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1. Résumé succinct
Contexte :
La Mutuelle centrale de réassurance (MCR), venue aux droits de la CCRMA (implantée en Algérie avant 1962), demandait réparation à l’État français pour avoir refusé de lui accorder la protection diplomatique afin d’obtenir une indemnisation des expropriations opérées par l’Algérie après l’indépendance.
Juridiction : Conseil d’État (Assemblée)
Nature du litige : Responsabilité sans faute de l’État – rupture d’égalité devant les charges publiques
Décision : Le Conseil d’État admet la compétence du juge administratif pour connaître de telles demandes, mais rejette l’action au fond.
Impact : Confirmation de la possibilité théorique d’engager la responsabilité sans faute de l’État pour refus de protection diplomatique, tout en posant des limites restrictives à ce régime.
2. Analyse détaillée
Les faits
La CCRMA, active en Algérie avant 1962, a vu ses biens expropriés ou nationalisés sans indemnité après l’indépendance. La MCR, son ayant-droit, a demandé en 2014 au ministre des affaires étrangères d’exercer la protection diplomatique pour obtenir réparation de l’Algérie, puis a sollicité une indemnisation de l’État français pour rupture d’égalité devant les charges publiques, après un refus implicite.
La procédure
TA Paris, 5 février 2021 : rejet de la demande d’indemnisation.
CAA Paris, 19 avril 2022 : annulation du jugement, mais rejet au fond pour incompétence.
Conseil d’État, 24 octobre 2024 : annule l’arrêt d’appel et statue au fond.
Contenu de la décision
Arguments des parties
MCR : demande l’indemnisation du préjudice né du refus de protection diplomatique par l’État français, fondée sur la responsabilité sans faute.
État : soutient l’incompétence du juge administratif pour statuer sur une décision relevant de la conduite des relations internationales.
Raisonnement juridique
Le Conseil d’État distingue deux régimes :
Le refus d’exercer la protection diplomatique est non détachable de la politique étrangère → compétence du juge administratif exclue.
Mais : les conclusions indemnitaires fondées sur la rupture d’égalité devant les charges publiques peuvent relever du juge administratif si elles ne portent pas atteinte à la politique étrangère.
La Haute juridiction admet la compétence mais rejette l’indemnisation pour les motifs suivants :
La décision litigieuse avait pour objet même de régir la situation de la MCR (expropriation liée à la politique étrangère).
L’indemnisation est exclue si le préjudice trouve son origine dans l’acte d’un État étranger (ici l’Algérie).
Aucune charge "particulièrement grave" et disproportionnée ne justifie ici une réparation.
Solution retenue
Article 1er : annulation de l’arrêt de la CAA Paris.
Article 2 : rejet des demandes indemnitaires de la MCR au fond.
Article 3 : notification aux parties, sans frais au titre de l’article L. 761-1 CJA.
3. Références et articles juridiques
Référence officielle
CE, Ass., 24 oct. 2024, n° 465144, publié au recueil Lebon
Textes cités
Article L. 761-1 du code de justice administrative :
« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés... »
Article L. 821-2 CJA (compétence du Conseil d’État pour statuer au fond en cassation).
4. Analyse juridique approfondie
Le Conseil d’État confirme sa jurisprudence classique : les décisions non détachables de la conduite des relations internationales échappent à son contrôle, sauf lorsqu’une indemnisation sur le fondement de l’égalité devant les charges publiques est demandée.
Néanmoins, il limite strictement ce régime d’exception :
La charge doit être spéciale et d’une particulière gravité.
Le préjudice ne doit pas être directement imputable à un État étranger.
L’objet de la décision ne doit pas être la régulation de la situation du requérant.
Conséquences
Confirme la compétence du juge administratif dans certaines hypothèses de responsabilité sans faute pour décisions diplomatiques.
Ferme l’accès à l’indemnisation pour les préjudices liés à des décisions affectant directement la situation du demandeur.
5. Critique de la décision
Maintien de la distinction entre responsabilité pour faute (incompétence du JA) et sans faute (compétence dans des limites strictes).
Définition précise du critère de "charge spéciale et d’une particulière gravité".
L’indemnisation pour refus de protection diplomatique reste une hypothèse très encadrée, quasi-théorique.
Confirmation de la prééminence de la politique étrangère sur le droit à indemnisation.
6. Accompagnement juridique
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