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CEDH condamne la France : défaillances graves dans les enquêtes pour viols sur mineures

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CEDH condamne la France : défaillances graves dans les enquêtes pour viols sur mineures
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1. Résumé succinct

Contexte : Dans l’affaire L. et autres c. France, la Cour européenne des droits de l’homme a été saisie par trois femmes françaises (nées en 1995, 2005 et 1991), victimes de violences sexuelles commises alors qu’elles étaient mineures. Elles dénonçaient l’ineffectivité des enquêtes et des poursuites, ainsi que l'absence de protection suffisante de l'État.

Juridiction : CEDH, cinquième section, arrêt du 24 avril 2025 (Requêtes nos 46949/21, 24989/22 et 39759/22).

Décision : La Cour condamne la France pour violation des articles 3 (traitements inhumains), 8 (respect de la vie privée) et 14 (discrimination) de la Convention, soulignant notamment l'absence de prise en compte de la vulnérabilité des victimes et l’usage de stéréotypes sexistes dans l’analyse du consentement AFFAIRE L. ET AUTRES c.….


2. Analyse détaillée

Les faits
Les trois requérantes ont saisi la Cour pour dénoncer l’inefficacité des réponses judiciaires apportées à leurs plaintes pour viol et agressions sexuelles subies dans leur minorité. Les faits incluent des rapports sexuels imposés dans un contexte de vulnérabilité extrême (hospitalisations psychiatriques, intoxications, isolement social, etc.) et des comportements prédatoires de la part d’adultes, dont des sapeurs-pompiers 

La procédure

Requête L. (no 46949/21) : Plainte déposée en 2010 ; lenteur de la procédure ; ordonnance de non-lieu en 2018.
Requête H.B. (no 24989/22) : Plainte en 2020 à l’âge de 15 ans, procédure correctionnelle classée.
Requête M.L. (no 39759/22) : Plainte pour agression sexuelle à 16 ans, non-lieu fondé sur l'écart d’âge jugé insuffisant pour caractériser la contrainte.
Les juridictions nationales n'ont pas reconnu le défaut de consentement comme constitutif du viol, se focalisant uniquement sur la contrainte ou la violence, en négligeant la notion de « consentement éclairé » chez les mineures 

Contenu de la décision

Arguments des requérantes :

Manquements de l’État à ses obligations de protection.
Défaut d’enquête effective.
Discrimination fondée sur le sexe (utilisation de stéréotypes sexistes).
Procédures inéquitables ou dilatoires.

Raisonnement de la CEDH :

Manquement aux obligations positives découlant des articles 3 et 8.
Absence de diligence et de célérité dans les enquêtes.
Absence de reconnaissance du caractère non éclairé du consentement des victimes.
Discours moralisateurs et culpabilisants par les juridictions internes : références au comportement "aguicheur" ou "provocateur" de la victime 

Solution retenue :

Violation des articles 3 et 8 pour les trois requérantes.
Violation de l’article 14 combiné aux articles 3 et 8 pour Mme L.
Octroi d’indemnités allant jusqu’à 25 000 € pour dommage moral 

3. Références et articles juridiques

Références officielles
CEDH, 24 avril 2025, L. et autres c. France, req. nos 46949/21, 24989/22 et 39759/22

Textes cités

Article 3 CEDH :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

Article 8 CEDH :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) »

Article 14 CEDH :
« La jouissance des droits et libertés reconnus (...) doit être assurée, sans distinction aucune (...). »

4. Analyse juridique approfondie

Raisonnement juridique

La Cour rappelle que la France a ratifié la Convention d’Istanbul, imposant une obligation positive de protéger les victimes de violences sexuelles. L’absence, à la date des faits, de la notion de consentement explicite dans le droit français (avant la loi du 21 avril 2021), conjuguée à la reproduction de stéréotypes genrés, constitue une carence systémique.

Les juges français ont échoué à contextualiser le comportement des victimes au regard de leur minorité, de leur détresse psychique et de leur vulnérabilité avérée. La CEDH critique sévèrement l'approche consistant à rechercher des indices de refus actif ou de violence physique, plutôt qu’un défaut de libre arbitre ou de discernement.

Conséquences juridiques

État de droit : Nécessité de réformer en profondeur les pratiques judiciaires concernant les violences sexuelles.
Jurisprudence : Confirmation d’une évolution vers la reconnaissance du défaut de consentement comme critère central du viol.
Pratique judiciaire : Renforcement de l’analyse contextuelle du consentement et rejet des raisonnements stéréotypés ou moralisateurs.

5. Critique de la décision

la décision s’inscrit dans la lignée d’Opuz c. Turquie (2009) et J.L. c. Italie (2021), mais accentue la portée contraignante de la Convention d’Istanbul.
 la jurisprudence confirme que le droit national doit se doter de mécanismes effectifs d’évaluation du consentement, sans préjugés sexistes.

6. Accompagnement juridique
Face à la complexité des procédures pénales et à la nécessité d’un traitement judiciaire respectueux de la dignité des victimes, il est fortement recommandé de consulter un cabinet expérimenté.
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