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Retard de l’administration fiscale : l’État condamné par le Conseil d’État

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Retard de l’administration fiscale : l’État condamné par le Conseil d’État
responsabilité-administration-fiscale-convention-franco-suisse-formulaire-83-dividendes-suisse-conseil-d-etat-remboursement-impot-double-imposition - BOFiP BOI-INT-CVB-CHE-10-20-30 : Formulaire modèle n° 83

1. Résumé succinct

Parties impliquées : M. et Mme A... B... c. État français
Juridiction : Conseil d’État – 9e et 10e chambres réunies
Date : 2 juin 2025
N° de requête : 491270
Nature du litige : Responsabilité de l’État pour retard fautif de l’administration fiscale française dans la certification du formulaire 83, ayant conduit à la forclusion d’un remboursement d’impôt anticipé suisse
Effet direct : Précision sur l'absence d'exigence de déclaration préalable des revenus pour la certification du formulaire 83 ; annulation de l'arrêt de la CAA de Nancy ; renvoi devant cette cour


2. Analyse détaillée

Les faits

2007–2009 : M. et Mme B., résidents fiscaux français, sont imposés selon le régime des frontaliers.
30 décembre 2011 : Réclamation au fisc français concernant ces impositions.
2012 : Révélation d’une omission : dividendes suisses non déclarés pour 2009 à 2011.
8 octobre 2012 : Envoi du formulaire modèle n° 83 à l’administration fiscale française pour certification (visant le remboursement de l'impôt anticipé suisse de 35 % ramené à 15 % par la convention franco-suisse).
24 novembre 2015 : Retour du formulaire certifié par l'administration fiscale hors délai (après le délai suisse de 3 ans).
Mars 2016 : Tentative de dépôt en Suisse → rejet pour forclusion.
5 septembre 2019 : Demande d’indemnisation adressée au ministère.

Rejet implicite : Recours contentieux introduit.

La procédure

1re instance : TA Strasbourg, jugement du 20 avril 2021, rejet de la demande d’indemnisation (n° 1909479).
Appel : CAA Nancy, arrêt du 30 novembre 2023, rejet (n° 21NC01765).
Pourvoi : Conseil d’État → décision du 2 juin 2025 (n° 491270) → annulation de l’arrêt d’appel et renvoi.

Contenu de la décision

Arguments des parties

Requérants : Retard fautif de l’administration française ayant causé la forclusion suisse → préjudice indemnisable (136 309,50 €).
État : Responsabilité déniée en invoquant la tardiveté des déclarations et l'absence de relance des contribuables.

Raisonnement du Conseil d’État

Le Conseil censure l’arrêt de la CAA de Nancy pour trois erreurs majeures :

Erreur de droit : La certification du formulaire modèle n° 83 n’implique pas une déclaration ou imposition préalable des revenus.

La cour a méconnu l’objet du formulaire et la convention franco-suisse de 1966.

Qualification erronée des faits : Le manque de relance des requérants n’exonère pas l’administration de sa propre carence.

Motif inopérant : L’usage tardif du formulaire en mars 2016 était sans incidence, le droit au remboursement étant déjà forclos au 1er janvier 2015.

Solution retenue

Annulation de l’arrêt d’appel
Renvoi à la CAA de Nancy
Indemnité de 3 000 € au titre de l’article L. 761-1 CJA

3. Références juridiques 

3.1 Jurisprudence

Décision analysée :
Conseil d’État, 2 juin 2025, n° 491270

3.2 Textes légaux et conventionnels

Convention fiscale franco-suisse du 9 sept. 1966

Article 11 : plafonnement à 15 % du prélèvement suisse

Article 31 : conditions de délivrance du formulaire d’attestation de résidence

BOFiP BOI-INT-CVB-CHE-10-20-30 : Formulaire modèle n° 83

Code de justice administrative – Article L. 761-1


4.Analyse juridique approfondie

A. Décryptage du raisonnement

Le Conseil d’État distingue clairement :

L’objet du formulaire n° 83 : attestation de résidence et de soumission à l’impôt,

Du fondement du remboursement : taux conventionnel.

La lenteur de l'administration n'est pas justifiée par la nécessité d'une imposition préalable → seule la condition de résidence doit être vérifiée.

B. Évolution des pratiques

Cette décision clarifie le régime de responsabilité de l’État dans l'exécution de ses obligations internationales (fiscales),
Elle rétablit l’équilibre conventionnel entre contribuables et États contractants en réaffirmant que l'État ne peut opposer aux particuliers ses propres lenteurs administratives.

5. Critique de la décision

Lecture rigoureuse de la convention de 1966
Appréciation équilibrée entre responsabilité de l'État et diligence du contribuable
Erreur manifeste de la CAA de Nancy sur les trois points reprochés
Le Conseil d’État réaffirme le cadre de la responsabilité administrative


6. Accompagnement personnalisé
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à un retard de l’administration (certification, remboursement, attestation de résidence) ;
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ou à un contentieux indemnitaire contre l’État.

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