : C. transp., art. L. 6361-14 (version 6 août 2018)
Pouvoir de sanction : C. transp., art. L. 6361-9
Loi de modification : loi n° 2018-699 du 3 août 2018
Antériorité ACNUSA : Cons. const., 24 nov. 2017, n° 2017-675 QPC (Queen Air) – ✅ (page CC + PDF ; page Légifrance « Cons. ») .
Ligne « droit de se taire » :
– Cons. const., 8 déc. 2023, n° 2023-1074 QPC
– Cons. const., 26 juin 2024, n° 2024-1097 QPC
– Cons. const., 4 oct. 2024, n° 2024-1105 QPC
– Cons. const., 18 oct. 2024, n° 2024-1108 QPC
Comparaison et impacts pratiques (copropriété des garanties)
La décision Enter Air s’insère dans un bloc homogène : toute autorité (juridictionnelle ou administrative indépendante) prononçant une sanction punitive doit informer la personne poursuivie de son droit de se taire, à l’écrit (observations) et à l’oral (comparution/audition).
Pour les praticiens :
Vérifier que toute notification ACNUSA/AAI contient la formule « Vous avez le droit de vous taire ».
À défaut, soulever l’inconstitutionnalité par voie d’exception (invocabilité dans les instances introduites et pendantes).
Contrôler les PV et comptes rendus d’audition : toute déclaration obtenue sans information préalable est viciée au regard de l’art. 9 DDHC.
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