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Acte de gouvernement : exclusion de tout recours pour les entreprises israéliennes à Euronaval

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Acte de gouvernement :  exclusion de  tout recours pour les entreprises israéliennes à Euronaval
acte de gouvernement – Tribunal des conflits – Euronaval – conseil de défense – compétence juridictionnelle – droit administratif – droit international – relations diplomatiques – refus d’exposition – entreprises israéliennes – interdiction stand militair

1. Résumé succinct

Contexte :
La société Israël Shipyards Ltd, l’association des industriels d’Israël et la Chambre de commerce France-Israël ont contesté devant le tribunal de commerce de Paris le refus d’exposition d’équipements militaires au salon Euronaval 2024, décidé à la suite d’une instruction du Conseil de défense et de sécurité nationale présidé par le Président de la République.

Impact principal :
Le Tribunal des conflits confirme que cette décision constitue un acte de gouvernement non détachable de la conduite des relations internationales de la France, échappant à tout contrôle juridictionnel, tant judiciaire qu’administratif.


2. Analyse détaillée

Les faits

Le 1er octobre 2024, le Conseil de défense et de sécurité nationale a décidé d’interdire aux entreprises israéliennes la participation au salon Euronaval 2024, en raison du contexte des opérations militaires israéliennes à Gaza et au Liban. Cette interdiction a été relayée par la société SOGENA, organisatrice du salon.

Le 23 octobre 2024, les requérants saisissent le juge des référés du tribunal de commerce de Paris pour contester ce refus d’exposition.

La procédure

25 octobre 2024 : le préfet de la région d’Île-de-France présente un déclinatoire de compétence au tribunal de commerce.
30 octobre 2024 : le tribunal de commerce rejette le déclinatoire, se déclare compétent et ordonne la suspension de la décision d’exclusion.
12 novembre 2024 : le préfet élève un conflit positif devant le Tribunal des conflits.
10 mars 2025 : décision du Tribunal des conflits.

Contenu de la décision

Arguments des parties
Requérants : la décision serait illégale, discriminatoire, contraire au droit de l’Union européenne et à la CEDH, ne relevant pas d’un acte de gouvernement. Ils invoquent le droit au recours effectif et à un procès équitable.
Premier ministre : l’acte contesté est un acte de gouvernement, non détachable de la conduite des relations internationales ; il relève des prérogatives de puissance publique exercées en conseil de défense.

Raisonnement juridique du Tribunal
Irrégularité de la procédure : le tribunal de commerce a statué sans respecter le délai de 15 jours prévu à l’article 22 du décret n° 2015-233 du 27 février 2015, entraînant la nullité de son jugement.
Acte de gouvernement : la décision du 1er octobre 2024 est intervenue dans un contexte géopolitique sensible et prise par une autorité constitutionnelle suprême ; elle n’est pas détachable de la conduite des relations internationales. Elle est donc insusceptible de recours.

Solution retenue
Le Tribunal des conflits :

annule la procédure devant le tribunal de commerce,
confirme l’arrêté de conflit,
rejette les demandes au titre de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991.

3. Références et articles juridiques

Décision analysée
Tribunal des conflits, 10 mars 2025, n° C4336

Textes juridiques cités

Décret n° 2015-233 du 27 février 2015, art. 22 :
« En cas de rejet du déclinatoire de compétence, la juridiction ne peut statuer avant l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la notification. »

Loi des 16-24 août 1790 (principe de séparation des autorités administrative et judiciaire)
Loi du 24 mai 1872 (juridictions de l’ordre administratif)
Loi n°91-647 du 10 juillet 1991, art. 75 :
« Le juge condamne la partie perdante aux frais irrépétibles… »

4. Analyse juridique approfondie

Le Tribunal des conflits confirme ici une ligne jurisprudentielle classique selon laquelle les actes de gouvernement échappent à tout contrôle juridictionnel. Il applique une grille d’analyse duale :

Non détachabilité : l’acte concerne directement la politique internationale de la France (sécurité nationale et diplomatie).

Origine de l’acte : issu d’une décision du Conseil de défense présidé par le chef de l’État, dans un contexte militaire.

La portée est majeure : même des décisions ayant un impact économique concret et direct sur des sociétés privées peuvent échapper à toute voie de recours dès lors qu’elles relèvent de la haute politique étrangère.


5. Critique de la décision

L’acte de gouvernement reste une zone d’impunité juridique. La jurisprudence confirme que seule une réforme législative ou constitutionnelle pourrait soumettre ces décisions à un contrôle juridictionnel, même en cas d’atteinte aux droits fondamentaux.

6. Accompagnement juridique
Face à la complexité des actes échappant au contrôle juridictionnel, il est essentiel de se faire assister par un cabinet expérimenté.

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