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Fraude au président : quelles obligations pour la banque en cas de virements frauduleux ?

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Fraude au président : quelles obligations pour la banque en cas de virements frauduleux ?
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Contexte
La fraude au président est une technique d’escroquerie particulièrement redoutable dans le milieu des entreprises. Un tiers usurpe l’identité du dirigeant de la société pour convaincre un salarié – souvent du service comptable – de procéder en urgence à des virements de fonds. Cette méthode de fraude soulève une question juridique centrale : la banque peut-elle être tenue responsable pour ne pas avoir détecté une anomalie apparente ?

L’arrêt Cass. com., 12 juin 2025, n° 24-10.168 apporte une réponse tranchée à cette problématique.


Cadre juridique applicable

Obligation de vigilance du banquier

L’article 1231-1 du Code civil (ancien article 1147) fonde la responsabilité contractuelle du banquier en cas de faute. La jurisprudence a progressivement forgé une obligation de vigilance à sa charge : il lui incombe de détecter les opérations présentant une anomalie apparente, et de vérifier la cohérence des opérations inhabituelles.

Cass. com., 28 mars 2006, n° 03-19.247 : obligation de s’interroger sur des mouvements suspects.
Cass. com., 5 avr. 2018, n° 16-20.018 : vigilance même en cas de mandat apparent.

Limites de l’obligation

La vigilance du banquier n’est pas une obligation de résultat ni une obligation générale de surveillance des opérations : elle est déclenchée par l’existence d’anomalies visibles ou objectivement détectables.

Application : l’arrêt du 12 juin 2025

Les faits

La société X Medical Picture a exécuté quatre virements pour un total de 384 625 € vers un compte hongrois, après avoir été trompée par de faux emails se faisant passer pour son dirigeant. Ces opérations avaient respecté les plafonds journaliers et étaient couvertes par le solde du compte.

Le grief

La société reprochait à sa banque, BNP Paribas, de ne pas avoir détecté le caractère inhabituel de ces virements (montants élevés, pays de destination rarement utilisé).

La décision
La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle considère que :

les opérations respectaient les plafonds et la couverture ;
la banque destinataire était agréée dans l’Union européenne ;
aucune anomalie objectivement apparente n’était décelable.
Elle confirme que la banque ne manque pas à son devoir de vigilance dans ce contexte.

Cass. com., 12 juin 2025, n° 24-10.168  


Comparaison avec une jurisprudence contraire
Cass. com., 2 oct. 2024, n° 23-13.282 : la Cour avait retenu un manquement au devoir de vigilance pour des virements inhabituels en montant et destination, vers un pays à risque, et hors habitudes de l’entreprise.
Dans l’affaire X Medical Picture, aucun de ces éléments n’était réuni selon les juges.


En pratique : conseils aux entreprises

Ce que la banque doit faire :

Refuser un virement manifestement anormal (montant aberrant, destinataire à risque, incohérence manifeste).

Ce qu’elle n’est pas tenue de faire :

Vérifier la pertinence commerciale ou l’authenticité d’un email reçu par le client.
Connaître l’historique détaillé des habitudes de l’entreprise.

Ce que les entreprises doivent mettre en place :

Procédures internes de double validation des virements.
Sensibilisation des salariés aux techniques de fraude.
Sécurisation des accès informatiques et des messageries.

Enjeux juridiques à venir

Cet arrêt confirme une approche objective et balisée du devoir de vigilance bancaire. Cependant, le débat reste ouvert en cas de :

répétition d’opérations atypiques,
virements vers des destinations réputées à risque,
absence totale d’historique international.

Les prochaines décisions préciseront si la Cour peut évoluer vers une appréciation plus contextuelle, à la lumière de la typologie des fraudes numériques.


Pour aller plus loin
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