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1. Résumé succinct
Parties : M. [J] [K] (demandeur au pourvoi) c/ Mme [R] [D] [F] (défenderesse au pourvoi).
Juridiction: Cour de cassation, 2e chambre civile, 11 septembre 2025, n° 22-20.458, arrêt n° 930 F-B, publié au Bulletin.
Nature du litige : Procédure d’appel – portée de l’article 910-4 CPC (ancienne rédaction) en cas de majoration du montant d’une prétention entre les premières et les dernières conclusions.
Effet direct sur la jurisprudence / pratiques : La Cour casse l’arrêt d’appel qui avait déclaré irrecevable une prétention au seul motif que son montant avait été majoré dans les dernières conclusions.
Elle énonce la règle suivante : la prétention reste recevable à concurrence du montant initial (hors cas de l’alinéa 2 de l’art. 910-4). Clarification opérationnelle importante pour la rédaction des écritures d’appel avant l’entrée en vigueur du décret n° 2023-1391.
2.Analyse détaillée
Les faits
9 octobre 2019 – TGI : dans le cadre de la liquidation des intérêts patrimoniaux consécutive au divorce, M. K. est condamné à payer une somme à Mme F.
Appel – M. K. interjette appel du jugement.
30 mars 2022 – CA Saint-Denis de La Réunion (chambre de la famille) : l’appel de M. K. est déclaré mal fondé ; la cour écarte une prétention en considérant qu’elle n’était pas reprise dans les dernières conclusions puisque son montant avait été augmenté (de 6 900 € à 11 453,91 €).
Pourvoi – M. K. forme un pourvoi unique, invoquant les articles 910-4 CPC et 6 § 1 CEDH (droit d’accès au juge).
9 juillet 2025 – Audience publique à la 2e civ.
11 septembre 2025 – Cassation avec renvoi (CA Saint-Denis autrement composée).
La procédure
1re instance (TGI, 9.10.2019) : condamnation de M. K. au profit de Mme F.
Appel (CA Saint-Denis, 30.03.2022) : confirmation ; irrecevabilité d’une prétention au motif de sa majoration dans les dernières conclusions.
Cassation (Civ. 2, 11.09.2025) : casse en toutes ses dispositions ; renvoi ; condamnation de Mme F. aux dépens et 3 000 € (art. 700 CPC).
Contenu de la décision (arguments, raisonnement, solution)
Arguments des parties
M. K. soutenait que :
au regard des articles 910-4 et 954 CPC, le juge d’appel demeure saisi d’une prétention reprise dans les dernières conclusions, même si son montant est augmenté ; la recevabilité subsiste à due concurrence du montant initial (3e branche) ;
l’analyse inverse porte une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge (art. 6 § 1 CEDH). (4e branche).
Raisonnement de la Cour de cassation
Visa : art. 6 § 1 CEDH et art. 910-4 CPC (ancienne rédaction, antérieure au décret n° 2023-1391).
Principe dégagé : « sauf les hypothèses de l’alinéa 2 de l’article 910-4 CPC, lorsqu’une prétention présentée dans les premières conclusions est reprise dans les dernières avec une majoration de son montant, elle n’est recevable qu’à concurrence du montant fixé dans les premières conclusions ». (règle de recevabilité partielle, non d’irrecevabilité totale).
Cour de Cassation
Application : la CA, en déclarant irrecevable la demande parce que son montant avait été augmenté dans les dernières conclusions, a violé les textes précités ; il fallait la déclarer recevable à hauteur du montant initial.
Solution
Cassation totale ; renvoi à la CA Saint-Denis autrement composée ; dépens à la charge de Mme F. ; 3 000 € au titre de l’art. 700 CPC.
3. Références juridiques
3.1 Jurisprudence
Décision commentée
Cass. civ. 2e, 11 sept. 2025, n° 22-20.458 (F-B),
Principales antérieures (ancienne rédaction de l’art. 910-4 CPC)
Cass. civ. 2e, 2 févr. 2023, n° 21-18.382 – recevabilité d’un moyen nouveau présenté dans des conclusions postérieures : précision du rapport 910-4 / moyens (non « prétentions »).
