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1. Résumé succinct
Contexte :
Le 20 novembre 2024, une note du directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique prévoyait la transmission hebdomadaire aux préfectures de « fiches navettes » concernant les étrangers en situation régulière placés en garde à vue. Cette note a été suspendue en référé par le TA de Nantes le 4 avril 2025. L’État, via le ministre de l’Intérieur, a formé un pourvoi en cassation.
Objet du litige :
Le contentieux portait sur la légalité de cette note administrative au regard des dispositions relatives à la protection des données personnelles (notamment l’article 31 de la loi Informatique et Libertés de 1978).
Décision :
Le Conseil d’État rejette le pourvoi du ministre de l’Intérieur et confirme la suspension de la note, au motif qu’elle institue un traitement de données personnelles sans base légale suffisante.
Impact :
Cette décision rappelle avec force l’exigence d’un fondement légal clair, accompagné d’un avis de la CNIL, pour tout traitement de données à caractère personnel, même en matière de sécurité.
2. Analyse détaillée
A. Les faits
Une note de service du 20 novembre 2024 du directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique demandait aux services interpellateurs de transmettre à la préfecture, via le SIPAF, une fiche contenant :
l’identité des étrangers en situation régulière placés en garde à vue,
leur statut administratif,
les données issues du TAJ (fichier des antécédents judiciaires),
les suites judiciaires données.
Un tableau de suivi statistique devait également être tenu par le SIPAF.
B. La procédure
Référé suspension (TA Nantes, 4 avril 2025, n° 2504541) : La note est suspendue.
Pourvoi en cassation (Ministère de l’Intérieur) : Le Conseil d’État est saisi sur le fondement de l’article L. 521-1 CJA.
C. Contenu de la décision
Arguments des parties
Ministère de l’Intérieur :
La note s’inscrirait dans le cadre des enquêtes administratives autorisées par l’article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure.
Elle ne créerait pas un traitement de données nécessitant un arrêté et un avis de la CNIL.
Syndicats et associations requérants :
Le dispositif crée un traitement de données personnelles illégal, sans autorisation préalable.
Risque d’atteinte grave aux libertés individuelles.
Raisonnement du Conseil d’État
L’article 31 de la loi Informatique et Libertés impose que tout traitement de données concernant la sécurité publique ou les infractions soit autorisé par arrêté ministériel après avis motivé de la CNIL.
Or, la note litigieuse prévoit la transmission systématique de données sensibles, indépendamment de toute enquête administrative.
Il ne s’agit donc pas d’une simple mise en œuvre du code de la sécurité intérieure, mais d’un nouveau traitement de données, soumis à l’article 31.
Le doute sérieux sur la légalité justifie donc la suspension (L. 521-1 CJA).
Solution retenue
Le Conseil d’État confirme la suspension de la note :
« Le ministre d’État, ministre de l’intérieur n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du juge des référés. »
(CE, 4 juill. 2025, n° 503717)
3. Références et articles juridiques
Jurisprudence principale
Conseil d’État, 10e-9e ch. réunies, 4 juill. 2025, n° 503717 :
Textes cités
Article L. 521-1 du Code de justice administrative :
« [...] Le juge des référés peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision administrative [...] lorsque l'urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision. »
Article 31 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 :
« Sont autorisés par arrêté [...] après avis motivé et publié de la CNIL, les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre pour le compte de l’État [...] »
Article L. 114-1 du Code de la sécurité intérieure (enquêtes administratives)
Article R. 40-29 du Code de procédure pénale (consultation du TAJ)
4. Analyse juridique approfondie
Le Conseil d’État rappelle que la sécurité publique ne dispense pas de respecter les règles encadrant les traitements de données personnelles, même s’ils concernent des personnes gardées à vue. En exigeant un cadre réglementaire et un contrôle préalable de la CNIL, il s’inscrit dans une logique de protection rigoureuse des libertés individuelles.
Conséquences juridiques
Sur la légalité des notes internes de la police : Toute note produisant des effets juridiques ou créant des obligations doit respecter les lois sur la protection des données.
Sur les prérogatives des préfets : Un simple tableau transmis sans base légale constitue un traitement illicite.
Renforcement du contrôle du juge administratif sur les pratiques de collecte de données sensibles, même dans le domaine de la sécurité.
5. Critique de la décision
La jurisprudence confirme la portée obligatoire de l’article 31 de la loi de 1978, notamment CE, 13 mars 2020, n° 426311. La présente décision s’inscrit dans cette lignée.
La décision constitue un rappel à l’ordre clair aux autorités administratives : même les enjeux de sécurité ne permettent pas de déroger à la légalité des traitements de données.
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