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Responsabilité du fabricant : prescription et Mediator – arrêt du 4 juin 2025

Le 17 juin 2025
Responsabilité du fabricant : prescription et Mediator – arrêt du 4 juin 2025
responsabilité du fait des produits défectueux – prescription décennale – directive 85/374/CEE – Mediator – Servier – consolidation du dommage – Cour de cassation – jurisprudence 2025 – responsabilité extracontractuelle – droit de la santé

1. Résumé succinct

Contexte

Par cet arrêt du 4 juin 2025 (Cass. civ. 1re, n° 24-13.470, publié au Bulletin), la Cour de cassation casse un arrêt de la cour d’appel de Lyon ayant jugé prescrite l’action en responsabilité civile extracontractuelle engagée par les ayants droit d’une victime décédée en 1997 à la suite de la prise de Mediator.

Impact principal

La Cour réaffirme que, pour les produits mis en circulation entre le délai de transposition de la directive 85/374/CEE (juillet 1988) et l'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, la prescription décennale court à compter du moment où le demandeur a connaissance du dommage consolidé, du défaut du produit et de l'identité du producteur, et non à la seule date du décès ou de la survenance du dommage.


2. Analyse détaillée

Les faits

Mme [K] [E] a été traitée au Mediator de 1992 à 1997. Elle est décédée le 23 juillet 1997. En 2012, ses ayants droit ont saisi l’ONIAM pour indemnisation, estimant que le médicament était à l’origine du décès. L’ONIAM ayant écarté tout lien de causalité, les consorts [E] ont assigné les laboratoires Servier en 2022 devant le juge des référés.

La procédure

2012 : saisine de l’ONIAM
2022 : assignation en référé pour expertise et provision (CPC, art. 145 et 835)
Cour d’appel de Lyon (10 janv. 2024) : rejet de la demande, prescription acquise au 23 juillet 2007.
Pourvoi en cassation : pour violation de l’interprétation conforme de l’art. 2270-1 C. civ.


Contenu de la décision

Arguments des parties

Demandeurs (les consorts [E]) : prescription à interpréter à la lumière de l’article 10 de la directive 85/374/CEE ; point de départ fixé à la date de connaissance du défaut du produit (2009), et non à la date du décès (1997).
Défenderesse (Servier) : prescription acquise en 2007, soit dix ans après le décès.

Raisonnement de la Cour
Interprétation combinée : application de l’article 2270-1 C. civ. interprété à la lumière de la directive.
Jurisprudence constante (CJUE, C-212/04 Adeneler, C-268/06 Impact, C-573/17 Poplawski).
La prescription ne court qu’à partir du moment où le demandeur connaît le dommage consolidé, le défaut du produit et l’identité du producteur.

Solution retenue

La Cour casse l’arrêt d’appel, jugeant qu’en fixant le point de départ à 1997 sans tenir compte de la connaissance postérieure du défaut (2009), la cour d’appel a violé les textes.


3. Références et articles juridiques
Références jurisprudentielles
Cass. civ. 1re, 4 juin 2025, n° 24-13.470, publié au Bulletin.

CJUE :

Adeneler, 4 juill. 2006, C-212/04
Impact, 15 avr. 2008, C-268/06
Poplawski, 24 juin 2019, C-573/17
Cass. 1re civ., 27 oct. 1982, n° 81-14.386
Cass. 2e civ., 22 mars 2005, n° 03-30.551
Cass. 1re civ., 19 févr. 2002, n° 99-10.597


Textes juridiques

Article 2270-1 ancien du code civil (abrogé par la loi n° 2008-561) :
« Les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. »

Article 10 de la directive 85/374/CEE :
« L’action en réparation prévue par la présente directive se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l’identité du producteur. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour s’inscrit dans la logique de l’interprétation conforme du droit national au droit de l’UE, en particulier lorsque le produit a été mis en circulation dans un vide juridique (post-transposition, pré-transposition en droit interne). Elle combine l’article 2270-1 ancien du Code civil avec l’article 10 de la directive 85/374/CEE.

Conséquences juridiques

Sécurisation du recours des victimes : reconnaissance du fait que l’ignorance du caractère défectueux du produit ou de son lien causal empêche le déclenchement de la prescription.
Clarification du régime transitoire entre la directive et sa transposition.
Impact considérable sur les litiges liés aux médicaments mis sur le marché dans les années 1990.

5. Critique des sources et de la décision

Le raisonnement de la Cour est rigoureux et conforme aux canons de l’interprétation conforme, sans aller contra legem.

La Cour casse logiquement l’arrêt qui ignorait le décalage entre la survenance du dommage et la connaissance du défaut.

6. Accompagnement juridique
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