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1. Résumé succinct
Parties : M. [T] c/ SAS Inphasoins.
Juridiction : Cour de cassation, 2e civ., 11 septembre 2025, n° 22-19.664 (inédit, annulation).
Nature du litige : procédure d’appel avec expertise avant dire droit ; irrecevabilité de l’intimé qui n’a pas conclu dans le délai de l’art. 909 CPC et possibilité (ou non) de conclure après dépôt du rapport d’expertise.
Effet sur la jurisprudence/pratiques : inflexion majeure de la règle issue notamment de Civ. 2e, 28 janv. 2016 (n° 14-18.712) : quand une expertise est ordonnée et le rapport déposé, l’intimé doit pouvoir discuter contradictoirement ce rapport et tirer des conséquences procédurales (dans les limites du rapport), nonobstant une ordonnance antérieure d’irrecevabilité sur le fondement de l’art. 909.
2. Analyse détaillée
Les faits
18 juin 2014 : jugement du TC (après opposition) condamnant la société Inphasoins. Appel le 4 juillet 2014.
4 mars 2015 : conseiller de la mise en état (CME) déclare M. [T] irrecevable à conclure (ancien art. 909 CPC). Ordonnance devenue irrévocable.
11 février 2016 : arrêt avant dire droit de la cour d’appel : expertise sur l’étendue des travaux, retards, chiffrage.
21 nov. 2019 : dernières conclusions de l’appelante après dépôt du rapport d’expertise ; l’intimé (déjà déclaré irrecevable) réplique le 17 déc. 2019. La CA les déclare irrecevables.
18 février 2021 : arrêt de la CA de Caen confirmé sur l’irrecevabilité ; pourvoi.
11 septembre 2025 : Cassation (annulation) : solution nouvelle sur la recevabilité des conclusions de l’intimé après le dépôt d’un rapport d’expertise ordonnée par la CA.
Procédure
1re instance : TC (condamnation partielle).
Appel : CME déclare l’intimé irrecevable à conclure au visa de l’art. 909 CPC ; puis expertise ordonnée avant dire droit ; la CA statue au fond en retenant encore l’irrecevabilité.
Cassation : annulation et renvoi.
Contenu de la décision
Arguments
Demandeur au pourvoi (intimé en appel) : la sanction 909 CPC ne se justifie plus après l’ordonnance d’expertise et le dépôt du rapport ; principe du contradictoire (art. 6 §1 CEDH) et possibilité de répondre à des prétentions nouvelles de l’appelant postérieures au rapport.
Défenderesse : fin de non-recevoir (moyen nouveau), autorité de chose jugée de l’ordonnance du CME (art. 914 al. 2 CPC — ancienne numérotation), et pérennité de la sanction issue de la jurisprudence 909.
Raisonnement
Rappels :
Art. 909 CPC (version D. 2010-1647) : délai de 2 mois pour que l’intimé conclue, à peine d’irrecevabilité.
Art. 914, al. 2 CPC (même décret) : les ordonnances du CME statuant sur l’irrecevabilité ont autorité de chose jugée.
Jurisprudence constante : l’intimé hors délai n’est plus recevable à soulever moyen de défense ou incident d’instance (Civ. 2e, 28 janv. 2016, n° 14-18.712, publié).
Tournant opéré : lorsque la cour d’appel ordonne une expertise (art. 144 CPC) et qu’un rapport est déposé, cet événement postérieur modifie les termes du débat ; priver l’intimé de tout droit de conclure romprait l’égalité des armes et n’aurait plus de but légitime de célérité. L’intimé doit pouvoir discuter le rapport et invoquer des moyens/prétentions nouveaux dans les limites du rapport et du cadre de l’art. 910-4, al. 2 CPC, sans que l’autorité de l’ordonnance 909 puisse lui être opposée.
Solution
Annulation de l’arrêt de la CA de Caen ; renvoi devant la CA de Rouen. Principe nouveau : en cas d’expertise ordonnée en appel, l’intimé déclaré irrecevable au titre de l’art. 909 CPC retrouve la faculté de conclure (dans les limites du rapport).
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Décision pivot (évolution)
Cass. civ. 2e, 11 sept. 2025, n° 22-19.664 – Annulation (solution nouvelle : recevabilité des conclusions de l’intimé après expertise et dépôt du rapport, malgré une irrecevabilité 909 antérieure).
