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Identité non établie et refus de séjour : l’avis tranchant du Conseil d’État

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Identité non établie et refus de séjour : l’avis tranchant du Conseil d’État
titre de séjour – refus de séjour – identité non établie – Conseil d’État – contentieux administratif – code de l’entrée et du séjour des étrangers – article L. 423-23 CESEDA – droits fondamentaux – CEDH – droits de l’enfant – Légifrance – jurisprudence

1. Résumé succinct

Objet : Le Conseil d’État, saisi par le tribunal administratif de Lyon dans le cadre d’une question préjudicielle (avis contentieux), clarifie les conséquences du défaut d'identité établie sur la recevabilité des moyens de légalité interne contre un refus de titre de séjour.

Décision : L’absence de preuve d’identité empêche le requérant de soulever utilement des moyens de légalité interne étrangers à ce seul motif.

Impact : Cet avis consolide la jurisprudence en limitant strictement le contentieux contre un refus de séjour fondé exclusivement sur une identité incertaine.

2. Analyse détaillée

Les faits
M. B…, étranger en situation irrégulière, a sollicité un titre de séjour auprès du préfet de la Seine-Maritime. Ce dernier a rejeté la demande par arrêté du 4 mai 2023, en retenant que l'identité de l'intéressé n'était pas établie.

M. B… a saisi le tribunal administratif de Lyon, demandant l’annulation de l’arrêté et la délivrance d’un titre ou à défaut, d’une autorisation provisoire de séjour sous astreinte.

La procédure

Par jugement avant dire droit (TA Lyon, 6 févr. 2025, n° 2302386), le tribunal a sursis à statuer et sollicité un avis contentieux du Conseil d’État en application de l’article L. 113-1 CJA, posant deux questions principales :

D’autres moyens que ceux relatifs à l’identité sont-ils opérants si l’identité n’est pas établie ?
Si oui, peut-on enjoindre à l’administration de délivrer un titre de séjour dans ces conditions ?

Contenu de la décision

Arguments des parties :

Le ministre de l’intérieur s’est opposé à la reconnaissance de l’identité.
Plusieurs associations (ADDE, SAF, GISTI, AIMIE) sont intervenues à l’instance.
Le requérant faisait valoir des moyens tirés des droits fondamentaux (art. 8 CEDH, art. 3 Convention de New York, etc.).

Raisonnement du Conseil d'État :

Le refus fondé uniquement sur une identité non établie ne permet pas au juge de l’excès de pouvoir de statuer sur d’autres moyens de légalité interne (droits à la vie privée, droit au séjour familial, etc.).
Seuls les moyens en lien direct avec ce motif peuvent être utilement soulevés.
En conséquence, la deuxième question devient sans objet.

Solution retenue :
« Le demandeur ne peut utilement soulever des moyens de légalité interne sans rapport avec la teneur du refus de séjour fondé exclusivement sur l’absence d’identité établie. »

3. Références et articles juridiques

Avis CE, sect. contentieux, 12 juin 2025, n° 501325


Article L. 113-1 CJA :
« Lorsqu’une juridiction administrative estime qu’une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse, se pose à l’occasion d’un litige, elle peut saisir le Conseil d’État d’une demande d’avis. »

Article L. 423-23 CESEDA :
« L'étranger peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans certains cas. »

Article 8 CEDH :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. »

Article 3-1 Convention internationale des droits de l’enfant :
« Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique :

Le Conseil d’État confirme une grille de lecture rigoureuse du contentieux du refus de séjour :

Si l’unique motif de refus est l'identité incertaine, alors aucun autre moyen n’est opérant.

Cela revient à cantonner le contrôle juridictionnel à la seule appréciation de l’identité.

Cette position vise à sécuriser le pouvoir discrétionnaire de l’administration en matière d’identification des étrangers, tout en encadrant les exceptions.

Conséquences juridiques :

Pour les requérants étrangers : lourdeur de la charge probatoire pour établir leur identité dès l’introduction du recours.

Pour les juridictions administratives : recentrage du contrôle sur le caractère probant des justificatifs d’état civil.

Pour les avocats : obligation de calibrer les moyens contentieux à la nature exacte du refus administratif.

5. Critique de la décision

Aucune décision antérieure n’excluait aussi fermement l'examen de moyens internes en cas de doute sur l'identité.

Le Conseil d’État sanctuarise l’autorité de l’administration sur la preuve de l’identité, limitant drastiquement le contrôle juridictionnel dès lors que le motif du refus repose exclusivement sur l’identité.

L’avis verrouille le contentieux en refusant d’examiner des moyens de fond lorsque l'identité est jugée non établie, sauf à contester ce point précis.

6. Accompagnement juridique

Pour les requérants étrangers ou leurs familles confrontés à un refus de séjour pour identité non établie, une défense efficace nécessite :

Une expertise rigoureuse des pièces d’état civil,

Une stratégie contentieuse ciblée.

La SELARL Philippe GONET, cabinet d’avocat expérimenté, vous accompagne dans ces démarches complexes avec rigueur et humanité.

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