Cass. civ. 1re, 9 juin 2022, n° 19-24.368 – portée de 910-4 al. 2 (limitation de l’irrecevabilité de l’alinéa 1).
Cass. civ. 1re, 9 juin 2022, n° 20-20.688 – dernières conclusions contenant les prétentions : rappel des exigences de 954/910-4.
Cass. civ. 2e, 4 juil. 2024, n° 21-20.694 – exclusion de 910-4 pour certaines demandes (ex. incidents non soumis à concentration des prétentions).
Avis Cass., 2e civ., 11 oct. 2022, n° 22-70.010 – compétence : les fins de non-recevoir tirées des arts. 564 et 910-4 relèvent de la cour d’appel (et non du CME).
3.2 Textes légaux
Article 910-4 du code de procédure civile (ancienne rédaction, en vigueur du 1.01.2020 au 1.09.2024, abrogé par le décret n° 2023-1391)
« À peine d’irrecevabilité, les parties doivent présenter, dès les premières conclusions, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond… » (cit. abrégée – voir version intégrale via le lien).
Décret n° 2023-1391 du 29 déc. 2023 (simplification de la procédure d’appel ; entrée en vigueur 1.09.2024 ; réécriture/abrogation notamment de 910-4) –
Article 6 § 1 CEDH – « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement… »
4. Analyse juridique approfondie
Décryptage du raisonnement
La 2e civ. articule l’exigence de concentration des prétentions (910-4, anc.) avec le droit d’accès au juge (art. 6 § 1 CEDH). Elle refuse une lecture excessivement formaliste : l’augmentation du quantum d’une prétention déjà présentée ne peut conduire à une irrecevabilité totale. La sanction adéquate est la recevabilité limitée au montant initial (sauf cas de l’alinéa 2 : prétentions en réplique, faits nouveaux, intervention, etc.). Cette solution préserve la finalité de 910-4 (discipline des écritures) sans porter atteinte à la substance du droit d’accès au juge.
Confrontation à la jurisprudence antérieure
Sur le périmètre de 910-4 : la Cour avait déjà cantonné l’irrecevabilité de l’alinéa 1 par l’alinéa 2 (Cass. 1re, 9 juin 2022, n° 19-24.368).
Sur moyens vs prétentions : Cass. 2e, 2 févr. 2023 (n° 21-18.382) admet des moyens nouveaux ultérieurs ; la décision 2025 complète le régime des prétentions déjà introduites mais dont seul le montant évolue.
Sur les matières exclues de 910-4 : Cass. 2e, 4 juil. 2024 (n° 21-20.694) écarte la concentration pour certains incidents ; l’arrêt 2025 sécurise le traitement des prétentions au fond déjà soumises à 910-4.
Sur la compétence : l’Avis 11 oct. 2022 (n° 22-70.010) avait fixé la compétence de la cour (non du CME) pour les fins de non-recevoir fondées sur 910-4 ; l’arrêt 2025 s’inscrit dans cette architecture.
Évolution des pratiques
Avant la réforme (jusqu’au 1.09.2024), la tentation était d’écarter purement et simplement une prétention majorée tardivement. Désormais, au regard de cet arrêt :
La sanction pertinente est une limitation à concurrence du montant initial (et non l’irrecevabilité totale) ;
Les avocats doivent soigner leurs premières conclusions (fixant l’assiette de recevabilité), puis ajuster prudemment le quantum par la suite.
Intégration dans une construction cohérente
L’arrêt 2025 équilibre efficacité procédurale (910-4, anc.) et effectivité du droit d’accès au juge (6 § 1 CEDH), prolongeant un mouvement de dé-rigidification déjà perceptible dans la jurisprudence 2022-2024 et préfigurant l’esprit du décret 2023-1391 (réécriture de la procédure d’appel au 1.09.2024).
5. Critique de la décision
Le principe de recevabilité partielle offre une solution proportionnée ; toutefois, le texte de 910-4 n’énonçait pas expressément cette graduation : la Cour l’infère du couple 910-4/6 § 1.
Règle opératoire claire : si une prétention “A” est posée dès l’origine, sa majoration ultérieure reste recevable dans la limite du montant initial (sauf hypothèses de l’al. 2).
6. Accompagnement personnalisé
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