Jurisprudence antérieure (règle stricte « 909 »)
Cass. civ. 2e, 28 janv. 2016, n° 14-18.712 (publié) – Principe : l’intimé hors délai 909 n’est plus recevable à soulever moyen de défense ou incident d’instance.
Cass. civ. 2e, 16 mai 2019, n° 18-14.681 – Rappelle l’incompatibilité non caractérisée avec les droits de la défense ; confirme la fermeté de la sanction 909.
Cass. civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 19-17.673 – La CA ne peut tenir compte de conclusions déjà déclarées irrecevables par le CME.
3.2 Textes légaux (version applicable)
Article 908 CPC (version « appel 2011 », D. 2010-1647) : délai 3 mois pour l’appelant, à peine de caducité.
Article 909 CPC (version « 2011 », D. 2010-1647) : délai 2 mois pour l’intimé, à peine d’irrecevabilité relevée d’office.
Article 914, al. 2 CPC (version 01.01.2011–01.09.2017) : autorité de chose jugée des ordonnances du CME statuant sur 909/910.
Décret n° 2010-1647 du 28 déc. 2010 (procédure d’appel avec représentation obligatoire) : base des délais 908/909 et pouvoirs du CME.
CEDH citée par l’arrêt 2025 (Dombo Beheer, Ruiz-Mateos, Lobo Machado, Mantovanelli, Spang, Ziegler, Clinique des Acacias) :
4. Analyse juridique approfondie
Décryptage du raisonnement (2025)
La 2e chambre civile arbitre entre deux impératifs :
Célérité/discipline procédurale (art. 909 + autorité de l’ordonnance du CME) ;
Égalité des armes et contradictoire (art. 6 §1 CEDH) après une expertise ordonnée par la cour.
Elle considère que l’expertise change la donne : la mesure d’instruction modifie les éléments du débat ; interdire à l’intimé (déjà sanctionné) de répondre au rapport et aux écritures nouvelles de l’appelant crée un désavantage net et n’est plus proportionné au but de célérité.
D’où la possibilité retrouvée de conclure dans le périmètre du rapport et selon l’art. 910-4, al. 2 CPC (nouvelles prétentions dictées par l’intervention/évolution du litige).
Comparaison avec la jurisprudence antérieure
Avant 2025 : ligne très stricte (Civ. 2e, 28 janv. 2016 ; 2018 ; 2019 ; 2020 ; 2021) : l’intimé hors délai 909 est verrouillé — plus de moyens de défense/incident, et les conclusions ultérieures restent inexploitables pour la CA.
Après 2025 : aménagement proportionné : si la CA elle-même a ordonné une expertise et qu’un rapport est déposé, l’intimé peut de nouveau conclure, uniquement pour discuter le rapport et adapter ses moyens/prétentions dans ces limites. L’autorité de l’ordonnance CME ne fait plus obstacle à cette contradiction ciblée.
Évolution des pratiques
Rédaction des calendriers : veiller à ce que, après dépôt du rapport, la mise en état réouvre un tour de conclusions pour toutes les parties, y compris l’intimé auparavant « 909 ».
Stratégie contentieuse : l’appelant ne peut plus capitaliser sur le « silence forcé » de l’intimé lorsque lui-même développe des prétentions nouvelles au vu du rapport d’expertise.
Sécurisation : l’intimé devra circonscrire ses conclusions au contenu du rapport et aux chefs que l’art. 910-4, al. 2 autorise (pas de « reset » général).
5. Critique de la décision
L’arrêt 2025 rééquilibre procédure/contradictoire uniquement en présence d’une expertise ordonnée par la CA et rapport déposé.
Nouvelle règle d’espèce mais à portée générale pour tous les contentieux d’appel avec expertise.
6. Accompagnement personnalisé
La SELARL Philippe GONET (Saint-Nazaire) peut :
Auditer vos dossiers d’appel frappés par une ordonnance 909 et identifier si une expertise (ou sa dynamique probatoire) permet d’ouvrir la fenêtre procédurale créée par l’arrêt 2025 ;
Rédiger les conclusions d’incident en réponse (CME) et les conclusions au fond post-rapport, strictement cantonnées aux limites fixées (rapport/expertise, art. 910-4, al. 2 CPC) ;
Sécuriser les calendriers et anticiper les risques d’inopposabilité/irrecevabilité résiduels
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