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Expropriation : le droit de délaissement est sans effet sur le transfert de propriété

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Expropriation : le droit de délaissement est sans effet sur le transfert de propriété
expropriation – droit de délaissement – transfert de propriété – ordonnance du juge de l’expropriation – arrêté de cessibilité – déclaration d’utilité publique – zone d’aménagement concerté – EPFIF – Cour de cassation 2025 – arrêt 24-10.352 –

1. Résumé succinct

Contexte :

L’Établissement public foncier d’Île-de-France (EPFIF) a sollicité le transfert de propriété de parcelles situées dans une ZAC à la suite d’un arrêté de cessibilité pris par le préfet. La société Immobilière Gabriel Wattelez, propriétaire, avait préalablement mis en demeure la commune d’acquérir ces parcelles en exerçant son droit de délaissement.

Juridiction :

Cour de cassation, Troisième chambre civile – Arrêt n° 264 FS-B, rendu le 28 mai 2025, pourvoi n° 24-10.352.

Impact :
La Cour rappelle qu’en présence d’un arrêté de cessibilité, le juge de l’expropriation est tenu de prononcer le transfert de propriété, même si un droit de délaissement a été exercé antérieurement. Cette décision conforte la primauté des actes administratifs de cessibilité sur les initiatives des propriétaires.


2. Analyse détaillée
Les faits
La société Immobilière Gabriel Wattelez, propriétaire de parcelles situées dans une zone d’aménagement concerté (ZAC), a exercé son droit de délaissement auprès de la commune de [Localité 17]. Faute d’accord, elle a saisi le juge de l’expropriation.

Par la suite, un arrêté de déclaration d’utilité publique a été pris le 12 avril 2023, suivi d’un arrêté de cessibilité du 20 octobre 2023 visant lesdites parcelles, au profit de l’EPFIF.

La procédure
1er juillet 2023 : saisine du juge de l’expropriation par la société Wattelez.
9 novembre 2023 : le juge de l’expropriation du TJ de Versailles rejette la demande de transfert de propriété formulée par l’EPFIF.
28 mai 2025 : la Cour de cassation casse partiellement cette ordonnance.
Arguments des parties
EPFIF : soutient que la procédure de délaissement ne fait pas obstacle au transfert de propriété dès lors que l’arrêté de cessibilité est régulier.
Société Wattelez : invoque l’antériorité de la procédure de délaissement pour refuser l’expropriation.
Raisonnement de la Cour
La Cour rappelle que :

« Dès lors qu’une parcelle est visée par un arrêté de cessibilité régulier, le juge doit prononcer le transfert de propriété, sauf caducité ou annulation de l’arrêté ou dossier incomplet » (cf. art. L. 221-1, R. 221-2 et R. 221-5 du Code de l’expropriation pour cause d’utilité publique).
La procédure de délaissement, même antérieure, ne fait pas obstacle au transfert dès lors que l’autorité administrative a régularisé la cessibilité.

Solution
La Cour casse partiellement l’ordonnance du 9 novembre 2023 en ce qu’elle refuse le transfert de propriété des parcelles visées. L’affaire est renvoyée devant le juge de l’expropriation du département des Hauts-de-Seine.


3. Références et articles juridiques

Références jurisprudentielles

Cass. civ. 3e, 28 mai 2025, n° 24-10.352, publié au Bulletin :

Cons. const., 16 mai 2012, n° 2012-247 QPC : confirme la compétence du juge judiciaire pour apprécier la régularité formelle des pièces transmises dans le cadre de l’expropriation.

Textes juridiques cités


Article L. 221-1 du Code de l’expropriation :

« L'ordonnance portant transfert de propriété est rendue par le juge de l'expropriation au vu des pièces constatant que les formalités prescrites par le présent livre ont été accomplies. »

Article R. 221-2 du même code :

« Le juge prononce l'expropriation au vu des pièces mentionnées à l'article R. 221-1 et refuse de la prononcer s'il constate que le dossier est irrégulier ou les actes caducs. »


Article R. 221-5 du même code :

« Le juge motive expressément son refus d'expropriation sur l’un des fondements limitativement énumérés. »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement suivi

La Cour de cassation rappelle que :

Le juge de l’expropriation n’a pas le pouvoir d’apprécier l’opportunité de l’acte de cessibilité ni de prendre en compte l’existence d’une procédure parallèle de délaissement.

Son contrôle est purement formel : conformité du dossier et validité des actes administratifs.

En jugeant que la procédure de délaissement empêchait le transfert de propriété, le juge du fond a méconnu l’étendue de sa compétence.

Conséquences juridiques

Renforcement de la sécurité juridique de la procédure d’expropriation : la présence d’un arrêté de cessibilité suffit à obliger le juge à transférer la propriété.

Limitation du pouvoir du juge judiciaire : il n’a pas à tenir compte des démarches volontaires du propriétaire (droit de délaissement).

Clarification pour les collectivités et établissements publics : ils peuvent poursuivre l’expropriation même en présence d’un droit de délaissement antérieur.

5. Critique de la décision

Souligne que cette jurisprudence s’inscrit dans une continuité : le droit de délaissement n’a jamais été considéré comme un obstacle à l’expropriation si l’arrêté de cessibilité est pris ultérieurement et régulièrement.

La décision renforce la séparation entre la phase administrative (qui détermine les parcelles cessibles) et la phase juridictionnelle (transfert formel de propriété).

6. Accompagnement juridique

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