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Procès par défaut et droit au nouveau procès : CJUE précise les conditions

Le 03 juin 2025
Procès par défaut et droit au nouveau procès : CJUE précise les conditions
CJUE – procès par défaut – directive 2016/343 – droit à un nouveau procès – procédure pénale – renvoi préjudiciel – avocat commis d’office – présomption d’innocence – article 8 – article 9 – réouverture de procédure – infraction pénale – fuite – absence

1. Résumé succinct

Contexte :

Dans l'affaire Kachev (CJUE, 20 mai 2025, C‑135/25 PPU), la Cour suprême de cassation bulgare interroge la CJUE sur l’interprétation des articles 8 et 9 de la directive (UE) 2016/343 relative au droit d’assister à son procès. M. S. T. avait été condamné par défaut à un an d’emprisonnement pour vol aggravé, après avoir fui la Bulgarie. Il demandait la réouverture de la procédure.

Impact principal : La CJUE précise que le refus d’un nouveau procès est possible, mais uniquement sous strictes conditions cumulatives. L'arrêt conforte une interprétation rigoureuse du droit de l’Union en matière de procès équitable.


2. Analyse détaillée

Les faits
M. S. T. a été accusé de vol aggravé et informé d’une obligation de signature régulière au commissariat. Ayant fui en Allemagne avant la notification du procès, il a été jugé et condamné par défaut. Son avocat commis d’office a assuré sa défense. Il a ensuite demandé la réouverture du procès.

La procédure

Notification de l’acte d’accusation : M. S. T. avait reçu l’acte d’accusation préliminaire et fourni une adresse.
Fuite à l’étranger : Les autorités ont tenté sans succès de le localiser (recherches téléphoniques, vérification des frontières, enquête policière).
Jugement par défaut : Le tribunal de Montana l’a condamné à un an d’emprisonnement.
Demande de réouverture : La Cour suprême bulgare a sollicité l’avis de la CJUE sur la compatibilité du droit national avec les articles 8 et 9 de la directive 2016/343.

Contenu de la décision

Arguments des parties
Autorités bulgares : Les démarches faites sont suffisantes pour considérer que l’intéressé avait connaissance du procès.

Commission européenne : Souligne l’exigence stricte du respect des droits procéduraux du condamné par défaut.

Raisonnement juridique
La CJUE rappelle que :

Le droit d’assister à son procès est fondamental (art. 8 et 9 de la directive 2016/343).

La tenue d’un procès par défaut est licite à condition que :

l’intéressé ait été informé de la date et du lieu du procès ;
et des conséquences de son absence, ou qu’il ait mandaté un avocat pour le représenter.
La directive s’oppose donc à une interprétation nationale selon laquelle la seule fuite du prévenu, postérieure à la remise d’un acte d’accusation préliminaire, suffit à exclure le droit à un nouveau procès.

Solution retenue
La CJUE admet qu’un nouveau procès peut être refusé si toutes les conditions suivantes sont réunies :

Efforts raisonnables des autorités pour informer l’intéressé (y compris signalement au SIS selon le règlement 2018/1862).

Notification effective à l’adresse fournie, avec concordance des accusations.
Représentation par un avocat mandaté – ce mandat doit être explicite et non supposé du seul fait d'une défense en instruction.

3. Références et articles juridiques
Jurisprudence citée
CJUE, 19 mai 2022, Spetsializirana prokuratura, C-569/20, 
CJUE, 16 janv. 2025, Stangalov, C-644/23, 
CJUE, 16 janv. 2025, VB II, C-400/23,

Textes applicables
Directive (UE) 2016/343 :

Article 8.2 :

« Les États membres peuvent prévoir qu’un procès [...] peut se tenir en son absence, pour autant que : a) le suspect ait été informé, en temps utile, de la tenue du procès et des conséquences d’un défaut de comparution [...] »
Article 9 :

« Les États membres veillent à ce que les suspects [...] aient droit à un nouveau procès [...] »
Règlement (UE) 2018/1862, art. 34 :

« Aux fins de la communication du lieu de séjour [...] les États membres introduisent des signalements dans le SIS. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La CJUE rappelle que le droit au nouveau procès est d’effet direct et ne peut être restreint que si les conditions strictes de l’article 8.2 sont remplies. Elle distingue soigneusement :

la connaissance du procès ;

l’information sur les conséquences d’un défaut de comparution ;

le mandat explicite à l’avocat.

Elle refuse toute « présomption de renonciation » fondée uniquement sur le comportement du prévenu (fuite).

Conséquences juridiques
Pour les États membres : Obligation stricte de démontrer la réunion cumulative des conditions pour valider une procédure par défaut.

Pour les juridictions nationales : Obligation de laisser inappliquée toute disposition nationale contraire.

Pour les droits de la défense : Affirmation d’une protection renforcée des droits procéduraux du justiciable absent.

5. Critique de la décision

La CJUE adopte une position équilibrée : elle tolère des procès par défaut dans des cas limités, mais refuse toute automaticité de la déchéance du droit à un nouveau procès.

Le refus d’un nouveau procès n’est envisageable que si la personne a eu connaissance de son procès et de ses conséquences, ou a expressément mandaté un avocat.

6. Accompagnement juridique

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