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Réduire durablement le déficit public : leçons internationales et transposition à la France

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Réduire durablement le déficit public : leçons internationales et transposition à la France
réduction du déficit, règle budgétaire, frein à l’endettement, revue des dépenses, élargissement d’assiette, e-facturation, subventions, Argentine, France, Conseil constitutionnel

Pourquoi cet article ?

Beaucoup de pays ont assaini leurs comptes en combinant des règles simples, une exécution disciplinée et des outils numériques. L’Argentine a choisi, fin 2023, une voie « choc ». Que retenir de ces expériences — et que transposer, concrètement, en France ? Réponse en trois temps : leçons internationales, cas argentin, feuille de route française, avec une option institutionnelle sur le recentrage des hautes juridictions.

1) Ce que font les pays qui ont (vraiment) réduit leur déficit

1.1 Des règles budgétaires lisibles

Plafonds de dépenses pluriannuels (3–4 ans) par mission : cap fermes, prévisibles, laissant jouer les stabilisateurs automatiques côté recettes.

Frein à l’endettement : limite au déficit structurel avec clause d’exception strictement bornée et trajectoire de retour.
Cible de solde structurel : objectif d’équilibre/excédent appuyé sur des prévisions indépendantes (calées sur le cycle).

1.2 Des revues de dépenses exigeantes

Tri systématique des politiques : Stop / Scale back / Redeploy / Keep (arrêter, réduire, réallouer, maintenir).

Enveloppes pluriannuelles par département/ministère, avec indicateurs publics et arbitrages récurrents.

1.3 Élargir l’assiette plutôt que surtaxer

Rationalisation des niches et abattements ; ajustements ciblés de TVA et fiscalité environnementale pour élargir la base sans relever les taux nominaux.

1.4 Numériser la collecte et la lutte anti-fraude

E-facturation et e-reporting B2B ; data-matching fiscal/social ; contrôles “risk-based”.
Résultat : impôt plus certain, délais de remboursement raccourcis, économie souterraine mieux captée.

1.5 Reconfigurer les subventions

Passage des subventions de prix (coûteuses, régressives) vers des aides monétaires ciblées versées aux ménages vulnérables, avec calendrier public.

1.6 Construire l’adhésion

Transparence : tableau de bord citoyen, publication des écarts.
Narratif : « dépenser mieux pour protéger mieux ».

2) Étude de cas — Argentine (2023–2025)

2.1 Mesures clés
Choc d’ouverture : réalignement brutal des prix relatifs ; unification et libéralisation rapides.
Déréglementation : vaste paquet pour simplifier contrats, marchés et procédures.
Réduction de l’État : ministères fusionnés, gel/arrêt d’une large part des travaux publics, suppressions massives de postes administratifs.
Coupes de subventions : énergie/transport fortement réduites ; privatisations ciblées autorisées.

2.2 Résultats et coûts
Redressement rapide du solde primaire et désinflation progressive après un pic historique.
Coût social initial élevé (pouvoir d’achat, pauvreté) ; conflictualité forte.

2.3 Leçons transférables (et limites)
Calendrier public + compensations “cash” limitent le choc distributif.
Arrêt des chantiers : dégage de la trésorerie, mais nécessite un filet pour le BTP.
Transposition française : pas de « méga-décret » hors Parlement ; l’outil est la loi (organique + ordinaire), dans le respect de l’UE et de la CEDH.

3) Transposition à la France — feuille de route opérationnelle

3.1 Cadrage macro et juridique

Loi organique : règle de dépenses pluriannuelle (4 ans), clause d’exception et correctif automatique.

Objectif de solde structurel/excédent primaire inscrit en PLF/PLFSS.

Règle d’or limitée : protéger l’investissement net productif (transition, éducation, R&D, infrastructures utiles), évalué ex post.


3.2 Dépenses : revue générale et réallocations

Revue générale des programmes (12–18 mois), 100 % du périmètre, avec décisions publiques : Stop / Scale back / Redeploy / Keep.

