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Prescription interrompue : quand plusieurs actions visent le même but en assurance

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Prescription interrompue : quand plusieurs actions visent le même but en assurance
prescription assurance – interruption de prescription – article 2241 code civil – capital invalidité – indemnités journalières complémentaires – rente d’invalidité – sinistre assurance – Cour de cassation 2025 – Allianz – prévoyance – action en justice –

1. Résumé succinct

Contexte : Mme [X], artisan indépendante, avait souscrit un contrat de prévoyance auprès d’Allianz Vie et Allianz IARD. Après un accident en mars 2013, elle engage une action en paiement d’une rente d’invalidité. Ce n’est qu’en appel qu’elle demande le versement d’un capital invalidité et d’indemnités journalières complémentaires. Ces demandes sont déclarées prescrites par la cour d’appel de Paris (CA Paris, 15 févr. 2023, n° 21/03087).

Impact principal : La Cour de cassation juge que, dès lors que plusieurs actions tendent à un même but – l’indemnisation du même sinistre en exécution du même contrat – la prescription est valablement interrompue par la première action. Elle casse l’arrêt d’appel.

Cass. civ. 2e, 7 mai 2025, n° 23-20.113


2. Analyse détaillée

Les faits

Mme [X], peintre en lettres, souscrit en 2003 un contrat de prévoyance auprès des sociétés Allianz Vie et Allianz IARD. Victime d’un accident le 18 mars 2013, elle obtient le versement de 469 jours d’indemnités journalières jusqu’au 30 juin 2014. Allianz refuse la poursuite de la prise en charge, invoquant une clause limitative à 365 jours.

Elle obtient une expertise judiciaire (ordonnée le 25 septembre 2015), qui fixe :

La date de consolidation au 30 septembre 2014.
Une incapacité fonctionnelle de 15 %, et professionnelle de 75 %.
Mme [X] assigne l’assureur le 21 juin 2017, demandant le versement d’une rente d’invalidité permanente.

En appel, le 21 avril 2021, elle demande en sus :

le capital invalidité,
et des indemnités journalières complémentaires.

La procédure
TJ : saisi seulement pour la rente d’invalidité.
CA Paris, 15 février 2023 : rejette les demandes nouvelles en appel, jugées prescrites (article L. 114-1 C. assur.).
Pourvoi formé par Mme [X] – 3 moyens.

Contenu de la décision

Arguments des parties
Allianz : les demandes nouvelles sont irrecevables, non soumises au premier juge, et présentées hors délai biennal (art. L. 114-1 et L. 114-2 C. assur.).
Mme [X] : invoque l’interruption de prescription par la demande initiale fondée sur le même contrat et le même sinistre (art. 2241 C. civ.).

Raisonnement juridique de la Cour
La deuxième chambre civile rappelle le principe (art. 2241 C. civ.) :

« Si, en principe, l’interruption de la prescription ne s’étend pas d’une action à l’autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un seul et même but. »

Or :

les deux actions (rente + capital + IJ complémentaires), visent l’exécution du même contrat, pour le même sinistre.

Résultat : elles tendent « au même but », la prescription est interrompue par la demande initiale.

Solution retenue

Cassation partielle : uniquement sur la prescription.

Renvoi devant la CA de Paris autrement composée.


3. Références et articles juridiques

Articles cités

Article 2241 C. civ. :
La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Article L. 114-1 C. assur. :
Toutes actions dérivant d’un contrat d’assurance sont prescrites par deux ans à compter de l’événement qui y donne naissance.

Article L. 114-2 C. assur. :
La prescription peut être interrompue par une des causes ordinaires d’interruption, notamment la demande en justice…

Jurisprudences antérieures citées
Cass. soc., 15 juin 1961, n° 650, Bull. 1961, V, p. 566.
Cass. soc., 20 févr. 1975, n° 74-10.693, Bull. 1975, V, n° 83.
Cass. 2e civ., 21 janv. 2010, n° 09-10.944, Bull. 2010, II, n° 22.
Cass. soc., 22 sept. 2015, n° 14-17.895, Bull. 2015, V, n° 172.

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement dégagé

Cette décision illustre une application souple de l’article 2241 C. civ., lorsqu’il s’agit d’actions successives portant sur des obligations connexes du même contrat.

Elle consacre une logique finaliste : ce qui compte n’est pas la nature exacte de chaque prestation (rente, capital, IJ), mais le but poursuivi : l’indemnisation du sinistre garanti.

Conséquences juridiques

Clarification du champ de l’interruption de prescription : l’interruption bénéficie aux demandes fondées sur le même contrat et relatives au même fait générateur.

Évolution de la pratique contentieuse : les avocats peuvent désormais structurer leur stratégie sur une séquence procédurale progressive, sans craindre automatiquement une prescription pour les demandes nouvelles, dès lors qu’elles visent le même objet au fond.

5. Critique de la décision

Jurisprudences similaires :

Cass. 2e civ., 21 janv. 2010, n° 09-10.944 : interruption étendue aux actions connexes.
Cass. soc., 22 sept. 2015, n° 14-17.895 : sur l’identité d’objet en matière de prescription.

Critère déterminant : finalité commune de l’action (indemnisation du sinistre).
Dépasse l’approche strictement formelle fondée sur l’identité de demande.


Arrêt majeur pour les contentieux d’assurance et de prévoyance.
Utile pour protéger l’assuré contre une application trop rigide des délais.

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