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Nationalité française : assouplissement des preuves de possession d’état

Aujourd'hui
Nationalité française :  assouplissement des preuves de possession d’état
nationalité française – possession d’état – article 21-13 code civil – déclaration de nationalité – état civil incertain – jurisprudence nationalité – Cass. civ. 1re – Cour de cassation 2025 – acquisition de nationalité – absence d’acte de naissance

1. Résumé succinct

Contexte :

Mme [T] [D], née au Cameroun et fille d’un ressortissant français, revendique la nationalité française sur le fondement de l’article 21-13 du code civil, arguant d’une possession d’état de Française sur dix ans.

Décision :

La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour d’appel de Paris (14 mai 2024, n° 23/04820), qui avait rejeté cette demande au seul motif d’une incertitude sur l’état civil, en réaffirmant que l’exigence d’un état civil certain ne saurait constituer une condition d’acquisition de la nationalité par possession d’état.

Impact principal :

Cet arrêt de principe confirme que la possession d’état est une situation de fait autonome, suffisante à elle seule pour fonder une acquisition de nationalité, sans exigence supplémentaire de preuve de l’état civil, dès lors qu’elle est constante, non équivoque, non frauduleuse et déclarée dans un délai raisonnable.


2. Analyse détaillée

Les faits

Mme [T] [D], née en 1992 au Cameroun, déclare être la fille de M. [J] [L], de nationalité française. Elle affirme avoir été reconnue et traitée comme Française par l’administration pendant plus de dix ans. Sur cette base, elle a souscrit en 2020 une déclaration de nationalité française au titre de l’article 21-13 du code civil.

Cependant, l’administration a rejeté cette déclaration, au motif de l’existence de deux actes de naissance camerounais contradictoires, remettant en cause la certitude de son état civil.

La procédure

1ère instance : refus d’enregistrement de la déclaration par le directeur des services de greffe (27 juillet 2020).
Appel : Cour d’appel de Paris, 14 mai 2024 – rejet de la demande, au motif de l’incertitude sur l’état civil.
Pourvoi : Mme [T] [D] se pourvoit en cassation.
Arrêt de cassation partielle : 18 juin 2025.

Contenu de la décision

Arguments des parties

Mme [T] [D] : Elle revendique la nationalité française en raison d’une possession d’état constante, manifeste et durable, indépendamment des incertitudes de son état civil.
Le procureur général : Conteste l’existence d’un état civil certain, élément présenté comme nécessaire pour établir une possession d’état recevable.

Raisonnement juridique
La Cour rappelle que selon l’article 21-13 du code civil :

« Peuvent réclamer la nationalité française par déclaration (...) les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration. »

Elle souligne que :

La possession d’état se définit par le comportement de la personne comme Française et par le traitement comme telle par les autorités françaises, même en l’absence de droit formel.
Il en découle que la preuve d’un état civil certain n’est pas exigée pour bénéficier de cette disposition.
En conséquence, l’incertitude sur l’acte de naissance ne constitue pas un obstacle à la reconnaissance de la nationalité fondée sur l’article 21-13 C. civ.

Solution retenue

Cassation partielle de l’arrêt d’appel, sauf en ce qu’il a constaté le respect des formalités procédurales.
Renvoi de l’affaire devant une autre formation de la cour d’appel de Paris.

3. Références et articles juridiques

Texte applicable
Article 21-13 du code civil (version en vigueur au 18 juin 2025) :

« Peuvent réclamer la nationalité française par déclaration souscrite conformément aux articles 26 et suivants, les personnes qui ont joui, d'une façon constante, de la possession d'état de Français, pendant les dix années précédant leur déclaration. »

Jurisprudence analysée
Cour de cassation, 1re civ., 18 juin 2025, n° 24-17.251

Décision d’appel cassée : CA Paris, 14 mai 2024, n° 23/04820

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement retenu par la Cour

La Cour opère un rappel fondamental : la possession d’état est une situation de fait, non conditionnée par des éléments d’état civil officiels. Elle précise que cette autonomie de fait justifie une exception au principe général selon lequel la nationalité ne peut être reconnue qu’à ceux disposant d’un état civil certain.

Elle insiste également sur l’exigence de bonne foi : la possession d’état doit être non équivoque, exempte de fraude et faire l’objet d’une déclaration dans un délai raisonnable après la prise de conscience par le demandeur de sa situation d’« extranéité ».

Conséquences sur la jurisprudence

Confirmation d’un assouplissement de la preuve de la nationalité par possession d’état, amorcé par la doctrine et certaines décisions récentes.

5. Critique de la décision

L’arrêt renforce la protection des personnes en situation administrative incertaine mais bénéficiant d’un ancrage réel en France.
La haute juridiction réaffirme la prééminence des faits sur les irrégularités de forme dans les procédures de déclaration de nationalité.

Jurisprudence désormais claire : la certitude de l’état civil ne fait pas obstacle à l’invocation de l’article 21-13 C. civ.
Risque néanmoins d’augmentation des déclarations fondées sur une possession d’état contestable : vigilance requise des juridictions du fond.

6. Accompagnement juridique

La complexité des procédures de déclaration de nationalité sur le fondement de la possession d’état impose une vérification rigoureuse de la constance, de l’absence de fraude et du traitement administratif effectif.

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