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CEDH, Hora c. Royaume-Uni (23-09-2025) : vote des détenus et contrôle in concreto

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CEDH, Hora c. Royaume-Uni (23-09-2025) : vote des détenus et contrôle in concreto
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1. Résumé succinct

Parties : M. Michael Christopher Hora (requérant) c. Royaume-Uni.

Juridiction : CEDH, 2e section, arrêt de chambre du 23 septembre 2025, req. n° 1048/20.

Nature du litige : Privation du droit de vote d’un détenu purgeant une peine à durée indéterminée lors des élections législatives du 12 déc. 2019 au Royaume-Uni.

Solution : Non-violation de l’article 3 du Protocole n° 1 (droit à des élections libres) ; contrôle in concreto tenant à la gravité des infractions, au risque pour le public et à la nature de la peine. 

Effet : Première affaire post-mesures d’exécution de Hirst (no 2) : la Cour valide, au cas d’espèce, la compatibilité de la privation du droit de vote d’un détenu condamné pour crimes graves sous peine indéterminée après les ajustements administratifs opérés au Royaume-Uni.


2. Analyse détaillée

Faits

2000 : 1re condamnation de M. Hora pour viol.

2007 : nouvelles condamnations pour deux viols et agression sexuelle ; peine d’emprisonnement à durée indéterminée (IPP) avec période minimale de 4 ans.

12 déc. 2019 : élections législatives au Royaume-Uni ; impossibilité de voter du fait de l’article 3 RPA 1983 (Representation of the People Act).

6 janv. 2020 : requête introduite à la CEDH (req. n° 1048/20). 

Procédure

Aucune contestation interne spécifique sur l’incompatibilité de la loi devant les juridictions britanniques (le requérant estimant l’inutilité d’un tel recours). Requête directe à la CEDH.
Arrêt de la CEDH (chambre), 23 sept. 2025 : non-violation de l’art. 3 Prot. n° 1.

Contenu de la décision

Arguments essentiels du requérant

La privation du droit de vote, fondée sur l’article 3 RPA 1983, demeure contraire à Hirst (no 2), la réforme n’ayant pas levé la privation pour les détenus purgeant une peine d’IPP. 


Raisonnement de la Cour

Cadre normatif :

Art. 3 du Protocole n° 1 : obligation d’organiser des élections libres impliquant un droit individuel de vote, sous limitations implicites et large marge d’appréciation des États. ECHR+1
Droit interne : section 3 RPA 1983 (disenfranchisement of offenders in prison). 

Contexte post-Hirst :

Après Hirst (no 2), le RU a ajusté son dispositif par mesures administratives (vote en libération temporaire/assignation, information des détenus) ; en 2018, le Comité des Ministres a clos la surveillance estimant ces mesures suffisantes. 

Contrôle appliqué au cas d’espèce (in concreto) :

La Cour n’examine plus in abstracto la compatibilité globale de la section 3 RPA 1983, mais apprécie la proportionnalité telle qu’appliquée au requérant.

Compte tenu de la gravité des crimes (viol(s), agression sexuelle), de la récidive, du risque significatif pour le public et de la peine indéterminée, la restriction au droit de vote n’est pas disproportionnée. Non-violation de l’art. 3 Prot. n° 1. 

Solution retenue

Non-violation de l’art. 3 Prot. n° 1 ; la déchéance du droit de vote de M. Hora lors du scrutin de 2019 n’a pas excédé la marge d’appréciation de l’État dans les circonstances particulières de la cause. 


3. Références juridiques 

3.1. Jurisprudence CEDH (prisoners’ voting)

CEDH, G.C., Hirst c. Royaume-Uni (no 2), 6 oct. 2005, n° 74025/01 (arrêt de principe : interdiction « générale, automatique et indifférenciée »).

CEDH, G.C., Scoppola c. Italie (no 3), 22 mai 2012, n° 126/05 (validation d’un dispositif gradué lié à la nature de la peine & décision du juge).

CEDH, Anchugov et Gladkov c. Russie, 12 sept. 2013, n° 11157/04 et 15162/05 (condamnation de la privation générale).

CEDH, Hora c. Royaume-Uni, 23 sept. 2025, n° 1048/20 (présent arrêt). 

3.2. Textes légaux 

Article 3 du Protocole n° 1 CEDH (« droit à des élections libres ») – texte authentique (CEDH) :

Representation of the People Act 1983, section 3 (« Disfranchisement of offenders in prison »), site officiel legislation.gov.uk (RU) :

 
4.Analyse juridique approfondie

Décryptage du raisonnement

La Cour réaffirme que l’art. 3 Prot. n° 1 implique des droits individuels mais laisse un large pouvoir d’appréciation aux États pour définir les conditions d’exercice du droit de vote, sous réserve d’un contrôle de proportionnalité. 

Inflection majeure post-Hirst : d’un contrôle in abstracto (condamnation d’un blanket ban) à un contrôle in concreto centré sur l’application au cas individuel lorsque l’État a adapté son cadre (même par mesures administratives). 

Pivot Scoppola (no 3) : la CEDH admet qu’une déchéance ciblée, graduée et corrélée à la gravité des infractions/peines, peut être compatible avec l’art. 3 Prot. n° 1. Hora s’inscrit explicitement dans ce sillage. 

Comparaison avec la jurisprudence antérieure

Hirst (no 2) (2005) : violation en raison d’une privation générale, automatique et indifférenciée par la section 3 RPA 1983. 

Après 2005 : le RU n’a pas modifié la loi mais a adopté des mesures administratives (vote en temporary release, assignation à résidence, information des détenus) jugées suffisantes par le Comité des Ministres en 2018 pour clore l’exécution.

Scoppola (no 3) (2012) : non-violation pour un système gradué lié à la décision du juge et à la nature de la peine. 

Anchugov & Gladkov (2013) : violation en Russie en raison d’une interdiction constitutionnelle générale.

Apport de Hora (2025) : la CEDH valide, dans le cas d’un détenu IPP condamné pour crimes sexuels graves et récidive, la déchéance appliquée en 2019, considérant la proportionnalité suffisante au regard des buts légitimes (intégrité du processus démocratique, respect de l’ordre social). 

Évolution des pratiques et intégration jurisprudentielle

La ligne CEDH passe désormais d’une condamnation des interdictions absolues à une validation conditionnelle de restrictions ciblées, fondées sur des critères substantiels (gravité, récidive, peine, dangerosité) et sur un contrôle effectif de proportionnalité au cas par cas. Hora confirme cette maturation du standard. 

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