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1) Résumé
Décision analysée
Cass. com., formation de section, 17 septembre 2025, n° 24-12.392, publié au Bulletin, Rejet du pourvoi de M. [V] contre la Société fidexpertise (ex-SFEC), relative à la responsabilité contractuelle d’un expert-comptable pour défaut d’affiliation du client à une caisse de retraite professionnelle.
La Cour décide que le délai butoir de l’article 2232 C. civ. (20 ans) court, dans ce type d’action, à compter du fait générateur du dommage et ne méconnaît pas l’article 6 § 1 CEDH (droit d’accès au juge). Résultat : irrecevabilité des demandes portant sur la période antérieure aux 20 ans précédant l’assignation.
Effet direct sur la jurisprudence et les pratiques
– Clarification ferme (ch. com., FS-B) : 2232 C. civ. ≠ 2224 C. civ. Le point de départ du délai butoir (2232) est distinct du point de départ de la prescription quinquennale (2224). Pour l’action contre l’expert-comptable : 2232 part du fait générateur (défaut d’affiliation/cotisation) ; 2224 demeure à la révélation du dommage.
2) Analyse détaillée
Faits
11 septembre 1990 : contrat d’expertise comptable conclu par M. [V] (graphiste indépendant) avec la société aux droits de laquelle vient la Société fidexpertise.
16 février 2017 : M. [V] découvre l’absence d’affiliation à la caisse de retraite des professions libérales.
29 août 2018 : assignation de la société Fidexpertise en indemnisation.
Ces éléments ressortent expressément de l’arrêt.
Procédure
CA Orléans, 12 déc. 2023 (n° 21/00527) : application de 2232 C. civ. ; limitation des demandes indemnitaires aux 20 années précédant la saisine (période antérieure au 29 août 1998 prescrite).
Pourvoi n° 24-12.392 : un moyen, deux branches (CEDH ; point de départ du délai butoir).
Cassation (17 sept. 2025) : rejet du pourvoi ; confirmation de l’analyse de la CA quant à 2232 et article 6 CEDH.
Contenu de la décision
Arguments du demandeur au pourvoi (M. [V])
CEDH, art. 6 § 1 : l’application de 2232 (délai butoir expiré avant la découverte en 2017) porterait atteinte au droit d’accès au juge.
Calcul du délai butoir : la CA l’aurait mal fixé (devait courir de la « naissance du droit », ici date du contrat).
Réponse et raisonnement de la Cour de cassation
Sur l’article 6 § 1 CEDH : la limitation résultant des articles 2224 et 2232 C. civ. ne porte pas atteinte à la substance du droit d’accès au juge ; elle répond à un but légitime de sécurité juridique et est proportionnée.
Sur le point de départ (2232) : « Le point de départ du délai prévu à l’article 2232 C. civ., distinct de celui de l’art. 2224, court, s’agissant d’une action en responsabilité contre un expert-comptable, à compter du fait générateur du dommage. »
Conséquence : irrecevabilité des demandes antérieures aux 20 ans précédant l’assignation du 29 août 2018.
Rejet du pourvoi ; condamnation aux dépens et 3 000 € sur CPC art. 700.
3) Références juridiques
3.1 Jurisprudence citée
Cass. com., FS-B, 17 sept. 2025, n° 24-12.392
Cass., ch. mixte, 21 juill. 2023, n° 21-17.789 — Vices cachés & délai-butoir 2232 (unification)
Expose expressément la logique : 2232 = délai-butoir de droit commun, point de départ = naissance du droit (en vices cachés : vente).
Cass. 1re civ., 30 avr. 2014, n° 13-11.032 — Première mise au point post-réforme 2008 : articulation 2224/2232.
Cass. soc., 3 avr. 2019, n° 17-15.568 (FP-PB) — Affiliation retraite par l’employeur : point de départ à la liquidation des droits (solution spécifique droit du travail, non transposable à l’expert-comptable, comme le souligne le rapport Alt).
3.2 Textes légaux
C. civ., art. 2224 (version post-L. n° 2008-561 du 17 juin 2008) — « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. »
C. civ., art. 2232, al. 1er — « Le report du point de départ, la suspension ou l’interruption de la prescription ne peut avoir pour effet de porter le délai de la prescription extinctive au-delà de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit. »
4) Analyse juridique approfondie
a) Décryptage du raisonnement (Cass. com., 17 sept. 2025)
Double temporalité :
– 2224 (5 ans) protège l’accès au juge par un point de départ glissant (connaissance).
– 2232 fixe un plafond absolu (20 ans) à partir de la naissance du droit (fait générateur en responsabilité contractuelle contre l’expert-comptable).
Proportionnalité CEDH : la Cour valide la compatibilité de cet encadrement avec l’art. 6 § 1 (sécurité juridique vs. droit d’agir).
b) Mise en perspective jurisprudentielle
Unification 2023 (Ch. mixte) : en vices cachés, la Cour a consacré l’encadrement par 2232 en plus du délai spécifique (1648), avec un point de départ du butoir fixé à la vente (naissance du droit). La présente décision transpose la logique : pour l’expert-comptable, la naissance du droit = fait générateur (manquement initial).
Précisions 2025 (Com.) : la Chambre commerciale rappelle (vices cachés) : 2 ans (découverte) sans dépasser 20 ans (naissance). Cohérence avec l’arrêt du 17 sept. 2025.
Antériorités 2014 (1re civ.) : lignes directrices d’articulation 2224/2232 après la réforme de 2008.
Spécificité droit du travail (2019, Soc.) : en matière d’obligation d’affiliation par l’employeur, le point de départ peut être déplacé (liquidation des droits). La Cour commerciale écarte la transposition à l’expert-comptable (cf. rapport). Conclusion pratique : ne pas assimiler employeur et prestataire libéral.
c) Portée pratique
Pour les justiciables/entreprises : même si le dommage n’est découvert que tardivement (ex. 2017), 2232 ferme l’action 20 ans après le fait générateur.
Pour les experts-comptables : sécurisation accrue ; leur exposition n’excède pas 20 ans après le manquement initial.
Pour les avocats : en responsabilité professionnelle pré-2008/post-2008, penser art. 26 loi 2008 (transitoire) en miroir de la chambre mixte 2023 (application du butoir selon l’allongement/réduction).
5) Critique de la décision
: la solution harmonise responsabilité des professionnels avec la grille 2232 posée en 2023 (ch. mixte). Cohérence systémique (sécurité juridique).
Synthèse : trame claire 2224 (glissant) + 2232 (plafond). L’arrêt 2025 ferme la discussion sur l’extension de la solution sociale 2019 au contentieux expert-comptable (non transposable). Cour de Cassation
6) Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos dossiers « prescription vs. délai-butoir » (expert-comptable, banque, assurance, construction).
Cartographier les faits générateurs, points de départ (2224), et clauses de mission pour baliser les risques.
Concevoir les écritures procédure/irrecevabilité fondées sur 2232 (et dispositifs transitoires).
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