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1. Résumé succinct
Contexte :
Dans cette affaire, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) était saisie d’un renvoi préjudiciel par l’Audiencia Nacional (Espagne), relatif à l’interprétation des articles 4, points 4 et 6, de la décision-cadre 2002/584/JAI, dans le cadre de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen à l’encontre de JMTB, ressortissant espagnol résidant en Roumanie, poursuivi pour fraude fiscale et blanchiment.
Impact :
La Cour précise strictement les conditions dans lesquelles un État membre peut refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen : ni la prescription selon le droit de l’État d’exécution, ni la résidence de la personne recherchée ne permettent, isolément, de refuser l’exécution sans satisfaire aux critères cumulatifs de la décision-cadre.
2. Analyse détaillée
Les faits
JMTB, ressortissant espagnol résidant depuis plus de 5 ans en Roumanie, a été condamné en première instance en Espagne pour fraude fiscale (TVA sur vente d’hydrocarbures sur les exercices 2011 à 2013) et blanchiment d’argent, à un total de 12 ans de prison et plus de 350 millions d’euros d’amendes. Il a formé un pourvoi en cassation, empêchant l’arrêt de devenir définitif.
Alors qu’il était sous contrôle judiciaire, il quitte illégalement l’Espagne. Un mandat d’arrêt européen (MAE) est émis le 6 avril 2022 pour assurer sa présence aux poursuites.
La Roumanie refuse d’exécuter le MAE au motif :
de la prescription de l’action pénale selon le droit roumain (art. 4.4 DC),
de la résidence régulière du prévenu en Roumanie et son opposition à la remise (art. 4.6 DC).
La procédure
Renvoi préjudiciel du 24 juillet 2023 par l’Audiencia Nacional (Espagne).
Audience à la CJUE le 13 novembre 2024.
Arrêt de la CJUE rendu le 10 avril 2025.
Contenu de la décision
Arguments des parties
Espagne et Commission européenne : refus illégal, le MAE vise des poursuites, non l’exécution d’une peine.
Roumanie : prescription et résidence fondent le refus.
Raisonnement juridique de la Cour
La CJUE analyse successivement les deux fondements invoqués pour refuser l’exécution.
Sur l’article 4, point 6 (résidence et engagement d’exécuter la peine)
Condition impérative : le MAE doit être émis pour exécuter une peine (ce qui n’était pas le cas ici).
JMTB n’a pas été condamné définitivement, donc l’article 4.6 n’est pas applicable.
Conclusion : refus illégal de la Roumanie en l'absence de condamnation définitive et sans engagement d’exécuter la peine.
Sur l’article 4, point 4 (prescription et compétence)
La compétence nationale est exigée : le refus n’est recevable que si les juridictions roumaines étaient compétentes.
Or ici, tous les faits ont été commis en Espagne → la Roumanie n’est pas compétente.
Même si les faits auraient été prescrits en droit roumain, l’article 4.4 ne s’applique pas sans compétence nationale.
Conclusion : la prescription invoquée est inopérante en l’absence de compétence roumaine.
Solution retenue
« L’autorité judiciaire d’exécution ne saurait refuser d’exécuter un mandat d’arrêt européen sur le fondement de l’article 4, point 6, si ce mandat n’a pas été émis aux fins d’exécution d’une peine. »
« L’article 4, point 4, ne peut être invoqué si les faits ne relèvent pas de la compétence pénale de l’État membre d’exécution. »
3. Références et articles juridiques
Références jurisprudentielles
CJUE, 10 avr. 2025, C-481/23, Ministerio Fiscal et Abogado del Estado c. JMTB,
CJUE, 31 janv. 2023, Puig Gordi e.a., C‑158/21, EU:C:2023:57
CJUE, 21 oct. 2010, B., C-306/09, EU:C:2010:626
CJUE, 13 déc. 2018, Sut, C-514/17, EU:C:2018:1016
Textes juridiques cités
Décision-cadre 2002/584/JAI du Conseil, 13 juin 2002 (modifiée par DC 2009/299/JAI) :
Article 1er, §1 :
« Le mandat d’arrêt européen est une décision judiciaire émise […] en vue de l’arrestation et de la remise […]. »
Article 4, point 4 :
« […] lorsqu’il y a prescription […] et que les faits relèvent de la compétence de cet État membre selon sa propre loi pénale. »
Article 4, point 6 :
« […] lorsque la personne recherchée réside dans l’État membre d’exécution […] et que cet État s’engage à exécuter cette peine. »
4. Analyse juridique approfondie
La CJUE opère une interprétation stricte et littérale des articles 4.4 et 4.6 DC pour éviter les dérives souverainistes. Elle rappelle le principe de reconnaissance mutuelle, pilier du système européen de justice pénale, et rejette toute interprétation extensive de ces motifs facultatifs de refus.
Conséquences juridiques
Limitation des marges nationales : un État membre ne peut étendre les cas de refus du MAE au-delà de ceux strictement listés.
Sécurisation des poursuites transfrontalières : le simple fait de résider dans un autre État ne suffit plus à se soustraire aux poursuites.
Clarification de la notion de compétence pénale nationale : la prescription ne peut être invoquée que si le pays d’exécution est compétent pour juger les faits.
5. Critique de la décision
La décision repose sur une jurisprudence constante et rigoureusement construite, notamment Puig Gordi. Les critères d’applicabilité des articles 4.4 et 4.6 sont clairement redéfinis, évitant les abus. Les fondements roumains de refus, bien que nationaux, sont écartés au nom de l’ordre juridique de l’Union.
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