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Correction en ligne et déclaration hors délai : une réclamation contentieuse selon le Conseil d’État

Le 03 juin 2025
Correction en ligne et déclaration hors délai : une réclamation contentieuse selon le Conseil d’État
correction en ligne – déclaration rectificative – impôt sur le revenu – revenus de source étrangère – crédit d’impôt – convention fiscale France-Espagne – réclamation contentieuse – Conseil d’État 2025 – capital mobilier – Publiolimpia SL – CE 9 mai 2025

1. Résumé succinct
Contexte :
M. et Mme A. B., domiciliés fiscalement en France, ont perçu en 2016 des intérêts versés par une société espagnole dans le cadre de prêts participatifs. Après la révélation d’une fraude pénale affectant la société emprunteuse, ils ont tenté de corriger leur déclaration initiale via le dispositif de « télécorrection » mis en place par l’administration fiscale. Le litige porte sur la nature juridique de cette correction et sur la possibilité d'imposition de ces revenus.

Juridiction :
Conseil d’État, 8e - 3e chambres réunies
Arrêt du 9 mai 2025, n° 496935
ECLI:FR:CECHR:2025:496935.20250509

Impact principal :
Le Conseil d’État affirme qu’une déclaration rectificative faite après expiration du délai de déclaration constitue une réclamation contentieuse. Il rappelle en outre que les revenus perçus à l’étranger sont imposables en France, même sans imposition effective dans l’État d’origine, sous réserve d’un crédit d’impôt.


2. Analyse détaillée
Les faits
Entre 2013 et 2017, M. et Mme A. B. ont consenti plusieurs prêts participatifs à la société espagnole Publiolimpia SL. En 2016, ils déclarent 692 069 € d’intérêts au titre des revenus de capitaux mobiliers. En 2017, après l'ouverture d'une enquête pénale pour fraude visant le gérant de Publiolimpia SL, ils demandent une correction en ligne pour ramener ce montant à 5 012 €.

La procédure
TA de Melun, 8 juillet 2020 (n° 1709453) : rejet de la demande de réduction.
CAA de Paris, 23 déc. 2021 (n° 20PA02599) : annulation du jugement, réduction accordée.
CE, 18 oct. 2022 (n° 461703) : annulation de l’arrêt de la CAA, renvoi.
CAA de Paris, 28 juin 2024 (n° 22PA04610) : réduction acceptée pour 2016.
CE, 9 mai 2025 (n° 496935) : cassation partielle, rejet définitif de la requête des contribuables.

Contenu de la décision
Arguments des parties
Contribuables : la correction via impots.gouv.fr devait être prise en compte comme une simple rectification et non comme une réclamation.
Administration : la correction est intervenue hors délai et doit être qualifiée de réclamation contentieuse ; la charge de la preuve incombe au contribuable.

Raisonnement juridique du Conseil d’État
Correction en ligne = réclamation : Une rectification faite après le délai est une réclamation au sens de l’article R. 190-1 LPF.
Pas de procédure de rectification nécessaire : L’administration n’avait pas à entamer une procédure contradictoire (LPF, art. L. 55).
Charge de la preuve : Aux contribuables d’établir l'exagération des bases déclarées (R. 194-1, al. 2 LPF).
Imposition des revenus étrangers : Les intérêts perçus sont imposables en France selon les art. 124 et 125 CGI, même si non remboursés.
Convention fiscale franco-espagnole (10 oct. 1995) : Pas de double imposition démontrée ; pas de crédit d’impôt en l’absence d’imposition effective en Espagne.

Solution retenue
Annulation des articles 1 à 4 de l’arrêt de la CAA du 28 juin 2024.
Rejet de l’appel des contribuables.
Rejet des conclusions au titre de l’article L. 761-1 CJA.

3. Références et articles juridiques
Jurisprudence
Conseil d’État, 9 mai 2025, n° 496935 : Lien officiel Légifrance
Textes cités
CGI, art. 124 :
« Sont considérés comme revenus [...] les intérêts, arrérages, primes de remboursement et tous autres produits : / 1° Des créances hypothécaires, privilégiées et chirographaires [...] »
CGI, art. 125 :
« Le revenu est déterminé par le montant brut des intérêts [...]. L’impôt est dû par le seul fait [...] du paiement [...]. »
LPF, art. L. 190 et R. 190-1 :
« Le contribuable qui désire contester un impôt [...] doit adresser une réclamation au service territorial [...]. »
LPF, art. R. 194-1, al. 2 :
« Il incombe au contribuable d’établir le caractère exagéré de l’imposition. »
Convention fiscale France-Espagne du 10 oct. 1995, art. 11 et 24 :
Permet l’imposition des intérêts dans les deux États ; crédit d’impôt en cas de double imposition effective.

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

Le Conseil d’État procède à une clarification essentielle du traitement fiscal des corrections déclaratives hors délai. La procédure de « télécorrection » ne saurait se substituer à une réclamation contentieuse lorsqu’elle est exercée après la date limite de déclaration. Il écarte également toute portée normative du communiqué ministériel, en rappelant l’autorité exclusive des textes.

Sur le fond, le Conseil rappelle que la domiciliation fiscale emporte obligation de déclaration mondiale des revenus, sauf exonération ou crédit d’impôt prévu par convention, ce qui n’est pas établi ici.

Conséquences juridiques

Pour les contribuables : Il leur appartient de prouver la réalité des pertes ou erreurs alléguées. Le dispositif de correction en ligne n’est pas un substitut à une réclamation formelle après délai.

Pour l’administration : Confirmation de la régularité des impositions sans rectification préalable si la correction est postérieure au délai de déclaration.

Pour la jurisprudence : La décision renforce l’exigence de rigueur procédurale en matière de réclamations fiscales et de déclaration de revenus étrangers.

5. Critique de la décision
Cette décision constitue donc un arrêt de principe.

Elle marque un durcissement jurisprudentiel : la correction spontanée après délai est clairement exclue du champ des simples rectifications administratives, obligeant à respecter le formalisme contentieux.

En cas de perception de revenus étrangers, le contribuable doit anticiper tout aléa de récupération ou d’imposition étrangère. Faute d’imposition effective à l’étranger, il ne peut invoquer la convention bilatérale pour échapper à la fiscalité française.

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