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Parquet européen : contrôle juridictionnel obligatoire des citations à témoin

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Parquet européen : contrôle juridictionnel obligatoire des citations à témoin
Parquet européen – CJUE 8 avril 2025 – décision C-292/23 – contrôle juridictionnel Parquet européen – citation témoin enquête pénale – article 42 règlement 2017/1939 – article 47 Charte UE – recours effectif Union européenne – droits de la défense

1. Résumé succinct

Contexte :

L’affaire oppose le Parquet européen à deux dirigeants d’une société espagnole, I.R.O. et F.J.L.R., soupçonnés de fraude aux subventions de l’UE. Enquête ouverte à la suite d’un signalement de l’OLAF concernant des irrégularités dans les frais de personnel.

Objet du litige :

La décision des procureurs européens délégués de citer à comparaître deux témoins (Y.C. et I.M.B.) n’est pas contestable directement devant les juridictions espagnoles selon le droit national. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de cette absence de recours avec le droit de l’Union.

Impact principal :

La CJUE affirme que les décisions du Parquet européen destinées à produire des effets juridiques obligatoires à l’égard de tiers, y compris la citation de témoins, doivent pouvoir faire l’objet d’un contrôle juridictionnel effectif, au moins à titre incident, dans le respect des principes d’équivalence et d’effectivité.


2. Analyse détaillée

Les faits

I.R.O. et F.J.L.R., dirigeants d’une société bénéficiaire de subventions européennes, sont visés par une enquête ouverte à la suite d’un rapport de l’OLAF. Le parquet espagnol puis les procureurs européens délégués initient des actes de procédure, notamment la citation à comparaître de deux témoins.

La procédure

20 avril 2021 : ouverture de l’enquête nationale.
26 juillet 2022 : évocation par le Parquet européen.
2 février 2023 : citation à comparaître des témoins Y.C. et I.M.B.
7 février 2023 : recours des avocats des mis en cause devant le Parquet européen.
8 février 2023 : notification du recours à la juridiction nationale, qui introduit la demande préjudicielle.


Contenu de la décision

a. Arguments des parties

Avocats des mis en cause : l’absence de recours juridictionnel contre la citation viole le droit à un recours effectif garanti par la Charte des droits fondamentaux.
État espagnol : se fonde sur la loi organique nationale n’autorisant pas expressément ce type de recours.

b. Raisonnement juridique

Article 42, § 1 du règlement (UE) 2017/1939 : impose que les actes de procédure du Parquet européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers soient soumis au contrôle juridictionnel national.

Interprétation autonome du droit de l’Union : la notion d’« actes de procédure » est une notion autonome, non définie par le droit des États membres.

Effet juridique caractérisé : la citation de témoins peut modifier substantiellement la situation juridique d’un suspect ou d’un tiers.

Droit à un recours effectif : garanti par les articles 47 et 48 de la Charte.

c. Solution retenue

Les juridictions nationales doivent être en mesure d’assurer un contrôle juridictionnel – au moins incident – des décisions du Parquet européen produisant des effets juridiques sur les tiers, même si le droit national ne le prévoit pas expressément.

3. Références et articles juridiques

Décision analysée
CJUE, grande chambre, 8 avril 2025, aff. C‑292/23, Parquet européen c. I.R.O. et F.J.L.R.

Textes de référence
Article 42, § 1, règlement (UE) 2017/1939 :

« Les actes de procédure du Parquet européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard de tiers sont soumis au contrôle des juridictions nationales compétentes conformément aux exigences et aux procédures prévues par le droit national. »

Article 19, § 1, TUE :

« Les États membres établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union. »

Articles 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE :

Article 47 : « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif. »

Article 48 : « Tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement suivi

La Cour affirme que :

Une décision du Parquet européen de citer des témoins peut produire des effets juridiques substantiels sur la situation d’un suspect (atteinte au droit à un procès équitable, droit à l’égalité des armes, etc.).

Le droit à un recours ne suppose pas forcément une voie directe, mais un contrôle au moins incident (par exemple par la juridiction de jugement).

Le principe d’équivalence impose que si un recours est admis dans des cas similaires en droit interne, il doit l’être également pour les actes du Parquet européen.

Conséquences juridiques

Élargissement du contrôle juridictionnel des actes du Parquet européen, même dans des États membres dont la législation restreint ces voies.

Renforcement de la protection des droits procéduraux en matière de coopération pénale européenne.
Éventuelle obligation de réviser les législations nationales pour garantir l’effectivité des recours.

5. Critique de la décision

La CJUE applique ici une lecture extensive de la notion d’« acte de procédure », renforçant le champ du contrôle juridictionnel en matière de procédure pénale transfrontalière.

La décision impose aux États membres d’ouvrir des voies de recours effectives, même par voie incidente, pour toute décision du Parquet européen affectant les droits d’un suspect.

6. Accompagnement juridique

Pour toute question relative à la procédure pénale européenne ou à la protection des droits fondamentaux dans les enquêtes menées par le Parquet européen, il est recommandé de consulter un avocat expérimenté.

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