Vous êtes ici : Accueil > Actualités > Droit des baux commerciaux > Déplafonnement & facteurs locaux : la Cour admet la “faveur potentielle”

Déplafonnement & facteurs locaux : la Cour admet la “faveur potentielle”

Le 04 octobre 2025
Déplafonnement & facteurs locaux : la Cour admet la “faveur potentielle”
bail-commercial – déplafonnement-loyer – facteurs-locaux-de-commercialité – modification-notable – incidence-favorable – activité-effectivement-exercée – valeur-locative – L145-34 – R145-6 – Cour-de-cassation-2025 – plafonnement – période-pertinente

1. Résumé succinct
Parties
• Locataire : SARL Expo luminaires (activité : vente et exposition de luminaires)
• Mandataire/commissaire à l’exécution du plan : M. [F] [R]
• Bailleresse : SASU Diffusion des produits du bâtiment

Juridiction – chambre – date – n°
• Cour de cassation, 3e chambre civile (formation de section) – 18 septembre 2025 – n° 24-13.288 – Arrêt n° 421 FS-B – Publié au Bulletin (ECLI : FR:CCASS:2025:C300421). Cour de Cassation+1

Nature du litige
Fixation du loyer du bail renouvelé et déplafonnement fondé sur la modification notable des facteurs locaux de commercialité (art. L. 145-34 et R. 145-6 C. com.).

Effet direct sur la jurisprudence/pratiques
La 3e chambre civile consacre clairement que la modification notable des facteurs locaux de commercialité suffit à justifier le déplafonnement dès lors qu’elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité effectivement exercée par le preneur, sans exiger la preuve d’un impact effectif et mesuré sur le commerce exploité. Confirmation et formulation de principe.


2. Analyse détaillée

Les faits 

Bail commercial au profit de la SARL Expo luminaires dans des locaux appartenant à la SASU Diffusion des produits du bâtiment.

Renouvellement sollicité par la locataire ; la bailleresse accepte le principe mais demande un loyer supérieur et assigne en fixation du prix du bail renouvelé.

En cours d’instance : ouverture d’une sauvegarde, adoption d’un plan et désignation de M. [R] comme commissaire à l’exécution.

La procédure

1re instance : fixation du loyer (prétentions divergentes sur le plafonnement/déplafonnement). (Détails non publiés dans l’arrêt de cassation).

Appel : CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 25 janv. 2024 (n° 20/14692) — fixe le loyer à la valeur locative (déplafonné) en retenant une modification notable des facteurs locaux de commercialité. Cour de Cassation

Cassation antérieure : affaire déjà revenant après cassation (3e Civ., 17 sept. 2020, n° 19-19.433) — élément de contexte mentionné par l’arrêt 2025. 

Pourvoi : par la locataire et le commissaire à l’exécution du plan (n° 24-13.288).

Arrêt du 18 sept. 2025 (rejet) : la Cour confirme le déplafonnement retenu par la CA (principe).

Contenu de la décision 

Arguments des demandeurs au pourvoi
Ils soutenaient qu’une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ne peut déplafonner que si elle a une incidence effective et réelle sur l’activité exploitée ; la CA aurait violé les articles L. 145-34 et R. 145-6 en se contentant d’une simple potentialité (“de nature à”).

Raisonnement de la Cour de cassation

Principe : “Il résulte des articles L. 145-34 et R. 145-6 du code de commerce que la modification notable des facteurs locaux de commercialité constitue un motif de déplafonnement du prix du bail renouvelé si elle est de nature à avoir une incidence favorable sur l’activité commerciale effectivement exercée par le locataire, indépendamment de son incidence effective et réelle sur le commerce exploité dans les locaux.”

Conséquence : le moyen qui exigeait la preuve d’une incidence effective est non fondé.

Dispositif

Rejet du pourvoi ; dépens à la charge de la société Expo luminaires ; demandes au titre de l’art. 700 CPC rejetées.


3.Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 

Cass. civ. 3e, 18 sept. 2025, n° 24-13.288 (FS-B, Publié au Bulletin)

Cass. civ. 3e, 25 janv. 2024, n° 22-21.006 (cassation partielle) — facteurs locaux : notable + favorable à l’activité considérée ; période : bail expiré jusqu’à la date d’effet du renouvellement.

Cass. civ. 3e, 9 sept. 2021, n° 19-19.285 — modification notable des caractéristiques des locaux : motif autonome de déplafonnement (art. L. 145-33/-34).

3.2 Textes légaux 

Article L. 145-34 du code de commerce (plafonnement/déplafonnement du loyer de renouvellement – loi Pinel) — Version en vigueur : précise notamment l’exception au plafonnement et l’étalement des hausses. 
Article R. 145-6 du code de commerce (définition des facteurs locaux de commercialité et leurs modifications) — Version en vigueur (27 mars 2007). 

4. Analyse juridique approfondie

Le principe rappelé et clarifié (2025)

L’arrêt du 18 septembre 2025 érige une formule de principe : il suffit que la modification notable des facteurs locaux de commercialité soit de nature à favoriser l’activité effectivement exercée par le preneur — peu importe la preuve d’un impact chiffré/effectif sur le chiffre d’affaires ou la performance du fonds. Cette formulation décharge la preuve (et la controverse) du lien causal effectif au profit d’un lien potentiel favorable, objectivé par les éléments factuels territoriaux (transports, flux, attractivité, etc.).

Mise en perspective avec l’antériorité

Continuité avec la ligne 2011 : l’exigence d’incidence favorable existait déjà — la Cour la réaffirme, mais dissocie la faveur potentielle de l’effet mesuré (nuance importante pour la charge de la preuve). 

Éclairage 2021 (19-19.285) : pour d’autres causes de déplafonnement (ex. caractéristiques des locaux), la Cour avait admis que la modification notable suffit, sans exigence d’un bénéfice concret. L’arrêt 2025 harmonise la grille en matière de facteurs locaux, en alignant la logique sur la “potentialité favorable”.

Rappel 2024 (22-21.006) : la Cour exigeait que l’évolution des facteurs soit notable, favorable à l’activité considérée et intervienne pendant la période pertinente (bail expiré → date d’effet du nouveau bail). L’arrêt 2025 ne remet pas en cause ces balises temporelles ni l’exigence de faveur, mais écarte l’exigence d’une incidence “effective et réelle”. 

Portée pratique

Pour les bailleurs : la voix du déplafonnement s’ouvre plus facilement lorsqu’une évolution territoriale (création de pôle commercial, nouveau transport, requalification urbaine, hausse des flux) est objectivement favorable au type d’activité du preneur — sans devoir rapporter une preuve comptable d’amélioration.

Pour les preneurs : la défense se déplace sur :

Contester la “notabilité” de la modification (ampleur, durée, rayon pertinent) ;

Contester la “faveur” pour l’activité effectivement exercée (et non toute activité autorisée par la clause de destination) ;

Encadrer la période d’appréciation (du bail expiré jusqu’à la date d’effet du renouvellement).

5. Accompagnement personnalisé

La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :

• Auditer vos baux et vos dossiers de renouvellement (cartographie des facteurs locaux et de leur notabilité)

• Construire la preuve (données d’urbanisme, flux, transports, attractivité, périmètres) et les conclusions (période, activité effectivement exercée, rayon pertinent)

• Assister devant le juge des loyers commerciaux (stratégie de déplafonnement/plafonnement, expertises et contre-expertises)

Cette actualité est associée aux catégories suivantes : Droit des baux commerciaux