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Étiquettes sur fruits/légumes : la CJUE limite la notion d’« emballage »

Le 16 septembre 2025
Étiquettes sur fruits/légumes : la CJUE limite la notion d’« emballage »
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1. Résumé succinct

Parties : Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais (Interfel) c/ Premier ministre (France) et ministres compétents.

Juridiction : Cour de justice de l’Union européenne, neuvième chambre ; arrêt du 1ᵉʳ août 2025, affaire C-772/24 (renvoi préjudiciel du Conseil d’État, décision de renvoi du 6 novembre 2024, n° 466929). 

Objet : Interprétation de l’article 3 et de l’annexe I de la directive 94/62/CE — les étiquettes apposées directement sur les fruits/légumes constituent-elles « en toute hypothèse » des emballages 

Solution : Non, pas systématiquement. Elles ne sont des « emballages » que si elles remplissent au moins l’une des trois fonctions (contenir/protéger ; permettre manutention/acheminement ; assurer présentation) et relèvent d’une des trois catégories (vente, groupage, transport). Appréciation in concreto laissée au juge national. 

Effet direct sur les pratiques : La France ne peut plus assimiler automatiquement toutes ces étiquettes à des « emballages ». Les contrôles et sanctions (art. R. 543-73 C. env.) doivent tenir compte, cas par cas, des fonctions réellement remplies par l’étiquette. Légifrance

2. Analyse détaillée

Les faits 

10 févr. 2020 : Loi AGEC (art. 80) annonce la fin des étiquettes non compostables apposées directement sur fruits/légumes.

28 déc. 2020 : Décret n° 2020-1724 insère au R. 543-73 C. env. une contravention (3ᵉ classe) en cas d’apposition d’une telle étiquette non conforme. 

25 avr. 2022 : Interfel demande l’abrogation du III de l’art. 1ᵉʳ du décret 2020-1724 (silence de rejet).

23 août 2022 : Recours Interfel devant le Conseil d’État.

6 nov. 2024 : CE sursis à statuer et renvoi préjudiciel (n° 466929). Conseil d'État

1ᵉʳ août 2025 : Arrêt CJUE C-772/24. Cour de justice de l'Union européenne

La procédure

Juridiction de renvoi : Conseil d’État (France). Question unique : les étiquettes directement apposées sur fruits/légumes sont-elles toujours des emballages au sens de l’art. 3 dir. 94/62 et de l’annexe I ?

Observations : Interfel, Gouvernement français, Commission européenne. La Cour statue sans conclusions de l’avocate générale.


Contenu de la décision

Arguments évoqués

Gouvernement français : forte diversité des étiquettes (taille, informations, parfois entourant le produit), de sorte qu’elles ne visent pas toujours la protection, la manutention/acheminement, ni la présentation.

Raisonnement de la CJUE

Interprétation large de la notion d’« emballage », mais encadrée par la définition de l’art. 3 et les trois critères du troisième alinéa. Référence à l’arrêt Eco-Emballages (10 nov. 2016, affaires jointes C-313/15 et C-530/15, EU:C:2016:859). 

Annexe I : la mention « étiquettes accrochées directement ou fixées à un produit » figure à titre d’exemple pour le critère (iii) (éléments auxiliaires jouant un rôle d’emballage), pas comme qualification automatique. 

Conséquence : On ne peut court-circuiter la définition positive (art. 3, § 1, 1ᵉʳ & 2ᵉ al.) au seul motif qu’une étiquette est fixée au produit ; il faut vérifier si au moins l’une des trois fonctions est remplie et si l’étiquette appartient à l’une des trois catégories (vente/groupage/transport). 

Application au cas des fruits/légumes : fréquemment, ces étiquettes ne visent pas à contenir/protéger ni à permettre la manutention/acheminement ; la présentation est possible dans certains cas, mais pas en toute hypothèse. Appréciation in concreto par le CE. 

Dispositif

Les étiquettes directement apposées sur fruits/légumes ne sont pas, en toute hypothèse, des « emballages ». Elles ne le sont que si elles remplissent au moins une des trois fonctions et relèvent d’une catégorie d’emballage. 


3. Références juridiques 

3.1 Jurisprudence 

CJUE (9ᵉ ch.), 1ᵉʳ août 2025, C-772/24, Interfel 


CJUE (3ᵉ ch.), 10 nov. 2016, aff. jointes C-313/15 et C-530/15, Eco-Emballages 

CE (6ᵉ-5ᵉ ch. réunies), 6 nov. 2024, n° 466929 (renvoi) 


3.2 Textes légaux 

Directive 94/62/CE (version consolidée, art. 3 et annexe I).

Extrait annexe I (critère iii) : « Les étiquettes accrochées directement ou fixées à un produit » (exemples d’éléments constitutifs d’un emballage). 

Loi n° 2020-105 du 10 févr. 2020 (AGEC), art. 80 – version en vigueur :
« Au plus tard le 1ᵉʳ janvier 2022, il est mis fin à l’apposition d’étiquettes directement sur les fruits ou légumes, à l’exception des étiquettes compostables en compostage domestique et constituées en tout ou partie de matières biosourcées. » 

C. env., art. R. 543-73 (contraventions 3ᵉ classe) – modifié par le décret n° 2020-1724 (art. 1, III, 2°) :

« 4° D’apposer une étiquette directement sur un fruit ou un légume, à l’exception de celles qui sont compostables en compostage domestique et constituées de tout ou partie de matières biosourcées, en méconnaissant ainsi l’article 80 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 […] » 

4. Analyse juridique approfondie

Principe dégagé : La mention des étiquettes à l’annexe I de la dir. 94/62 n’emporte pas qualification automatique. L’exemple illustre le critère (iii) (« éléments auxiliaires jouant un rôle d’emballage ») et suppose la réunion, au préalable, des conditions de la définition (art. 3, § 1, 1ᵉʳ-2ᵉ al.) et de l’appartenance à une catégorie d’emballage. 

Fil directeur Eco-Emballages (2016) : La Cour rappelait déjà que la notion d’« emballage » doit être interprétée largement, mais au regard des fonctions énoncées à l’art. 3, et que l’annexe I est illustrative. L’arrêt 2025 confirme et transpose ce canevas aux étiquettes sur fruits/légumes. 

Conséquences pratiques (France) :

Les autorités ne peuvent plus présumer irréfragablement que toute étiquette est un « emballage ». Il faut qualifier au cas par cas : étiquette informative minime ≠ étiquette présentoir/ceinture entourant le produit. 

Le CE devra vérifier, pour valider ou écarter l’application du R. 543-73, quelle fonction remplit l’étiquette litigieuse (présentation, par ex.) et sa catégorie (emballage de vente, groupage, transport). 

Portée systémique :

Clarification utile alors que le futur Règlement « emballages » (abrogation annoncée de la dir. 94/62) reprend l’architecture de définition et mentionne expressément les étiquettes adhésives fixées aux fruits/légumes — sans déroger à l’examen des fonctions. (Contexte rappelé par le CE dans l’ordonnance de renvoi.) 

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