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Détention d’un étranger sur un navire – pas de violation de l’article 5 de CEDH

Aujourd'hui
Détention d’un étranger sur un navire – pas de violation de l’article 5 de CEDH
détention à bord d’un navire – refus d’entrée en Italie – article 5 CEDH – droit des étrangers – réacheminement maritime – Grandi Navi Veloci – contrôle du pavillon – jurisprudence CEDH 2025 – recours internes Italie – liberté individuelle étrangers

1. Résumé succinct

Contexte :
M. Habib Mansouri, ressortissant tunisien, a été empêché d’entrer sur le territoire italien en mai 2016, alors qu’il débarquait à Palerme depuis Tunis sur un ferry battant pavillon italien. En application de l’article 10 § 3 du décret législatif italien n° 286/1998, il a été maintenu à bord du navire durant 7 jours jusqu’à son retour à Tunis.

Objet du litige :
Le requérant alléguait avoir été illégalement privé de liberté, dans des conditions inhumaines, sans voie de recours effective, en violation des articles 5 §§ 1, 2, 4 et 5, ainsi que des articles 3 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Décision :
La Cour européenne des droits de l’homme déclare la requête irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes, sans constater de violation des droits invoqués.


2. Analyse détaillée

Les faits
M. Mansouri a été intercepté à Palerme sans visa ni titre de séjour valide. Un refus d’entrée lui a été notifié et il a été maintenu dans une cabine du navire pendant 7 jours, sous surveillance continue, jusqu’au retour du ferry à Tunis.

La procédure
Introduction de la requête : 28 octobre 2016.
Dessaisissement au profit de la Grande Chambre : 20 février 2024.
Audience publique : 18 septembre 2024.
Décision rendue : 29 avril 2025.

Les griefs
Le requérant dénonçait :

Une privation arbitraire de liberté (art. 5 § 1),
L’absence d’information sur les motifs (art. 5 § 2),
L’impossibilité d’un recours juridictionnel (art. 5 § 4),
L’absence de réparation (art. 5 § 5),
Des conditions de détention inhumaines (art. 3),
Et l’absence de recours effectif (art. 13).

3. Références et articles juridiques
Jurisprudences citées :
CEDH, Hirsi Jamaa et autres c. Italie, [GC], 23 févr. 2012, n° 27765/09.
CEDH, Khlaifia et autres c. Italie, [GC], 15 déc. 2016, n° 16483/12.
CEDH, J.A. et autres c. Italie, 30 mars 2023, n° 21329/18.

Textes cités :
Article 5 de la Convention : droit à la liberté et à la sûreté.
Article 3 CEDH : interdiction des traitements inhumains ou dégradants.
Article 13 CEDH : droit à un recours effectif.
Article 10 § 3 du décret législatif italien n° 286/1998 : obligation de réacheminement par le transporteur.
Article 2043 c.c. italien : réparation pour fait illicite.
Article 700 CPC italien : procédure en référé.


4. Analyse juridique approfondie

a) Raisonnement de la Cour

Juridiction : La Cour constate que l’Italie exerçait sa juridiction car le navire battait pavillon italien et le commandant agissait en tant qu’agent de l’État.
Attribution à l’État : Le commandant a agi en vertu de prérogatives de puissance publique, engageant la responsabilité de l’État.
Voies de recours internes : La Cour relève que le requérant n’a pas utilisé les recours disponibles :

référé de l’article 700 CPC ;
action indemnitaire sur le fondement de l’article 2043 c.c.
Conclusion : La requête est rejetée comme irrecevable faute d’épuisement.

b) Conséquences
La décision confirme qu’un transporteur peut être considéré comme organe d’un État dans certaines conditions.
Elle réaffirme l’obligation d’épuiser les voies de recours internes, même en cas de détention de facto, y compris lorsqu’il n’y a pas d’ordre formel de placement en rétention.
La CEDH adopte une approche prudente, refusant d’élargir la notion de « détention » sans analyse préalable par les juridictions nationales.

5. Critique de la décision

L’analyse repose sur la notion de contrôle de facto et sur l’effet juridique du pavillon. La décision se démarque en exigeant l’usage de recours ordinaires même en cas de détention informelle.

La CEDH ne rejette pas la possibilité que la situation ait constitué une détention, mais conditionne son examen au respect du principe de subsidiarité.

6. Accompagnement juridique

La SELARL Philippe GONET, cabinet d’avocat expérimenté à Saint-Nazaire, vous accompagne :

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