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Garantie décennale : encadrement strict des effets d’une reconnaissance partielle de responsabilité

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Garantie décennale : encadrement strict des effets d’une reconnaissance partielle de responsabilité
garantie décennale – prescription décennale – responsabilité constructeur – renonciation à prescription – désordres esthétiques – assurance décennale – fissures vitrages – jurisprudence construction – cass. civ. 3e 12 mai 2021 – société Marchegay

1. Résumé succinct
Contexte :
Dans cette affaire, la société Moreux Horticulture assigne plusieurs intervenants à la suite de fissures affectant des vitrages de serres livrées en 2000 par la société Marchegay (assurée par Monceau Générale Assurances). Le litige oppose le maître d’ouvrage à l’entreprise, à son assureur, au contrôleur technique Socotec, ainsi qu’à d’autres entités.

Juridiction :
Cour de cassation, troisième chambre civile.

Date :
Arrêt du 12 mai 2021 (Cass. civ. 3e, 12 mai 2021, n° 19-19.378 et 19-19.994)

Impact :
La Cour réaffirme que la renonciation à la prescription par le constructeur ou son assureur ne vaut que dans les limites expressément reconnues. Elle exclut aussi toute garantie décennale en l’absence de désordres graves apparus dans le délai légal.


2. Analyse détaillée

Les faits

Réception des travaux : 24 janvier 2000.
Signalement des fissures : à partir de 2005.
Lettre du 16 juin 2011 : la société Marchegay reconnaît sa responsabilité pour 72 vitrages fêlés.
Expertise judiciaire : 2011-2014.


La procédure
Assignation principale en 2011 (hors délai de dix ans).
Cour d'appel de Versailles, 13 mai 2019 : rejet partiel des demandes pour prescription.
Pourvoi en cassation par Moreux Horticulture.

Arguments

Demanderesse (Moreux Horticulture) :
S’appuie sur la lettre de reconnaissance partielle (2011) pour étendre la renonciation à toute la demande. Invoque une renonciation implicite à la prescription pour la totalité des désordres.

Défendeurs :
S'opposent à cette interprétation, en limitant la renonciation à la portion visée explicitement dans les courriers.

3. Références et articles juridiques
Textes juridiques cités
Article 1792 C. civ. :

"Tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages [...] qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination."

Article 1792-4-1 C. civ. :

"Toute personne [...] est dégagée de la responsabilité [...] dix ans après la réception des travaux."

Article 2250 C. civ. :

"La renonciation à la prescription ne peut résulter que d’un acte manifestant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription acquise."


Article 2251 C. civ. :

"La renonciation à la prescription est toujours expresse."


Article 243-1-1 C. ass. :

"La franchise prévue au contrat d'assurance de responsabilité obligatoire est inopposable au tiers lésé."

4. Analyse juridique approfondie

a. Raisonnement de la Cour de cassation

Prescription décennale : confirmée. L’action a été intentée plus de 10 ans après réception.

Portée de la renonciation : limitée strictement aux 72 vitrages explicitement reconnus.

Expertise judiciaire : aucun désordre n’était de nature décennale au jour du rapport.

Esthétique ≠ Gravité décennale : les fissures n'altéraient ni stabilité, ni étanchéité, ni destination.

b. Conséquences juridiques

Pas de jurisprudence nouvelle, mais une réaffirmation stricte :

La renonciation à la prescription ne peut être implicite ou présumée étendue.
Les désordres postérieurs au délai d’épreuve ne sont couverts que s’ils prolongent des désordres identifiés et judiciairement poursuivis à temps.

Les désordres esthétiques ne justifient ni garantie décennale, ni indemnisation au titre de l’article 1792 C. civ.

5. Critique de la décision 

Décisions similaires avant 2021 :

Cass. civ. 3e, 23 mars 2017, n° 15-23.845 : renonciation à prescription partielle ≠ renonciation globale.
Cass. civ. 3e, 16 janvier 2020, n° 18-25.915 : désordre post-décennal = pas de garantie sans lien démontré.

La ligne jurisprudentielle est constante : la gravité et le délai d’apparition sont indissociables pour engager la garantie décennale.

Renonciation partielle à la prescription ne vaut que pour les désordres identifiés. Aucune généralisation n’est admise.

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