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Plateformes VTC : subordination reconnue et requalification salariale confirmée

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Plateformes VTC : subordination reconnue et requalification salariale confirmée
plateforme VTC – contrat de travail – lien de subordination – concurrence déloyale – requalification salarié – arrêt Cour de cassation 25 juin 2025 – code des transports – article L. 8221-6 code du travail – salariat dissimulé – relation travail chauffeur

1. Résumé succinct

Contexte :

La société Viacab, exploitant une centrale de réservation de taxis, reprochait à la société Transopco (ex-Transcovo), plateforme de mise en relation avec des chauffeurs VTC, de commettre des actes de concurrence déloyale en ne respectant ni la législation du travail ni celle des transports.

Litige :

Viacab soutenait que Transopco exerçait une activité de transport en dissimulant une relation de subordination avec ses chauffeurs, violant ainsi l’article L. 3120-2, III, du code des transports et faussant la concurrence.

Impact :

La Cour de cassation confirme que l’organisation imposée par Transopco à ses chauffeurs révèle un lien de subordination juridique, caractérisant une relation de travail salarié, ce qui renverse la présomption d’indépendance prévue à l’article L. 8221-6 du code du travail. Elle rejette le pourvoi formé par Transopco.


2. Analyse détaillée

a. Les faits

Viacab gérait une centrale de réservation de taxis et a exploité une activité VTC entre 2011 et 2017.
Transopco, venant aux droits de Transcovo, exploite une application de mise en relation VTC-clients.
Viacab reproche à Transopco de violer la réglementation en laissant les clients voir la position des VTC avant réservation et en maintenant des relations déguisées de travail salarié avec les chauffeurs.

b. La procédure

CA Paris, 28 septembre 2023 (n° 22/01726) : La cour d’appel retient la concurrence déloyale et condamne Transopco à verser 150 000 € (75 000 € au titre de l’activité taxi, 75 000 € au titre des VTC).

Pourvoi de Transopco : Deux moyens soulevés, principalement la méconnaissance du droit du travail et une mauvaise application de l’interdiction de maraude électronique.

c. Contenu de la décision

Arguments de Transopco :

Les chauffeurs restent libres : pas d’obligation de connexion, taux d’acceptation bas, possibilité de refuser une course ou de travailler via d'autres plateformes.
L’interdiction de maraude électronique supposerait une sélection active de véhicules par le client, ce qui n’était pas le cas.

Raisonnement de la Cour :
La simple information préalable de la localisation et de la disponibilité des VTC suffit à caractériser une infraction à l’article L. 3120-2, III du code des transports, même sans choix de véhicule.

Sur le lien de subordination : la Cour valide l’analyse de la cour d’appel fondée sur :

la fixation unilatérale des tarifs par la plateforme,

l’existence d’un système de bonus conditionné à un nombre de courses dans des créneaux précis,

une procédure d’exécution de la course très encadrée,

un contrôle par géolocalisation,

la faculté de sanction via une résiliation unilatérale,

et l’interdiction de se constituer une clientèle personnelle.

Solution :

La Cour de cassation rejette le pourvoi et condamne Transopco aux dépens.

3. Références et articles juridiques
a. Décision analysée
Cass. com., 25 juin 2025, n° 23-22.430

b. Décision attaquée
CA Paris, 28 sept. 2023, n° 22/01726

c. Textes juridiques cités

Code des transports – Article L. 3120-2, III :
« Il est interdit […] d'informer un client, avant réservation préalable, de la localisation et de la disponibilité immédiate d’un véhicule situé sur la voie publique. »

Code du travail – Article L. 8221-6 :
« Les personnes immatriculées aux registres énumérés sont présumées ne pas être liées par un contrat de travail, sauf si les conditions de prestation révèlent un lien de subordination juridique permanent. »

Code du travail – Article L. 1221-1 :
« Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre sous sa subordination juridique. »

4. Analyse juridique approfondie

a. Caractérisation du lien de subordination

La jurisprudence rappelle les critères : pouvoir de direction, contrôle, sanction.
La Cour applique strictement ces critères à l’économie des plateformes : bonus, fixation des tarifs, directives opérationnelles, résiliation unilatérale.

b. Concurrence déloyale par infraction au droit du travail

En éludant les obligations sociales (charges, protection), Transopco s’est octroyé un avantage concurrentiel indu, constituant un acte de concurrence déloyale au sens du droit commercial.

c. Impact jurisprudentiel
Confirme la transversalité du droit du travail dans le numérique : les plateformes ne peuvent pas s’abriter derrière des statuts « partenaires » pour échapper aux règles du salariat.
S’inscrit dans la lignée des arrêts Uber (Cass. soc., 4 mars 2020, n° 19-13.316) et Take Eat Easy (Cass. soc., 28 nov. 2018, n° 17-20.079).

5. Critique de la décision

L’arrêt s’appuie essentiellement sur la mise en œuvre effective des directives, la dépendance économique et l’absence de liberté entrepreneuriale.

Le contentieux VTC met en lumière une tendance forte : les juridictions déjouent les montages contractuels pour apprécier la réalité économique et juridique des relations.


6. Accompagnement juridique

La SELARL PHILIPPE GONET, cabinet d’avocat expérimenté à Saint-Nazaire, peut vous accompagner pour :

Qualifier la relation de travail avec une plateforme ou un prestataire,
Défendre vos intérêts en cas de concurrence déloyale,
Anticiper les contentieux liés à l’économie numérique.

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