Mutualisations massives des fonctions support (RH, achats, SI, immobilier) au niveau ministériel et inter-opérateurs ;

extinction par défaut des structures <150 ETP sans utilité démontrée.

Non-remplacement ciblé sur supports/opérateurs, mobilité vers métiers en tension (santé, éducation prioritaire, justice, sécurité, numérique).

3.3 Recettes : base élargie et collecte numérisée

Élargissement d’assiette : extinction/conditionnement automatique des niches non justifiées ; révision des taux réduits de TVA avec compensation ciblée.

E-facturation & e-reporting B2B généralisés ; interopérabilité TVA/IR/IS/social ; contrôles risk-based.

3.4 Subventions : du prix à l’aide ciblée

Bascule des subventions de prix (énergie/transport) vers chèques ciblés versés avant l’ajustement tarifaire ; calendrier public sur 12–18 mois.

3.5 Gouvernance & transparence

Prévisions indépendantes (macro et recettes) ; tableau de bord citoyen trimestriel (plafonds, écarts, économies, rendement anti-fraude, investissement protégé).

4) Option institutionnelle — recentrer les hautes juridictions

4.1 Le principe

Conseil constitutionnel : contrôle exclusivement fondé sur le texte de la Constitution (articles), sans recours au « bloc de constitutionnalité » (préambules, principes non écrits, Charte).

Conseil d’État & Cour de cassation : annulations limitées aux violations de la loi, des règlements et des seules normes constitutionnelles textuelles ; réencadrement des principes généraux.

4.2 Comment faire (cadre juridique)

Révision constitutionnelle (art. 89) : bornage des griefs (a priori/QPC) au texte constitutionnel ; clause d’interprétation « privilégier la loi » en cas d’hésitation.

Lois organiques de procédure : filtrage QPC, portée des censures, motivation renforcée.

Loi “contentieux” : encadrement des motifs d’annulation CE/Cass. ; valeur infra-législative des principes généraux.

4.3 Points de vigilance

Droit de l’UE et CEDH : maintien du contrôle de conventionalité ; articulation via clause d’identité constitutionnelle et motivation resserrée.

Pédagogie : le juge n’est pas « affaibli » ; il est recentré. La responsabilité politique est clarifiée.

5) Calendrier “90 jours / 12 mois”
J + 30

Dépôt : loi organique (règle de dépenses), loi “pouvoir d’achat ciblé”, loi de simplification, loi d’habilitation (cessions).
Si option retenue : lancement de la révision constitutionnelle.

M 6

Premiers arbitrages de la Revue générale ; gel/re-programmation des investissements non engagés ; ouverture des guichets de compensation.

M 12

E-facturation > 70 % ; extinction des premières niches ; bilan public trimestriel ; entrée en vigueur des nouvelles règles juridictionnelles (si révision adoptée).

6) Risques & parades

Acceptabilité sociale : compenser ex-ante, calendrier lisible, simulateurs grand public.

Risque de sous-investissement : règle d’or stricte + évaluations ex post.

Capacité administrative : PMO central, task-forces SI, appui aux PME/éditeurs pour l’e-facturation.

Contentieux : clauses contractuelles de reprogrammation ; encadrement légal solide ; motivation renforcée des décisions.

Optimisme prévisionnel : prévisions indépendantes, publication des écarts, correctifs automatiques.

Conclusion

Réduire le déficit n’est pas « faire des économies » au hasard : c’est choisir et tenir. Les pays performants allient une règle claire, des revues de dépenses crédibles, une collecte numérisée, et des transferts ciblés. L’Argentine montre la puissance du choc — et ses coûts — ; la France peut réussir par la loi, avec compensations et priorisation. L’option institutionnelle (recentrage du Conseil constitutionnel et encadrement CE/Cass.) clarifie la hiérarchie des normes et la responsabilité budgétaire, sous réserve d’une articulation fine avec l’UE et la CEDH.

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